Le contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue, estime que le projet de loi sur la récidive ne s’intéresse pas assez aux conditions de détention. Interview.
Durant six ans, Jean-Marie Delarue et son équipe de vingt-cinq contrôleurs ont visité toutes les prisons françaises. Arrivé au terme de son mandat, le contrôleur général des lieux de privation de liberté en dresse un premier bilan.
Pouvez-vous dresser un bilan quantitatif de votre mandat ?
« Nous avons effectué 850 visites au total, dans la totalité du parc pénitentiaire français, des centres de rétention pour étrangers et des centres éducatifs fermés. A chaque fois, nous avons formulé une vingtaine de recommandations. Le tout forme une masse documentaire totalement inédite. »
Les conditions de détention se sont-elles améliorées en six ans ?
« Certaines recommandations ont été largement suivies. On a fait fermer certains locaux insalubres, on a fait faire des travaux dans les lieux vétustes… L'exemple le plus frappant est celui des Baumettes : beaucoup de cellules ont été repeintes, la plomberie et l'électricité ont été refaites, etc.
« Des mesures générales ont aussi été prises. Par exemple, on avait pesté contre le retrait systématique du soutien-gorge aux femmes pendant les gardes à vue. Depuis la loi du 14 avril 2011, que nous avons inspirée, les choses commencent à aller mieux. En revanche, il y a des points sur lesquels on n'est pas du tout suivi. Je pense qu'autoriser un accès contrôlé à Internet pour les détenus est inéluctable, mais l'exécutif ne veut rien entendre. »
Le projet de loi sur la récidive, en discussion au Parlement, va-t-il suffisamment loin ?
« Ce projet de loi cherche à développer les aménagements de peine pour éviter les sorties brutales, pas préparées. Pourquoi pas, mais ce n'est pas l'unique solution. Il faut aussi régler les problèmes que posent les conditions de vie carcérale. Ce n'est pas seulement la sortie qui est en cause, c'est l'entier déroulement de la prison. »
Les accusations de laxisme sont-elles fondées ?
« J'entends dire que tous les délinquants devraient aller en prison. Mais déjà aujourd'hui, seule une minorité de condamnés va en prison. La peine d'amende ne date pas d'hier, le sursis date de 1895 et le sursis avec mise à l'épreuve date de 1958. Autrement dit, laisser penser que tous les délinquants doivent aller en prison, c'est contraire à ce qui se passe depuis deux siècles dans ce pays. »
La prison favorise-t-elle le fondamentalisme religieux, comme le suggère l'exemple de Medhi Nemmouche ?
« La prison laboure les âmes. On n'en sort pas indemne. Il y a ceux qui ne s'en relèvent pas. Il y a aussi ceux qui en sortent radicaux, au sens où ils veulent en découdre avec la société. Et puis, il y en a en effet d'autres qui vont devenir radicalement religieux. Je pense que ces derniers sont largement minoritaires.
« Le problème est de savoir si des gens qui veulent vivre leur religion de manière modérée peuvent le faire. Il n'y a pas assez d'imams en détention. Dès lors, un discours fondamentaliste peut prospérer. La solution est en partie entre nos mains. »
Les députés votent pour la contrainte pénale
L'Assemblée nationale a terminé vendredi l'examen de la réforme pénale, qui fera l'objet d'un vote solennel mardi. Après des débats passionnés, les députés ont voté non sans mal jeudi soir la création d'une nouvelle peine effectuée en milieu ouvert, la contrainte pénale. Elle s'appliquera aux délits passibles de moins de cinq ans de prison jusqu'en 2017, puis à l'ensemble des délits.
Auparavant, la majorité avait voté la suppression des « peines plancher » pour les récidivistes et auteurs de violences aggravées, que Nicolas Sarkozy avait mises en place en 2007.
La Nouvelle République
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