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vendredi 15 novembre 2013

C. Taubira aux baumettes

Presque un an après les recommandations du contrôleur général des lieux de privation de liberté sur les Baumettes, incriminée pour ses conditions "immondes" de détention, la garde des sceaux Christiane Taubira est venue poser la première pierre de Baumettes II. 573 places supplémentaires vont être créées dans cette nouvelle prison.
 
 
Devant les grilles imposantes des Baumettes, quelques gardiens de prison arborant des bannières CGT ont accueilli la ministre Christiane Taubira à coup de sifflets. "Sur le terrain nous manquons d'effectifs, nous sommes de la chair à pâté" s'est écrié l'un d'eux, la voix atténuée par le mistral glacial. Rien que de très banal comparé à la violence des attaques racistes subies ces derniers jours par la ministre. Serrée de près par ses gardes-du-corps, la garde des Sceaux a pénétré dans l'enceinte des Baumettes. La prison ressemble pour l'heure à un immense terrain vague, emprise d'un gigantesque chantier qui doit enfin mettre le lieu de détention aux normes minimales. Les travaux font suite à la visite de Jean-Marie Delarue, le contrôleur général des lieux de privation de liberté qui avait publié en décembre 2012 un rapport très sévère sur l'état "immonde" des Baumettes qui équivalait à "un traitement inhumain et dégradant".
 
C'est dans ce creux cerné par les collines que Christiane Taubira était invitée à poser la première pierre du vaste projet Baumettes II qui devrait s'achever fin 2016 et qui va coûter 75 millions d'euros. Maintenant que le centre pénitentiaire pour femmes a été déménagé, les travaux vont véritablement commencer. L'architecte Bernard Guillien a présenté le projet aux côtés de Marie-Luce Bousseton, directrice générale de l'agence publique pour l'immobilier de la justice. Ainsi, sur les 23 300 m2 de surface utile, un nouvel établissement présentera une capacité de 573 places dont 360 pour hommes, 174 places pour les femmes, et 39 places en quartier hospitalier. Deux quartiers d'hébergement pour hommes seront construits, un quartier d'hébergement pour femmes. "Dès cet été, des femmes seront hébergées dans des cellules neuves", s'est réjouit l'architecte.

"Une vision apaisée"

En plus des quartiers d'hébergement, un atelier de travail sera réservé aux personnes détenues volontaires, une unité de soin, un pôle d'insertion et de prévention de la récidive ainsi qu'un équipement sportif seront également construits. Enfin, un quartier sera destiné à l'accueil des détenus et de leurs proches. "Un parvis pour les familles et le personnel sera bâti en surplomb. Du coup, la porte d'accès sera un espace aménagé et paysager, moins froid. Il débouchera sur une cour d'honneur. Le but est que l'enfant ait une vision apaisée et sereine de l'enfermement de son parent." L'architecte a souhaité introduire beaucoup de verdure aux Baumettes, avec jardins et cours dans l'idée d'en faire "un quartier de ville. Les espaces verts occuperont 35 à 40 % de la surface".
Pour l'architecte, interrompu par quelques demandes de précisions de la ministre, "nous entrons dans le cadre d'un logement traditionnel où la notion d'enfermement sera la moins présente possible". Mais tout de même, puisqu'il s'agit bien d'une prison, une clôture sera érigée tout autour des bâtiments, "en vue d'éviter le dispositif de parloir sauvage" qui avait lieu sur les collines embrassant les Baumettes.

L'amélioration du quotidien des personnes détenues comme du personnel de la prison semble avoir guidé le tracé des plans de Baumettes II. La directrice du centre pénitentiaire Isabelle Gorse a abondé dans ce sens : "la prise en compte du bien-être apparaît désormais comme quelque chose de logique et d'absolument indispensable. Cela fait déjà quinze ou vingt ans que de gros efforts sont entrepris dans ce sens dans les établissements pénitentiaires. Ces travaux vont amener une amélioration immédiate du quotidien et des conditions de vie".

Covisibilité

Une inquiétude tout de même a percé, lorsque Christiane Taubira s'est enquis de l'accueil du projet par les riverains. Car si le bâtiment des femmes, faisant face à une colline habitée, possédera une cour de promenade située très en contrebas du niveau de la rue, une trentaine de cellules présenteront un problème de covisibilité avec les riverains. Bernard Guillien a tenté de relativiser cette question, affirmant que "tout a été disposé pour que les riverains soient le moins dérangés" et rappelant que "la problématique des parloirs sauvages" devrait être bel et bien résolue.

Outre ce problème de voisinage, il a fallu faire face à de nombreuses autres contraintes, a rappelé Marie-Luce Bousseton, puis plus tard Christiane Taubira dans son discours : "des contraintes architecturales ont dû être dépassées, puisque le grand mur d'enceinte relève du patrimoine. Des contraintes environnementales se sont ajoutées puisque le site est classé dans le parc national ainsi que des contraintes topographiques et des contraintes liées à l'urbanisme. Mais si les travaux se conduisent bien, nous avons toutes les raisons de penser que dans les trois ans Baumettes II sera terminé." Il n'a pas été question des Baumettes 3, le bâtiment le plus dégradé du centre pénitentiaire, dont Jean-Marie Delarue déplorait l'absence de projet de rénovation.

Finalement, la garde des sceaux a insisté sur la réinsertion, véritable leitmotiv de sa politique carcérale et inscrit en creux dans le chantier des Baumettes II : "Sous la pression des normes européennes pénitentiaires, il a été convenu de procéder à la construction de places supplémentaires. Mais depuis un an déjà, toute une série de travaux ont été engagés :  la réparation de toitures, des fenêtres, de l'électricité... Nous devons aussi faire en sorte que les détenus aient accès à la formation pour préparer la sortie. Il faut réduire les risques de récidive, permettre que la peine ait un sens, que la sanction et la correction soient exemplaires. C'est une bonne chose que je puisse, moi ou mon successeur inaugurer les Baumettes II." Et pour le symbole, Christiane Taubira, impassible face à un mur de photographes, a étalé à la truelle une couche de béton sur la première pierre.
 

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