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jeudi 15 mai 2014

Survol de prison - Le préfet, son directeur de cabinet et une pilote d’hélicoptère devant le tribunal

Diffamation pour les uns, manquement aux règles de l’aviation civile pour l’autre : une audience hors norme avec le préfet comme prévenu. 
                      
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L'histoire démarre aux premiers jours de septembre 2013. Comme à son habitude, Corinne Ray virevolte dans les airs et assure une mission périlleuse confiée par ERDF. La pilote doit surveiller des kilomètres de lignes, dans l'Aube mais aussi dans certains départements limitrophes. À l'affût de la moindre irrégularité, elle tourne et vire autour des pylônes électriques au point de semer la panique au sol. « Il n'est pas rare que les gens s'inquiètent », expliquait-elle devant le tribunal correctionnel,le 9 avril dernier.
À l'époque, l'inquiétude gagne les services de la préfecture. Au-delà d'un comportement « anormalement dangereux » , Corinne Ray aurait survolé le centre de détention de Villenauxe-la-Grande. Sous la plume de son directeur de cabinet, le préfet lui rappelle ses obligations et la réglementation à laquelle elle doit s'astreindre. Une lettre qu'il envoie en copie à la directrice régionale d'ERDF « afin d'alerter, puisqu'il s'agit là d'une mission de service public » .

Les conséquences ne se font pas attendre pour la pilote qui voit l'ensemble de ses contrats résiliés. Corinne Ray attaque alors en diffamation Christophe Bay, mais aussi Alexandre Sanz. Avant d'être elle-même poursuivie pour six infractions relatives aux règles de l'aviation civile. Une audience désertée par le représentant de l'État où l'affaire s'est jouée en deux temps. Corinne Ray d'abord, Christophe Bay et Alexandre Sanz ensuite.

À l'entendre, jamais Corinne Ray n'aurait survolé l'enceinte de la prison. « Je ne peux pas admettre un tel mensonge. Lisez les dépositions, certains me voient à l'est, d'autres à l'ouest. Je ne peux pas être à deux endroits différents au même moment. » 
                                    
Déterminée à ne pas céder un pouce à l'accusation, elle évoque les règles qui lui autorisent les vols rasants tout comme elle décrypte sa manière de piloter. « Je dois avoir tous les défauts. Alors en effet, je tournoie, je descends et je remonte. Ce ne sont pas des acrobaties, c'est mon travail ».
Pour le procureur de la République, « l'excellente maîtrise de l'appareil ne justifie pas un comportement à la marge. » Alex Perrin ne retient rien de la démonstration et requiert deux mois de prison avec sursis.

Pression

Soutenue dans ses intérêts par Me  Jean-Philippe Honnet, Corinne Ray aurait subi pour avoir osé dénoncer. « Il faut sauver le soldat Bay. Lorsque l'orage gronde et que la citation parvient jusqu'au bureau, on commence à faire pression jusqu'à la convoquer  ». De ce dossier « vide  » entre «  incohérences et inventions  », rien ne devra être retenu.

À l'issue de cette première instruction, les débats se concentrent sur la procédure de diffamation. Plus rapide, puisque les deux prévenus ont choisi d'ignorer leur rendez-vous avec la justice, confiant la tâche de leur défense à Me Couturier. « Aucun préjudice ne découle de ce courrier. La liquidation judiciaire de la société fait suite à un contrôle fiscal. Le préfet et son directeur de cabinet n'y sont pour rien. »
               
Aucune intention de nuire ne serait venue guider la plume d'Alexandre Sanz. « Nous faisons face à une mission de service public. La moindre des choses que les services de l'État puissent faire, c'est alerter le donneur d'ordre en cas de manquement aux règles.  »
               
La décision a été rendue hier. Partiellement relaxée des poursuites, la pilote a écopé de deux amendes de 38 €. Sur ce point, le parquet fait appel. Le directeur de cabinet du préfet, Alexandre Sanz, a été condamné à payer une amende de 3 000 €, dont 1 000 € avec sursis, pour diffamation. Il a décidé de faire appel, tout comme le parquet.

Le préfet Christophe Bay, quant à lui, a été relaxé.

www.lest-eclair.fr

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