Un "psychopathe psychotique" qui présente une "absence d'empathie" et un "fort risque de récidive violente". Quand le président du tribunal correctionnel de Colmar lit les conclusions du dernier rapport d'expertise psychiatrique de Sadik Jdaidia, mercredi 25 septembre, l'homme à la barre des prévenus s'affaisse et baisse la tête, l'air abattu. Il sait que les deux prises d'otage en prison pour lesquelles il comparaît, et qu'il a reconnues, vont lui valoir de passer encore plus de temps derrière ces barreaux qu'il abhorre.
Condamné à trois ans d'emprisonnement, il avait tenté, le lendemain du jugement, de séquestrer une surveillante de la maison d'arrêt de Metz-Queuleu – une tentative avortée grâce à l'intervention rapide des autres gardiens.
"SA TRAHISON M'A FAIT MAL"
Des deux dernières prises d'otages, Sadik Jdaidia peine à donner une justification. "Je voulais un traitement", assure-t-il pour la première. Le tribunal semble sceptique. Le prévenu est connu pour son passé de toxicomane. Sa première "longue" condamnation, deux ans en février 2011, était pour une affaire d'escroquerie à la Sécurité sociale. Il était parvenu à se procurer 422 boîtes de Subutex – réputé pour être un substitut à l'héroïne – grâce à cinquante consultations de sept médecins différents. Son addiction ne s'est pas arrêté en prison. Le 13 juin 2012, "j'étais sous l'emprise de médicaments, ce qui s'est passé est trouble", plaide-t-il.
Le président du tribunal, Bernard Gastinger, lui rafraîchit la mémoire, lui racontant comment il a attiré Jean-Marie M., un aide médico-psychologique de 52 ans, au fond de sa cellule avvant d'attraper son pull et de lui mettre une lame – un manche de fourchette aiguisé – sur la gorge. "Si tu bouges, je te plante." La tension monte et avec elle l'escalade verbale. "Je jouerai avec ta tête après l'avoir tranchée." Le calvaire durera une quarantaine de minutes, avant que Jean-Marie M. parvienne à s'échapper de la cellule en profitant d'un moment d'inattention.
"Dans mon métier, je fais confiance aux détenus, témoigne l'ex-otage. Personne ne parlait [à Sadik Jdaidia], je suis allé le voir deux fois, il m'a offert du café, mais son comportement avait changé la deuxième fois. Sa trahison m'a fait mal." Aujourd'hui, Jean-Marie M. souffre encore des séquelles psychologiques de l'épisode.
MOURIR TUÉ PAR LE GIGN
Sadik Jdaidia n'était même pas encore jugé pour la prise d'otages de Château-Thierry quand il a récidivé à Ensisheim, le 14 août dernier. Peu avant 9 heures, alors que le couloir connaît un "va-et-vient de détenus qui vont prendre leur douche", raconte le président, le prévenu attire l'attention d'une surveillante. Prétextant une fuite du lavabo, il tente de la faire rentrer dans sa cellule.
Devant le refus de la gardienne, il la tire de force et sort "un couteau de cantine, au bout normalement arrondi mais ici effilé". Commence alors un huis clos qui durera près de quatorze heures. Le groupement d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) est rapidement appelé en renfort. "C'est ce que vous vouliez, car vous aviez lu un récit où un preneur d'otages faisait face au GIGN, n'est-ce pas ?, demande le président. Il finissait tué par une balle dans la tête, vous le vouliez aussi ?" "Oui, je le voulais", répond M. Jdaidia, avant de se contredire un peu plus tard, évoquant "du théâtre" et un négociateur qui "avait compris dans [ses] yeux [qu'il] ne voulait pas vraiment mourir". Il finira par relâcher la surveillante vers 22 h 30, "sans verser une seule goutte de sang", tient-il à préciser, avant de se rendre.
Sa motivation ? Etre envoyé dans une prison en région parisienne pour "ne plus avoir comme voisins Francis Heaulme, Guy Georges ou Emile Louis", également écroués à la prison centrale d'Ensisheim.
Reconnaissant un acte "grave, très grave", le prévenu esquisse des regrets, "demande pardon". "Je suis entré dans un jeu maudit, je n'aurais pas dû", répète-t-il. Mais les trois expertises psychiatriques menées sur lui mettent en lumière un égocentrisme développé et un mépris pour le sort de ses victimes. La surveillante d'Ensisheim était absente lors de l'audience car "elle est encore très perturbée et ne va pas bien du tout", déclare son avocate, Me Karima Mimouni. "Il y a eu plus de peur que de mal, je n'ai tué personne", minimise Sadik Jdaidia.
"LA COUR D'APPEL A ÉTÉ MAL INSPIRÉE"
Dans de telles circonstances, la tâche de son avocat était ardue. Selon Me Jérôme Caen, c'est la détention qui a "cassé" son client :
"Avant sa condamnation à deux ans de prison, Sadik Jdaidia avait des problèmes de drogue, mais était reconnu comme quelqu'un de gentil, serviable, donnant des coups de main au centre socioculturel de Strasbourg. Il s'est certes plongé tout seul dans la toxicomanie. Mais en le condamnant à deux ans de prison – contre six mois ou un an habituellement – alors qu'il avait été relaxé en première instance pour l'escroquerie à la Sécurité sociale, permettez-moi de vous dire que la cour d'appel de Colmar a été mal inspirée. Sa personnalité, déjà complexe, a été perturbée."D'autant plus que Sadik Jdaidia, alors revenu en Tunisie "pour des raisons familiales", "n'avait pas été informé de l'appel" et a été interpellé, "à sa grande surprise", en repassant la frontière. L'avocat de la défense, rappelant les condamnations de la France par la Cour européenne des droits de l'homme en raison de "traitements inhumains" dans ses prisons, insiste sur l'effet dévastateur du mitard, "une cellule de 4,15 mètres carrés, à la lumière blafarde et à l'odeur pestilentielle".
Pour ses deux dernières prises d'otages, Sadik Jdaidia encourait quatorze ans d'emprisonnement. La procureure de la République en a réclamé sept, mais les juges se sont finalement montrés plus cléments : cinq ans de prison et dix ans d'interdiction de détenir et porter une arme. "Le tribunal lui a tendu la main, il a maintenant la possibilité de la saisir", juge son avocat. Selon nos informations, le parquet, lui, devrait faire appel de ce jugement.
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