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jeudi 3 avril 2014

Taubira sauve sa tête à la Justice, incertitude sur sa réforme pénale

Surprise du remaniement, Christiane Taubira, icône d'une gauche assumée, a été reconduite à la Chancellerie alors qu'on la donnait partante, mais une incertitude pèse sur le sort de son projet de réforme pénale qui l'avait opposée à Manuel Valls.
 
Christiane Taubira à la sortie de l'Elysée, le 26 mars 2014 (c) Afp 
Christiane Taubira à la sortie de l'Elysée
 
La droite, qui en a fait son épouvantail, l'avait déjà enterrée, mais la garde des Sceaux, femme, Noire, au fort caractère et aux convictions affirmées, fera bien partie de l'équipe "de combat" conduite par le nouveau Premier ministre.
Si les divergences de vues entre la ministre de la Justice et l'ancien ministre de l'Intérieur ne sont pas un mystère, le statut d'icône de la gauche acquis par Christiane Taubira depuis la loi sur le mariage homosexuel la rendait presque intouchable dans l'équilibre fragile d'un gouvernement resserré.
Première conséquence de son maintien place Vendôme, l'un des premiers textes parlementaires de l'équipe conduite par Manuel Valls pourrait être la loi sur "la prévention de la récidive et l’individualisation des peines", un projet sur lequel la garde des Sceaux et l'ancien ministre de l'Intérieur s'étaient publiquement affrontés, même si le second avait obtenu des arbitrages favorables.
Ce texte rétablit le principe de l'individualisation des peines en supprimant notamment les peines planchers, crée une nouvelle peine exécutoire en milieu ouvert, "la contrainte pénale", et entend éviter les sorties "sèches" de prison.

Véritable chiffon rouge pour la droite qui y voit un nouvel exemple du laxisme de la gauche, il représente de l'autre côté de l'échiquier politique une chance d'engager une nouvelle politique judiciaire moins fondée sur la répression et le tout carcéral que sur la prévention et l'accompagnement pour éviter la récidive.

Les débats pourraient dans ce cadre fournir non seulement à la droite, mais aussi à la gauche de l'hémicycle et chez les écologistes mécontents de la nomination d'un social-démocrate à Matignon, l'occasion d'un premier bras de fer symbolique, voire périlleux, sur un choix de société.

- 'Valls ou Taubira, qui va se renier?' -

"Manuel Valls ou Christiane Taubira, qui va se renier sur la réforme pénale?", interrogeait mercredi l’institut pour la justice, association classée à droite qui affirme avoir réuni plus de 300.000 signatures en faveur du retrait du projet.

Le président de l'UMP, Jean-François Copé, qui avait réclamé après les municipales le retrait de cette réforme, a estimé mercredi qu'"un message de laxisme terrible dans la lutte contre la délinquance" était donné par le nouveau Premier ministre, avec le maintien de Christiane Taubira à la Chancellerie.
"J'attends avec curiosité de voir comment Mme Taubira va porter cette réforme pénale qui avait été très décriée par M. Valls lorsqu'il était à l'Intérieur", a commenté auprès de l'AFP le député UMP et ancien magistrat Georges Fenech, pour qui "la meilleure des choses serait de retirer un projet qui n'est pas soutenu par les Français".

La commission des lois de l'Assemblée a renoncé à examiner ce mercredi le texte de loi, qui devait à l'origine être débattu au palais Bourdon à compter du 14 avril. S'il n'était pas discuté en commission avant la fin de la semaine, il faudrait alors, pour respecter les délais, que le gouvernement décrète un examen en urgence, une décision éminemment politique.

Interrogée par l'AFP, la Chancellerie s'est contentée de rappeler que "la commission des lois est maîtresse de son calendrier" et que "la date du 14 avril était pour l'heure maintenue, d'autant que le nombre d'amendements déposés (environ 200) est relativement peu élevé".

Les syndicats de magistrats, qui s'étaient dits déçus par le maigre bilan de la ministre, ont dit prendre acte de son maintien place Vendôme.

Pour l'Union syndicale des magistrats (majoritaire), la question est maintenant de savoir "quand la réforme pénale sera débattue et si les arbitrages de l'été 2013 (qui satisfont le syndicat, ndlr) seront maintenus". Le Syndicat de la magistrature (gauche) souhaite lui au contraire que la ministre "porte avec force" un projet de réforme "loin de l'arbitrage tiède et régressif auquel s'est livré le président Hollande sous l'influence du ministre de l'Intérieur".
NouvelObs

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