Les chiffres sont inquiétants: selon le groupe de travail santé-justice, dont le rapport a été révélé par La Croix, commandé il y a plus d'un an par les ministres de la Santé et de la Justice, de 20 à 30 % des détenus souffriraient de troubles psychotiques.
La Cour des comptes va même plus loin, puisque, dans son rapport annuel, elle dénonce «une prévalence très forte des maladies psychiatriques et infectieuses. Au moins un trouble psychiatrique est identifié chez huit détenus sur dix, le taux de détenus atteints de schizophrénie étant quatre fois plus élevé que dans la population générale».
« Les personnes atteintes de troubles mentaux doivent être considérées comme des malades comme les autres et bénéficier de suspensions de peine comme celles qui souffrent de troubles somatiques ».Pour le docteur Cyrille Canetti, chef du service médico-psychologique régional de la Santé et vice-président de l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, «il existe deux types de population souffrant de troubles psychiatriques en prison: celles qui auront été mises en détention alors qu'elles étaient déjà malades et qui n'ont pas forcément commis d'infraction en relation avec leur pathologie, et celles dont les troubles psychiatriques sont nés de la détention. Dans les deux cas, le problème est que ces personnes vont sortir de prison au bout de leur peine sans être soignées et dans un très sale état. Et pour le coup, c'est la société tout entière qui se trouverait exposée à ces dernières». Une manière pour le psychiatre de plaider pour que «ceux des détenus qui relèvent de l'hôpital soient à l'hôpital». Car l'une des dispositions phares de ce rapport en cours d'arbitrage dans les deux ministères concernés est d'étendre les suspensions de peine pour raison médicale aux maladies mentales.
Aujourd'hui, ces suspensions ne sont appliquées qu'en cas de maladies somatiques graves. Bien que le rapport ait été mené sous l'égide de la Direction des affaires criminelles et des grâces, et de l'administration pénitentiaire, la Chancellerie y va à pas comptés. «Qui va prendre en charge ces populations-là ?» s'interroge-t-on place Vendôme. «Il est pourtant bien certain qu'elles ne relèvent pas des surveillants de prison, qui ne sont pas psychiatres et n'ont pas prêté le serment d'Hippocrate!»
L'idée de sortir les malades mentaux de prison séduit les syndicats de surveillants, qui dénoncent la présence sous les verrous de ces détenus particulièrement difficiles. Mais à quelle institution les confier? La question reste entière - les établissements psychiatriques manquant cruellement de places, comme de dispositifs de sécurité.
Hospitalisation sous contrainte
En guise de ballon d'essai, le gouvernement laisse prospérer une proposition de loi portée par les sénatrices Europe-Écologie-Les Verts Hélène Lipietz et Esther Benbassa sur l'extension des suspensions de peine dans le cadre de la détention provisoire. Plusieurs dispositions proposées par le rapport déjà rendu y sont reprises: ainsi, «les personnes atteintes de troubles mentaux doivent être considérées comme des malades comme les autres et bénéficier de suspensions de peine comme celles qui souffrent de troubles somatiques».
De même, dans le cadre d'une hospitalisation sous contrainte, «les personnes atteintes de troubles mentaux pourraient continuer à être juridiquement considérées comme des personnes détenues, afin que la privation de liberté dont elles font l'objet dans le cadre de la mesure d'hospitalisation sans consentement puisse être imputée sur la durée de la détention provisoire et, le cas échéant, sur la durée de la peine d'emprisonnement ou de réclusion restant à accomplir». Deux dispositions qui pourraient refaire surface lors de la loi sur la réforme pénale prévue après les municipales.
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