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dimanche 8 février 2015

Plongée dans la coursive jihadiste de Fresnes

Cette aile de la maison d'arrêt regroupe des prévenus et condamnés pour terrorisme identifiés comme islamistes. L'expérience sera étendue, bien que contestée.
 
Fresnes (Val-de-Marne). Les détenus prévenus ou condamnés pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste sont regroupés depuis octobre. 

Leur parcours diffère, leurs origines aussi. Seul leur profil radical et prosélyte les rapproche. Depuis la mi-octobre, vingt-trois détenus prévenus ou condamnés pour association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste sont regroupés dans une même coursive de la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Une expérience inédite visant à éviter l'embrigadement du reste de la détention, qui sera bientôt déclinée à Fleury-Mérogis (Essonne) et probablement à Osny (Val-d'Oise) dans le cadre du plan d'urgence antiterroriste lancé après les attentats parisiens.

Si l'initiative doit faire l'objet d'une évaluation rapide à la demande de la garde des Sceaux, les avocats des intéressés pointent le risque d'une surenchère, voire d'une entente entre ces détenus qui, pour certains, n'ont pas montré de réelle volonté de passage à l'acte. Parmi eux figure Cédric Lobo. Parisien d'origine congolaise, il se convertit à l'islam à l'âge de 17 ans. En août 2012, cet ancien animateur scolaire est arrêté au Niger alors qu'il tente de rejoindre les troupes d'Al-Qaïda au Mali, ce qui lui vaut une condamnation à six ans de prison en décembre dernier.

« En me rendant dans cette coursive, la première chose qui m'a frappé, c'est la jeunesse de ces détenus, raconte Me Elise Arfi, l'avocate de Cédric Lobo. Certains sont des prêcheurs confirmés et sont considérés comme des héros. D'autres ont un profil idéologique beaucoup moins affirmé et peuvent être influencés par les premiers. Dans tous les cas, les réunir ne peut que les conforter dans leur vision du monde et de la religion. Une fois passés là, il sera extrêmement difficile de les faire sortir de leur schéma de pensée. »

Yohan Moussouath fait partie de ces détenus de la coursive au profil radical incertain. Ce jeune homme de 21 ans originaire de Marignane est arrêté en mars 2013 après avoir publié des photos de lui sur Facebook exhibant tee-shirts Al-Qaïda fabriqués maison et kalachnikov en plastique. Quelques grammes d'explosif avaient aussi été retrouvés à son domicile mais il ignorait comment s'en servir. Lors de son procès, en décembre, le parquet lui-même avait reconnu que sa radicalité n'était pas avérée.

« Le placer dans cette coursive, c'est une catastrophe, tonne Me Pascal Roubaud, son avocat. Cette fascination pour le jihad était un mauvais délire venant d'un adolescent un peu immature. En l'emprisonnant et en l'entourant de profils beaucoup plus radicaux, on prend le risque qu'il devienne le terroriste qu'il n'a jamais été. » Pour le moment, le jeune homme se montre hermétique à l'influence de ses codétenus. « L'islam, la religion, en vérité, ça ne l'intéresse pas », souligne Me Roubaud. Il se montre même agacé par les prières régulières de son voisin de cellule.

« Jusqu'à présent, à Fleury-Mérogis, le raisonnement était le contraire de celui de Fresnes, relève Me Arfi. Les détenus radicaux sont séparés les uns des autres pour qu'ils ne se montent pas la tête. Là, il y a une grande solidarité entre eux, doublée d'un sentiment d'exclusion. Mon client vit mal ce qu'il juge comme une ghettoïsation.
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