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vendredi 21 novembre 2014

A lire absolument : Ce que va payer l'Etat pour maintenir la prison de la Santé à Paris

Le Démantèlement continue... En matière de gestion, c'est un total non-sens pour l'Etat ! Evidemment pas pour les sociétés privées où cela ressemble au jackpot (cf l'exemple des autoroutes).
Depuis 2002, le ministère de la Justice recourt au "PPP" pour assumer le coût de sa politique carcérale: il paie en loyer ce qu'il économise en travaux. Pour la Santé, la facture s'élèvera à 20 millions par an.
La prison de la Santé à Paris a accueilli ses premiers prisonniers en 1867. (AFP PHOTO/JOEL SAGET)

C’est la prison la plus people de France. Sise en plein cœur du XIVème arrondissement de Paris, son carré VIP a hébergé bien des personnalités. De l’Histoire de France, comme Guillaume Apollinaire, Maurice Papon et Jean-Marie Bastien-Thiry aux petites stars de la délinquance en col blanc, de Jacques Crozemarie, Jérôme Kerviel, Bernard Tapie à Xavier Niel…

Vidée cette année de ses derniers hôtes, la maison d’arrêt de la Santé, vétuste, fera peau neuve… pendant quatre ans. Un vaste projet de rénovation rendu possible grâce à cette formule de financement tant décriée : le contrat de partenariat public-privé(communément appelé PPP). Qui consiste à confier à des partenaires privés la construction, l’exploitation, la maintenance et le financement d’un projet, pendant 25 ans.

Pour la prison de la Santé, l’heureux gagnant est le groupe de BTP Vinci, accompagné pour l’occasion d’une filiale de GDF Suez (GEPSA) et du fonds d’investissements anglo-saxon 3i. L’investissement qu’ensemble ils avancent, de 160 millions d’euros, sera remboursé par l’Etat sous forme d’un loyer annuel d’une vingtaine de millions d’euros versé pendant… 25 ans, donc. Ce qui suscite la polémique récurrente sur cette technique pour financer des investissements publics quand l’argent public manque.

300 millions d'euros de loyer en 2019

En matière de prisons, l’offre de l’Etat ne parvenant pas à suivre la demande (cf. le scandale de la surpopulation carcérale), le ministère de la Justice a depuis 2002 opté largement pour cette formule. Résultat, dans un rapport rendu en 2011, la Cour des comptes considère ces engagements publics comme une véritable "bombe à retardement". En 2014, les loyers dus au titre des PPP des dix établissements pénitenciers déjà ouverts atteignent 124 millions d’euros. En 2019, après livraison de celles en cours de construction (Valence, Riom, Lutterbach, Beauvais et, donc, La Santé), la facture explosera à 300 millions d’euros !

Christiane Taubira, ministre de la Justice, avait bien envisagé d’abandonner le système lors de son arrivée à la chancellerie, qualifiant "d’inacceptable" cette manière "d’engager l’Etat sur au moins deux générations pour échapper à des crédits aujourd’hui." Elle s’est finalement ravisée. Car notre garde des Sceaux oubliait un peu vite que les prisons en question seront encore sur pied dans deux générations. Une vision à courte vue souvent reproché à l’Etat. Laurent Flochel, vice-président du cabinet de conseil Charles River Associates – qui reconnait travailler pour Vinci – l’appelle "l’effet d’inauguration".

"L’Etat, qui n’est qu’une succession de majorités, ne sait pas s’engager sur le futur, les politiques préférant toujours lancer de nouveaux projets que d’entretenir les anciens." Le récent avis de la Cour des comptes sur le réseau ferroviaire à grande vitesse en est une bonne illustration : l’Etat a relancé trois énormes chantiers de construction de lignes à grande vitesse (Bretagne-Pays de Loire pour Eiffage en PPP, Sud Europe Atlantique pour Vinci en concession et le contournement Nîmes-Montpellier pour Bouygues en PPP) sans prendre la peine de s’interroger sur la performance du réseau existant.

Un marché qui ne rameute pas les foules

Le PPP de la maison d’arrêt de la Santé présente une autre source d’interrogation. Il prévoit, comme les quatorze contrats de prisons précédents, que l’opérateur privé soit responsable du transport des détenus, une fonction que l’on eut pu imaginer "régalienne". Et l’un des partenaires privés, 3i, n’est pas même français !

 

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