REPORTAGE – «20 Minutes» s’est rendu à la prison de Château-Thierry qui fait venir un chien en cellule pour réadapter les détenus en grandes difficultés…
La lourde grille s’ouvre à peine dans un bruit métallique que Vanie se précipite à l’intérieur du centre pénitentiaire de Château-Thierry (Aisne). Tout en remuant la queue, le golden retriever sable et roux commence par aller renifler les odeurs qui émanent de la cuisine collective avant de se poster devant la porte menant au bloc A. Elle sait bien qu’il faut une autre clé pour entrer dans cette partie de la prison qui accueille une centaine de détenus.
En un peu plus de deux ans, Vanie a pris ses petites habitudes dans la prison. Tous les jeudis matins, elle rend visite dans leurs cellules à certains prisonniers en difficulté. «Ceux qui sont repliés sur eux-mêmes, ont des soucis d’hygiène ou ne parlent plus à personne, liste Baudoin Duriez, directeur de l’Association française de thérapie assistée par l’animal (AFTAA) à l’origine de cette initiative. Quoi qu’ils aient fait, le chien ne les juge pas et leur apporte une présence réconfortante.»
«Dans les autres prisons, je me tailladais les bras»
Gérard* ne manquerait ça pour rien au monde. En prison depuis 1976, il est, tous les jeudis, le premier à recevoir la visite de Vanie. Le chien le sait. Sitôt le bloc A ouvert, elle grimpe les deux escaliers métalliques et se dirige naturellement vers sa cellule tapissée de photos de Jennifer Aniston et d’Angelina Jolie. «C’est mon toutou!» s’exclame le détenu tout en écrasant sa cigarette. Vanie lui saute dessus pour se faire caresser, donner la «pa-patte» et surtout engloutir un gâteau que Gérard achète à la «cantine» spécialement pour elle.>> Retrouver notre diaporama sur la visite de Vanie
Quand on lui demande si la présence de l’animal l’apaise, Gérard relève les manches de son survêtement et retourne ses avants bras lacérés de dizaines de cicatrices. «Ici, je ne me coupe pas, explique-t-il. Dans les autres prisons, je me tailladais les bras. Je me suis même coupé deux doigts. Je crois que cette prison me convient…»
«Si la cellule est sale, Vanie ne rentre pas»
Sur la passerelle qui dessert les cellules, Bénédicte Riocreux sourit en entendant Gérard. Directrice du centre pénitentiaire depuis deux ans, elle a insisté pour bénéficier de ses ateliers de zoothérapie. «Ce n’était pas dans la culture carcérale, raconte-t-elle. Mais j’ai été personnellement touchée quand j’ai vu le même genre d’expérience à Rennes. Je me suis dit que ce serait très bien ici.» Car le centre pénitentiaire de Château-Thierry n’est pas une prison comme les autres. «Nous accueillons les personnes inadaptées à la détention classique, poursuit la directrice. Ceux qui sont repliés sur eux-mêmes, qui s’automutilent, qui ont des soucis psychiatriques… Le but est de les réadapter à une prison plus ‘’normale’’.»>> Lire: «Prisons, un système au bord de l'asphixie»
Car Vanie ne ment pas. «Elle est sociable et gentille, décrit son maître Baudoin Duriez. Mais si le détenu est méchant avec elle, elle s’en va. Si sa cellule est sale, Vanie ne rentre pas. Prendre soin du chien, c’est aussi prendre soin de soi.»
«Il m’aime bien. Regardez, il remue la queue»
Vanie sort de chez Gérard, attaque sa deuxième cellule et son deuxième gâteau de la matinée. Souffrant de problèmes psychiatriques, Patrick* vit là depuis plusieurs années et n’adresse que trop rarement la parole aux autres. Pourtant, dès le chien entré, son visage s’illumine. «Il m’aime bien le chien. Regardez, il remue la queue!» De l’autre côté de la passerelle, la surveillante en poste opine du chef. «Certains détenus ne reçoivent plus aucune visite, lâche-t-elle. Mais ils ont aussi besoin de reconnaissance, de se sentir aimé. C’est à ça aussi que Vanie sert.»Plus pour très longtemps. Après deux ans de bons et loyaux services et autant de gâteaux, la chienne va prendre dans deux mois une retraite méritée. Baudoin Duriez a déjà commencé à habituer Hindi, son remplaçant, à ces lieux particuliers. «Il est moins doux que Vanie. Il bouge beaucoup, se plaint déjà Gérard. Mais je crois que je lui achèterai quand même des gâteaux...»
* Les prénoms ont été changés.
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