Surpopulation, insalubrité et surtout violence. Jean-François Forget, le secrétaire général de l'Ufap-Unsa Justice, en visite dans le département pour préparer les élections professionnelles de décembre, tire, une nouvelle fois, la sonnette d'alarme concernant la situation dans nos prisons.
Nos prisons vont-elles craquer ?
La surpopulation est évidente, avec 698 détenus au centre pénitentiaire de Baie-Mahault pour 430 places. Et 170 détenus à la maison d'arrêt de Basse-Terre pour 130 places. À Basse-Terre, les conditions (de travail et de détention, NDLR) sont d'autant plus difficiles que c'est l'établissement pénitentiaire de France le plus insalubre. Il est décrié par tous les acteurs politiques.
Quid des projets d'extension ou de reconstruction ?
À Basse-Terre, la problématique est foncière et il n'y a eu aucune facilitation des élus locaux pour la mise à disposition d'un terrain au ministère de la Justice. Baie-Mahault, c'est purement budgétaire. Le gouvernement Ayrault a gelé la totalité des dispositifs d'accroissement, notamment Outre-mer.
Qu'attendez-vous du gouvernement ?
Des engagements pour reconstruire Basse-Terre et la réouverture du dossier pour permettre l'extension de Baie-Mahault. Nous attendons avec impatience le budget triennal de la justice pour constater si, enfin, la situation des Antilles et en particulier de la Guadeloupe a été prise en considération. La ministre (Christiane Taubira, NDLR) s'est engagée à le faire. On attend qu'elle valide tout cela dans une projection budgétaire. On sera fixé à la fin du mois.
Comment envisagez-vous l'avenir ?
Si rien n'est lancé, on va vers de très grosses difficultés et même une incapacité de fonctionner pour l'administration pénitentiaire d'ici deux à trois ans, notamment eu égard à l'explosion de violence sur le département.
Quid de la violence dans nos prisons ?
Rien que ces dernières semaines, on déplore pas moins de 13 accidents du travail liés à des agressions. Il y a urgence à endiguer la vague de violences. En Guadeloupe, il y a des gros soucis avec les gangs, l'alcool, la drogue et les armes blanches qui rentrent par le biais des parloirs ou par projection au-dessus des murs. D'autant que depuis quelques mois, on n'a plus le droit de fouiller systématiquement les détenus alors qu'ils sont en contact avec l'extérieur. Cela fragilise la structure et la sécurité du personnel.
Ce personnel, comment vit-il cette situation ?
J'ai rencontré en Guadeloupe des personnels très investis dans leur métier, qui effectuent énormément d'heures supplémentaires au détriment de leur vie familiale et de leur santé, mais cela n'aura qu'un temps.
N'aviez-vous pas obtenu un renforcement des emplois ?
Oui, depuis 18 mois. Mais simultanément, on a constaté une difficulté pour fonctionner du fait de l'impact du chikungunya et des nombreuses agressions.
Quelle solution contre la violence ?
Une équipe de sécurité a été créée à l'initiative de l'Ufap. On a obtenu huit emplois du ministère. Elle a vocation à encadrer un certain profil de détenus et à intervenir en cas de tensions dans certains quartiers de l'établissement. Mais il faut donner aux chefs d'établissement les moyens d'aller plus loin. Par exemple en créant une unité psychiatrique et une autre médicale sécurisées.
« On va suivre le dossier du nouveau palais de justice »
André Toutain, représentant national de l'Unsa services judiciaires, accompagnait Jean-François Forget lors de sa visite dans le département. Il est allé à la rencontre des personnels des tribunaux de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre. Il a pu constater, comme dans beaucoup de juridictions en Métropole, « le manque de moyens budgétaires et des conditions de travail qui ne sont pas optimales » .
Au tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, il a pointé du doigt le problème des archives. « Le manque de place fait qu'elles sont stockées jusqu'à 3 ou 4 mètres de hauteur. Il y a des piles d'archives sur les armoires. Sur le plan hygiène et sécurité, c'est interdit, d'autant plus dans un département où le risque sismique est fort. » Il a constaté le même problème pour les scellés.
« Le local semble inadapté. Les scellés sont sur des étagères. Ils sont beaucoup plus difficiles à trouver s'ils ne sont pas rangés dans des cartons. Il n'y a même pas de râtelier pour les armes. » À Pointe-à-Pitre, André Toutain a entendu parler des problèmes de sous-effectif. Des difficultés à obtenir des formations pour cause de restrictions budgétaires. Et aussi du nouveau palais de justice tant attendu. « Depuis de nombreuses années, on annonce sa construction et c'est reculé d'année en année. »
De retour en Métropole, André Toutain entend faire remonter tous les problèmes au directeur des services judiciaires. « On va suivre le dossier du nouveau palais et des effectifs. On ne peut pas laisser des collègues comme ça pendant encore des années. »
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