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mercredi 23 avril 2014

Villeneuve-Lès-Maguelone - Le contrôleur des prisons dénonce la violence chez les mineurs incarcérés

Lors de ses premières recommandations en 2009, le contrôleur général des lieux de privation et de liberté (CGLPL), Jean-Marie Delarue, soulignait déjà la nécessité d'aménager les cours de promenade des prisons.

Dans un rapport publié mercredi, Jean-Marie Delarue prend l'exemple de la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone, où la loi du silence règne chez les « enfants traumatisés ».
 
À l'époque, elles étaient abandonnées aux détenus, qui la considèraient comme un exutoire et comme un lieu de marché. « La cour doit redevenir ce pour quoi elle est faite : un lieu de promenade, c'est-à-dire de détente, de sociabilité », conseille-t-il. Cinq ans plus tard, son constat est lourd : « Aucun effort en ce sens n'a été entrepris ».

Pour la quatrième fois depuis le début de son mandat, Jean-Marie Delarue saisit en urgence les autorités pour attirer leur attentions sur une situation qu'il juge alarmante : à la maison d'arrêt de Villeneuve-Lès-Maguelone (Hérault), « les constats de violences au quartier des mineurs sont graves », écrit-il dans un rapport publié mercredi 23 avril au Journal officiel, faisant état d'« enfants traumatisés ».

LA COUR, LIEU DE TRAFIC ET DE VIOLENCES

Pendant trois jours, en février, deux contrôleurs ont visité l'établissement, déjà théâtre en janvier 2013 d'une violente bagarre au cours de laquelle quatre surveillants et un détenu âgé de 17 ans avaient été blessés.

À Villeneuve-Lès-Maguelone, le personnel pénitentiaire apparaît démuni, note le rapport. Pourtant, en février 2013, les surveillants avaient alerté sur le « problème de configuration » de la prison, prévue pour accueillir 600 détenus, mais qui en abrite plus de 700, pour 140 surveillants.
 
Au 1er avril, le nombre de détenus dans les prisons françaises a atteint un nouveau record avec 68 859 personnes incarcérées, selon la direction de l'administration pénitentiaire.

Les surveillants de la prison de Villeneuve-lès-Maguelone, devant les portes de l'établissement.
  Les surveillants de la prison de Villeneuve-lès-Maguelone, devant les portes de l'établissement.

Au cours de la visite des inspecteurs, le quartier des mineurs de Villeneuve-Lès-Maguelone héberge vingt mineurs, dont six incarcérés pour la première fois. Tous sont hébergés en cellule individuelle, « L'essentiel des violences identifiées a lieu hors des cellules, lors des déplacements et dans la cour de promenade », note Jean-Marie Delarue.

Aujourd'hui, la surveillance de cet espace pose problème, car des angles morts existent : « les incidents échappent au surveillant chargé de surveiller la cour à distance ». Dénuée d'équipements sanitaires ou sportifs, « hormis un point d'eau », l'endroit devient un lieu de trafics, et donc de violences : les enfants vont « rechercher dans les zones neutres bordant la cour des projections d'objets destinées aux majeurs incarcérés et remis ensuite à ceux-ci » en l'échange, parfois, d'une rémunération.

LOI DU SILENCE

Entre le 1er janvier 2013 et le 11 février 2014, 24 cas de violences graves ont été recensés dans la cour, mais ce chiffre est sous-estimé, pense M. Delarue. À Villeneuve-Lès-Maguelone, même chez les mineurs, la loi du silence règne en maître. « Un enfant a mentionné aux contrôleurs avoir “cassé le nez et salement amoché”  un autre dans la cour : ce dernier aurait expliqué ensuite qu'il était tombé  “en faisant des pompes”  et le surveillant s'est contenté de cette explication ».

Parmi les agressions recensées, plus du tiers impliquent des mineurs arrivés la veille ou l'avant-veille dans l'établissement. Jean-Marie Delarue parle d'un « rite de passage ». Comme le 4 janvier, lorsque trois mineurs en agressent un quatrième et le rouent de coups au visage, au seul motif qu'il est arrivé récemment. Le jeune sera évacué au centre hospitalier de Montpellier.

Et après ? Souvent, rien. Pour toutes les violences constatées en un an, « aucune plainte », sauf une exception, n'a été déposée. La faute aux « procédures d'intervention des surveillants lourdes et lentes » tout comme « les procédures disciplinaires ».« Les soignants qui ont à connaitre des effets de violence ne souhaitent pas être liés à d'éventuelles suites judiciaires. Les enquêtes se heurtent au silence des victimes et de leurs parents », déplore encore Jean-Marie Delarue, constatant une forme de « résignation ». « Ce sentiment ne peut être admis », tonne-t-il.

Le Monde

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