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mercredi 2 avril 2014

Maubeuge - un technicien interdit de prison après quatre ans de service, faute d'être français

Ahmed Brahmi était technicien de maintenance à la prison de Maubeuge depuis 2010. En janvier, l’employé a dû quitter son poste. La raison ? Faute de nationalité française, le ministère de la Justice lui a refusé l’habilitation nécessaire au travail dans un établissement pénitentiaire.

 Ahmed Brahmi travaillait depuis 2010 à la prison de Maubeuge en tant que technicien de maintenance.VDNPQR 
Ahmed Brahmi travaillait depuis 2010 à la prison de Maubeuge en tant que technicien de maintenance
 
« C’est une situation assez délirante », résume Olivier Mastia, de la CGT maubeugeoise, qui épaule Ahmed Brahmi dans ses démarches. L’histoire de ce ressortissant algérien, en situation régulière depuis trente-sept ans, a de quoi surprendre. L’homme, âgé de 49 ans, décroche en avril 2010 un CDI à la prison de Maubeuge. Le contrat est signé avec la société Siges, passée depuis dans le giron du groupe Sodexo. Ce leader dans la prestation de services, gère la plupart des prisons de l’Hexagone.
« Durant quatre ans, tout s’est bien passé », se souvient Ahmed Brahmi. Un matin de janvier 2014, l’employé vient prendre son service comme chaque jour. Mais un gardien le fait patienter. Le directeur veut s’entretenir avec le technicien. « J’ai commencé à paniquer, confie Ahmed Brahmi. Je pensais avoir commis une grosse bêtise ». Lors d’un rendez-vous improvisé, le directeur de la Sodexo annonce la couleur : l’employé doit quitter son poste sur le champ. Le ministère de la Justice a refusé son habilitation. Sans ce précieux sésame il ne peut pas travailler dans un établissement dépendant de la place Vendôme. « Le directeur m’a accompagné aux vestiaires. J’ai pris des affaires dans la précipitation, avant d’être raccompagné sous les yeux de mes collègues. »

Après le choc, l’heure est aux questions. Ici, une petite explication s’impose. L’une des clauses du contrat signé par Ahmed Brahmi, précisait que la validité du document dépendait de la délivrance de l’habilitation. Pour la décrocher, il faut être Français ou ressortissant d’un État membre de la communauté européenne. Problème, Ahmed Brahmi est Algérien et n’a qu’une carte de séjour. « J’ai toujours travaillé. Je n’ai jamais ressenti le besoin de faire une demande de nationalité. » Du côté de l’employeur, il était pourtant difficile d’ignorer ce détail. Dans un courrier du 29 avril 2010, la Sodexo demande à sa recrue de fournir une série de documents, dont une copie de la carte d’identité, en vue d’établir la demande de carte d’habilitation.

« Une erreur »

À la place, Ahmed Brahmi envoie sa carte de séjour. Le dossier est bouclé, le technicien attaque le travail. « Le pire, c’est qu’avant d’avoir mon accès définitif, je pointais avec ma carte de séjour ».
Au bureau maubeugeois de la Sodexo, la direction assure qu’un employé peut commencer à exercer ses fonctions alors que la demande d’habilitation est passée en revue. Mais peut-on réellement examiner cette demande durant quarante-six mois ? « L’étude des habilitations peut être plus ou moins longue », ose la direction.

Nous avons tenté d’en savoir davantage, mais la Sodexo nous a renvoyé vers le siège parisien. « Il s’agit d’une erreur. Sans nationalité française, Mr Brahmi n’aurait pas dû commencer à travailler, concède un porte-parole. Le dossier d’habilitation a été transmis à l’administration pénitentiaire en juin 2010. Nous n’avons jamais eu de retour. » L’erreur a été découverte en novembre 2013, lors du renouvellement des cartes de tout le personnel. Sollicité, le ministère de la Justice n’a pas donné suite. Aujourd’hui, le CDI n’a pas été rompu. Ahmed Brahmi a décliné des propositions de reclassement en Ile-de-France et souhaite retrouver un emploi près de Maubeuge. Il a même entamé des démarches en vue de sa naturalisation. Mais dans les rangs de la Sodexo, on lui laisse très peu d’espoir de retour à son poste initial.
La Voix du Nord

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