ENTRE LES MURS - Seulement 2% des détenus exercent leur droit de vote. Derrière les barreaux, la démarche tourne vite au parcours du combattant.
L'histoire de Mehdi. Comme la très grande majorité des détenus en France, Mehdi*, incarcéré à la maison d'arrêt de Nanterre, a le droit de voter lors des prochaines municipales. Mais il a déjà renoncé à participer au prochain scrutin, découragé par les démarches administratives à accomplir. Parce qu'il est dans l'attente de son jugement, ce prévenu ne peut pas obtenir une permission de sortie pour aller lui-même glisser son bulletin dans l'urne, les 23 et 30 mars prochains. La seule alternative qui s'offre à lui est un vote par procuration. Mais derrière les barreaux, trouver un mandataire est loin d'être évident. Le personnel pénitentiaire a interdiction de prendre la procuration d'un détenu. Mehdi doit donc trouver une personne extérieure à la prison qui acceptera de voter pour lui dans l'un des bureaux de vote de Nanterre où il est inscrit. Il n'a pas trouvé, la démarche est compliquée, alors, il préfère renoncer à voter.
L'ignorance de leurs droits. Mehdi fait pourtant partie des exceptions. Contrairement à la plupart des détenus, il connaît ses droits. Derrière les barreaux, "beaucoup de prisonniers imaginent qu'ils ont perdu leurs droits civiques du fait de leur détention", assure à Europe 1 François Korber, devenu le poil à gratter de l'administration pénitentiaire avec son association Robin des lois. Or, depuis 1994, une condamnation à une peine de prison n'entraîne plus automatiquement la perte de ces droits. Au 1er janvier 2012, seuls 1.609 détenus étaient déchus de leurs droits civiques. Une très petite minorité sur les 50.000 prisonniers en droit de voter.
>>> Pour l'association Robin des lois, tout est fait, dans la pratique, pour décourager les détenus à voter. Car ce qui est assez simple pour un citoyen lambda relève d'un parcours du combattant pour un citoyen derrière les barreaux.
Le parcours du combattant. Première étape. Pour pouvoir voter, le détenu doit d'abord s'inscrire sur les listes électorales. Ce qui suppose pour un prisonnier d'aller récupérer sa carte d'identité au service de fouille et de remplir les papiers requis au greffe de la prison. Les détenus peuvent s'inscrire soit dans leur commune habituelle, soit dans la commune de leur établissement pénitentiaire (c'est le cas pour Mehdi).
Le plus compliqué reste à faire : aller effectivement voter le jour J. Les permissions de sortie, autorisées que pour certains détenus, ne sont de toute façon délivrées qu'au compte-gouttes par les juges d'application des peines. Le 6 mai dernier, au second tour de la présidentielle, 352 prisonniers ont obtenu l'autorisation de sortir. Faute d'obtenir la permission d'aller glisser directement leur bulletin dans l'urne, les détenus doivent voter par procuration. Et là encore, c'est loin d'être simple. Il faut remettre sa consigne de vote à un mandataire, ce qui peut s'avérer un vrai casse-tête quand on est inscrit dans la commune de son établissement pénitentiaire.
>>> L'alternative, installer des bureaux de vote dans les prisons ?
D'ici les prochaines élections, rien ne changera. Mais pour maintenir la pression, l'association Robin des lois va envoyer dès la semaine prochaine un courrier à tous les parlementaires. L'objectif ? Que des élus se saisissent du dossier via un amendement dans le cadre de l'examen de la réforme pénale, qui débutera à l'Assemblée, le 9 avril prochain.
* Le prénom a été modifié
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