mercredi 12 octobre 2016

Plongée dans l’univers des prisons de Longuenesse et Dunkerque

Yann Capet a visité les prisons de Dunkerque et Longuenesse


Le député Yann Capet visite l’une des cellules-dortoirs de la maison d’arrêt de Dunkerque, guidé par le directeur Laurent Desmulie.

Les spécificités d’un territoire se reflètent dans ses prisons. Sollicité par la CGT pénitentiaire, le député Yann Capet a usé de son droit de parlementaire, qui l’autorise à connaître l’état des prisons. Il a été reçu à la maison d’arrêt de Dunkerque, puis au centre pénitentiaire de Longuenesse, qui comprend une maison d’arrêt, un centre de détention, et un quartier pour peines aménagées.



Le sous-effectif des surveillants pénitentiaires, en particulier à la maison d’arrêt de Longuenesse, est un sujet de revendication de longue date pour la CGT. Un autre sujet est apparu plus récemment.

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Pour le syndicat, les établissements de Dunkerque et Longuenesse ont du mal à faire face à une population carcérale liée à la pression migratoire, qu’il s’agisse des passeurs ou des migrants interpellés après des blocages de la rocade.

À la prison de Dunkerque, l’aide au séjour irrégulier est le premier motif d’incarcération, devant les vols, les violences, le trafic de stupéfiants et les affaires de mœurs.

À Longuenesse, un tiers des 321 détenus en maison d’arrêt sont de nationalité étrangère, de 42 nationalités différentes, souvent en conflit entre elles. Or, dénonce la CGT, la barrière de langue se transforme rapidement en problème de communication, et la tâche des surveillants n’en est que plus difficile.

En contrepartie, le syndicat réclame des moyens humains ainsi qu’une prime sur le modèle de celle accordée aux policiers en première ligne des incidents de la pression migratoire. Le député Yann Capet a écrit au Garde des Sceaux pour relayer ces doléances.

Au parloir de la prison de Dunkerque.

À l’issue de ces visites, le député s’est dit satisfait de l’accueil des deux directeurs, « qui ne m’ont absolument rien caché. » Comme ses accompagnateurs, Yann Capet a été marqué « par la jeunesse de certains détenus que j’ai croisé aujourd’hui », et plus encore par l’échange qu’il a pu avoir avec les détenus mineurs.

Une maison d’arrêt accueille les prévenus en attente de jugement et les condamnés à des peines de deux ans maximum, ou en fin de peine.

Un centre de détention accueille les personnes passées en jugement et condamnées.

A Dunkerque, un paradoxe carcéral

La lumière entre peu dans la maison d’arrêt de Dunkerque. Les couloirs y sont si étroits qu’on n’y marche pas côte à côte. La bâtisse, qui date de 1840, porte le poids des ans. Les marches d’escalier sont usées, et ici et là de la peinture et du plâtre tombent des murs.

Cette maison d’arrêt appartient au passé, y compris dans son mode d’encellulement, en dortoirs. Ni le directeur Laurent Desmulie, ni les surveillants dunkerquois ne nient que l’encellulement individuel doit devenir la norme en maison d’arrêt. Néanmoins, leur expérience montre que l’encellulement collectif a aussi ses avantages. À la maison d’arrêt de Dunkerque, la moyenne est de cinq détenus par cellule, et l’une d’elles est actuellement occupée par dix personnes.

« Nous avons très peu d’incidents à la maison d’arrêt de Dunkerque, et la dernière tentative de suicide remonte à plus de dix ans. En termes d’insultes et d’agressions, nos taux sont inférieurs aux moyennes nationales », souligne le directeur, selon qui « l’encellulement collectif permet de mieux prévenir les tentatives de suicide, compte tenu que le détenu éventuellement suicidaire sera presque toujours sous le regard des autres détenus. De plus, cela maintient une certaine sociabilisation ».

« Oui, l’encellulement collectif a des bons côtés, certifie un surveillant pénitentiaire aux faux airs de Tommy Lee Jones, c’est des trucs tout bêtes, mais ils peuvent s’occuper, jouer aux cartes… Après, je ne dis pas c’est toujours idyllique, il y a des conflits. On doit savoir gérer les caractères. On a aussi parfois des problèmes de vols entre détenus... En ce moment, ça va, mais on a eu des moments difficiles, l’été dernier, où on a eu 140 détenus. »

La maison d’arrêt de Dunkerque, vétuste et vouée à la fermeture, est un paradoxe : « Les détenus pourraient demander à partir vers les établissements de Sequedin et Longuenesse, où ils pourraient accéder à des cellules individuelles, mais nous avons très peu de demandes », explique le directeur. Ce que confirme un jeune détenu de Coudekerque : « C’est plus facile pour ma famille si je suis ici. Les conditions de détention, ça va. Le plus dur, c’est de se faire au caractère des uns et des autres. »
Du côté syndical on apprend que beaucoup de surveillants d’établissements pourtant bien plus modernes attendent leur mutation à la maison d’arrêt de Dunkerque. La raison tient évidemment aux conditions de travail, la détention se déroule mieux – des deux côtés des barreaux - dans les petits établissements.

À Longuenesse, trois visages de la détention

Le centre pénitentiaire de Longuenesse donne à voir trois visages de l’incarcération. C’est d’abord sa maison d’arrêt, surpeuplée : 321 détenus pour 185 places, selon le directeur Jean-Luc Hazard. Un nombre qui alarme de longue date la CGT pénitentiaire : « L’effectif d’un établissement n’est pas déterminé par le nombre de détenus mais selon un organigramme fixé selon les places. Or, quand l’effectif atteint 172 % de la capacité, le nombre de surveillants devrait atteindre 172 % de l’effectif de base » dénonce Pascal Marié, délégué national de la CGT pénitentiaire.

Jean-Luc Hazard s’efforce de relativiser : « 13 agents vont rejoindre l’effectif en mars, et 16 autres arriveront en juin. On n’a jamais eu autant de recrutements. » Le cégétiste n’en démord pas : « Sur les 16 de juin, neuf sont prévus pour le centre de semi-liberté de Saint-Martin... » Les inquiétudes de la CGT se portent aussi sur les moyens humains du greffe, qui enregistre les entrées. Des entrées dont le nombre augmente chaque vendredi, suite aux interpellations de migrants sur la rocade

D’une aile à l’autre, de la maison d’arrêt au centre de détention puis au quartier pour peines aménagées, les détenus changent, et l’atmosphère aussi. Dans la maison d’arrêt, un module vient d’être mis en place pour des détenus volontaires. On leur confie des travaux d’entretien et de rafraîchissement des locaux.

Changement d’ambiance dans le secteur A 2. Une odeur de cannabis vient aux narines des visiteurs : « En prison aussi, il y a des zones de non-droit » déplorent les délégués CGT. C’est ici qu’on croise les détenus réputés les plus durs. Quelques-uns purgent une peine pour des affaires de banditisme.
La privation de liberté a plusieurs formes au centre de détention. L’encellulement individuel est ici la norme, et deux formes d’isolement sont appliquées. Il y a l’isolement en cellule disciplinaire. Les cellules sont spartiates, sans fenêtres. Le détenu garde son droit à la promenade mais sa durée est réduite, et il est seul dans la cour. La loi interdit d’enfermer en cellule disciplinaire au-delà de trente jours. En pratique, l’administration ne va jamais au-delà de vingt jours.

Il y a aussi l’isolement en cellule fermée, réservé aux détenus particulièrement turbulents ou particulièrement vulnérables. Le détenu dans cette cellule ne croisera jamais un autre détenu. Le centre de détention de Longuenesse compte 75 cellules fermées.

La visite du député s’est terminée par le quartier des peines aménagées, dans un bâtiment ouvert il y a deux ans et demi. Un autre monde compte tenu de ce qu’on a vu jusque là. Des locaux spacieux et lumineux, pour des détenus volontaires pour préparer leur réinsertion. Ici, on ne se croirait même plus en prison. Ils ne sont que quarante-cinq détenus pour quatre-vingt dix places. Est-ce que c’est la prison de demain ? Jean-Luc Hazard en est convaincu car « 70 % des détenus passés par le QPA ne récidivent pas. »

La CGT voudrait que le ministère de la Justice ait les moyens de multiplier ces petits établissements, au détriment des grands centres, toujours moins coûteux en personnel.

Nord Littoral

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