La décision, très attendue en Espagne, pourrait avoir pour conséquence la libération, dès les prochains mois, d'une soixantaine de prisonniers de l'ETA.
Madrid voulait la maintenir en prison jusqu'en 2017 en vertu du nouveau système de calcul de remise de peine espagnol du Code pénal de 1995 et appliqué de manière rétroactive depuis 2006. A cette date, pour empêcher la sortie prématurée de prison de l'étarra Henri Parot, emprisonné en 1990, condamné à 4 800 années de prison pour l'assassinat de 82 personnes, et non repenti de ses crimes, le Tribunal suprême espagnol décida de ne plus déduire les remises de peine – accordées pour le travail ou les études réalisés en prison – de la durée maximale légale d'emprisonnement, de trente ans en Espagne, mais de la durée totale des peines prononcées.
"L'ETA A ÉTÉ VAINCUE PAR L'ETAT DE DROIT"
Appliquée rétroactivement, cette nouvelle jurisprudence a permis de maintenir en prison une soixantaine d'étarras, ainsi qu'une vingtaine d'autres prisonniers, membres d'organisations terroristes ou criminels multirécidivistes.
La décision de Strasbourg devrait entraîner leur remise en liberté progressive. "L'Audience nationale devra éclaircir, au cas par cas, quelles sont les conséquences de ce verdict après un examen minitieux de leurs dossiers", a expliqué le ministre de la justice Alberto Ruiz Gallardon, lors d'une conférence de presse organisée en urgence. Cherchant à montrer que le gouvernement maintient une politique de fermeté, il a insisté sur la prochaine réforme du Code pénal, qui prévoit l'introduction de la peine de prison à perpétuité révisable. Il a également souligné que le dédommagement de 30 000 euros auquel a été condamnée l'Espagne ne sera pas versé à Inès del Rio Prado mais déduit des indemnisations qu'elle doit toujours aux victimes et à l'Etat.
Le 20 octobre 2011, ETA avait annoncé "la fin définitive de son action armée". |
"La décision de la CEDH ne change rien à notre politique pénitenciaire, ni au fait que l'ETA a été vaincue par l'Etat de droit, a ajouté de son côté le ministre de l'intérieur, Jorge Fernandez Diaz qui comparaissait à ses côtés. Et nous veillerons à ce que ces possibles libérations ne donnent pas lieu à des hommages aux terroristes et à l'humiliation des victimes."
Ces déclarations ont aussi pour objectif de calmer la colère des associations de victimes du terrorisme, très actives en Espagne, où elles veillent à ce que le gouvernement maintienne une politique de fermeté contre les étarras. Le gouvernement devait par ailleurs se réunir avec elles dans l'après-midi. "Douleur. Souffrance. Peur. Désespoir. Honte. Peine. Il n'y a pas assez de mots pour exprimer ce que je ressens", écrivait ainsi la présidente de l'Association des victimes du terrorisme (AVT) sur son compte Twitter une fois connue la décision de la CEDH. L'AVT demande au gouvernement d'ignorer la décision européénne.
DÉBLOQUER UN PROCESSUS DE PAIX ENTRE MADRID ET ETA
La doctrine Parot, tout comme la dispersion des condamnés de l'ETA dans des prisons éloignées du Pays basque, fait partie de la politique pénitentiaire utilisée pour faire pression sur le groupe séparatiste. Hasard du calendrier ou non, la décision de la CEDH intervient au lendemain du deuxième anniversaire de l'annonce par ETA de l'abandon de la lutte armée, le 20 octobre 2011.
En coulisse, beaucoup pensent que Strasboug a souhaité récompenser cette décision et débloquer un processus de paix quasi inexistant. Le gouvernement espagnol a certes accepté de rapprocher dans une prison du Pays basque les prisonniers de l'ETA qui expriment leur repentir, mais ils seraient à peine une vingtaine parmi les quelque 600 étarras incarcérés. Madrid attend qu'ETA annonce sa dissolution et rende ses armes avant d'accepter tout dialogue avec les séparatistes.
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