jeudi 13 octobre 2016

À Dunkerque et Longuenesse, la crise migratoire touche aussi les prisons

Lundi, le député de Calais Yann Capet (PS) a visité les prisons de Dunkerque et de Longuenesse. 

À la prison de Longuenesse, 173 étrangers sont actuellement incarcérés. Dont de nombreux en provenance de Calais.

Il a pu constater que la proportion de migrants incarcérés était en progression. Et que les conditions de travail du personnel pénitentiaire étaient plutôt difficiles…

La maison d’arrêt de Dunkerque fait son âge. Bâtie en 1830, elle est blottie en centre-ville, entre une ancienne école et des barres d’immeubles. À l’intérieur aussi, elle fait son âge. Les cellules sont réparties le long d’étroits couloirs aux murs épais. 

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Alors que, dans les nouveaux établissements, l’encellulement individuel est la norme, à Dunkerque, faute de place, les dortoirs collectifs sont de rigueur. «  Les plus grands comptent dix lits, précise le directeur Laurent Desmulie, qui estime que le collectif a des vertus : «  Il préserve du suicide, il aide à maintenir un lien social.  »

D’ailleurs, à Dunkerque, les choses se passent mieux qu’ailleurs selon le directeur : moins de suicides, moins d’incidents que la moyenne nationale. Cela tient aussi à la taille de l’établissement, à son «  côté familial  », pour reprendre le mot d’un surveillant : 105 places théoriques, 117 lits. Lundi, on comptait 116 détenus. «  Mais il y en a eu jusqu’à 140 cet été  », note Laurent Desmulie. Sur les 116 détenus, 36 sont étrangers, d’Europe centrale, d’Irak, d’Érythrée. La plupart sont des passeurs.

À Longuenesse, on change d’ambiance. C’est une usine, bâtie en périphérie, où vivent 735 détenus, dont 372 en centre de détention (pour les personnes effectivement condamnées) pour 400 places, et 321 en maison d’arrêt (prévenus en attente de leur procès, ou condamnés à des peines inférieures à deux ans), où il n’y a que 185 places. «  C’est une surpopulation de 172 % dans ce secteur  », calcule le directeur Jean-Luc Hazard. L’afflux de migrants contribue pour une bonne part à cette surpopulation.

Lundi, il y avait 173 étrangers incarcérés, dont 88 passeurs et 32 condamnés pour des faits de violence. «  Nous ressentons ici ce qu’il se passe à Calais, commente Jean-Luc Hazard. Le vendredi, de nombreux migrants arrivent ici, quatorze vendredi dernier.  »

Ce sont, le plus souvent, les personnes arrêtées en milieu de semaine en train de bloquer la rocade, jugées et condamnées dans la foulée. Comme Laurent Desmulie, Jean-Luc Hazard et son personnel gèrent cette population venue d’ailleurs (jusqu’à 42 nationalités différentes à Longuenesse) comme ils peuvent : «  Il y a un projet de système de traduction par téléphone.

En attendant, les surveillants se débrouillent, avec les mains, avec l’anglais. On fait aussi appel à d’autres détenus pour aider. » Il s’agit aussi de regrouper les communautés entre elles, et d’éviter trop de proximité entre des nationalités hostiles. «  On évite par exemple de mélanger Irakiens et Iraniens. Mais ce n’est pas toujours facile  », conclut Jean-Luc Hazard.

Yann Capet a pu vérifier par lui-même

Depuis 2000, les parlementaires ont le droit de visiter à leur guise les centres de privation de liberté du territoire. Yann Capet avait déjà usé de ce droit en septembre 2012, trois mois après son élection. Depuis 2015, les parlementaires peuvent se faire accompagner de journalistes. C’est dans ce cadre que nous avons pu visiter les deux établissements, lundi. «  J’avais rencontré une délégation de la CGT pénitentiaire il y a quelques semaines, qui m’avait fait part de soucis liés au manque d’effectif, mais aussi à la forte population de migrants, rappelle Yann Capet. Ce que j’ai vu lundi a confirmé ce qu’ils me disaient. Leurs conditions de travail sont très difficiles, notamment en raison du fait que les effectifs sont calculés sur la capacité théorique de la prison, et non sur la population réelle.  »

Cette situation est plus marquante à Longuenesse où, dans certains secteurs, l’ordre semble plus difficile à faire respecter. Dans la section A2, par exemple, la tension est largement perceptible, autant que les vapeurs de cannabis. «  J’ai été aussi marqué par mon court entretien avec les mineurs que j’ai rencontrés (ils sont actuellement treize à être détenus à Longuenesse). On se rend compte de l’ampleur de la tâche, dans l’optique de leur réinsertion  ».

Déjà auteur d’un courrier avant sa visite, Yann Capet adressera une note au garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas dans les prochains jours. Il y évoquera certainement le sort de la prison de Dunkerque – qui pourrait fermer d’ici 2021- et les conséquences sur le personnel de l’ouverture, en juin 2017, du nouveau centre de semi-liberté de Saint-Martin-lès-Boulogne, rattaché à Longuenesse.

La Voix du Nord

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