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mardi 16 septembre 2014

St Maur - Des détenus contestent la saisie de leur compte

Huit détenus ont saisi la justice. Les sommes prélevées, de 3.000 à plusieurs dizaines de milliers d’euros, sont destinées aux victimes.
L'opération, réalisée par le Fonds de garantie, aurait été réalisée à la demande des victimes. - L'opération, réalisée par le Fonds de garantie, aurait été réalisée à la demande des victimes.

Tous ont été condamnés à de lourdes peines, de vingt ans de prison ferme à la perpétuité, pour des crimes extrêmement graves. Tous doivent verser à leurs victimes des dommages et intérêts colossaux, jusqu'à plusieurs centaines de milliers d'euros. Mais aucun ne s'attendait à la venue d'un huissier, le 20 juin. « Nous non plus, assure une source interne à la maison centrale de Saint-Maur. On n'avait jamais vu ça. » Ce jour-là, huit détenus se sont vus signifier la saisie de leur pécule disponible, sorte de compte-courant du prisonnier (lire « repères ») qui sert notamment à l'achat de « cantines », produits d'usage courant.

 A la demande des parties civiles

Ils y épargnent aussi pour préparer l'avenir, leur réinsertion dans la société en cas de libération. « On les incite à le faire », assure même une avocate. La plupart y ont engrangé de 3.000 à 6.000 €. L'un avait plus de 17.000 €, un autre de 40.000 à 50.000 €. « Ces sommes sont toujours sur les comptes mais elles sont bloquées », précise Me Étienne Noël, avocat de l'un des détenus concernés, et secrétaire national de l'Observatoire international des prisons.

 Elles sont destinées au Fonds de garantie, organisme créé pour assurer l'indemnisation des victimes. Ces saisies, directement sur le pécule disponible, sont légales. Elles auraient été effectuées à la demande des parties civiles. « On ne le fait pas très souvent, assure Fabienne Chevalereau, chargée de communication du Fonds. Seulement quand on voit qu'il y a plusieurs milliers d'euros sur un compte. On ne laissera jamais passer de l'argent qui peut servir à indemniser les victimes. » Depuis le début de l'année, en France, « une quarantaine » de saisies de ce type ont été réalisées. « On ne prend jamais la totalité. On laisse l'équivalent d'un RSA. »

La direction de la Maison centrale de Saint-Maur a reçu les détenus concernés. « On leur a expliqué qu'il pouvait faire appel à un avocat pour un recours », assure Émilie Beauvois, chargée de communication à la Direction interrégionale des services pénitentiaires Centre-Est. Tous l'ont fait. « Jusqu'à présent, le Fonds passait des accords avec les détenus et mettait des échéanciers en place », s'étonne Me Bianchi, avocate de l'un des détenus, spécialisée dans les aménagements de peine. Les huit de Saint-Maur ont ainsi remboursé de 5.000 à 22.000 €. Des sommes qui peuvent paraître dérisoires en regard de celles dues. « C'est l'éternel conflit entre le droit à la réparation de la victime et le droit à la réintégration », résume Me Julio Odetti, défenseur de quatre des détenus. « On a saisi le juge de l'exécution pour demander la levée de la saisie et réclamer un échéancier », annonce Me Bianchi. Une audience est prévue, à Châteauroux, le 14 octobre.

la phrase

" Leur vie n'est déjà qu'une longue punition. On va au-delà de la peine. "

Me Étienne Noël, avocat et secrétaire national de l'Observatoire international des prisons, regrette ces saisies. Plus que sur le long terme, il met en garde contre les conséquences sur « la vie quotidienne en détention ». « On ne va pas les laisser sans manger, sans boire, sans douche. On assure un service minimum », rassure Émilie Beauvois, chargée de communication à la Direction interrégionale des services pénitentiaires Centre-Est.

repères

> L'argent d'un détenu. Il est placé sur un compte bancaire interne à la prison : le « compte nominatif ». Celui-ci est divisé en trois parties :

- le pécule parties civiles : il s'agit de la partie réservée à l'indemnisation des parties civiles. Chaque mois, une somme y est versée automatiquement. Son montant est calculé en fonction du revenu du titulaire du compte : un pourcentage est appliqué au-delà de 200 € mensuels.

- le pécule libérable : c'est une somme bloquée, remise à la libération du détenu pour faciliter sa réinsertion. Là aussi, le montant versé chaque mois est calculé en fonction du revenu.

- le pécule disponible : le « compte-courant » du détenu qui sert à régler ses achats quotidiens. Y sont déposés ses revenus et mandats. C'est cette partie qui a été saisie.

 La majorité des détenus gagne quelques centaines d'euros par mois. Pour celui qui touche 300 €, 270 € sont versés sur le pécule disponible, 10 sur le pécule libérable et 20 sur le pécule parties civiles. Un détenu peut verser volontairement des sommes du pécule disponible vers les pécules libérable ou parties civiles.

> Le Fonds de garantie. Il a été créé en 1951 pour « indemniser les victimes d'accidents de la circulation dont les auteurs n'étaient pas assurés ou pas identifiés ». Depuis, ses compétences ont été élargies au fil du temps : indemnisation des victimes de terrorisme, indemnisation des victimes d'infractions de droit commun puis aide au recouvrement des dommages et intérêts obtenus par une décision de justice.

« L'indemnisation des victimes est financée par les contrats d'assurance, le produit de nos placements financiers et les recours contre les auteurs, explique Fabienne Chevalereau, chargée de communication du Fonds de garantie. En 2013, on a indemnisé 16.328 victimes et versé 260 millions d'euros. Dans tous les auteurs que l'on poursuit, il y a 12.000 personnes incarcérées. »
www.lanouvellerepublique.fr

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