Des contrôleurs de prison visitent chaque année de façon inopinée des dizaines d'établissements pénitentiaires. Leurs recommandations portent surtout cette année sur le développement de l'autonomie des détenus et le traitement des requêtes.
Locaux de garde à vue, établissements pénitentiaires, centre éducatif fermé, centre de rétention administrative… L’année dernière, 137 établissements de lieux de privation de liberté ont été visités par des contrôleurs de prison. Et 81% des visites l’ont été de manière inopinée. Adeline Hazan, la nouvelle contrôleure générale de lieux de privation et de liberté (CGLPL) entrée en poste en juillet dernier présente ce mercredi son premier rapport d’activité portant sur l’année 2014.
Voici parmi les 250 pages du rapport, dont 20 Minutes a pris connaissance, quelques pistes et recommandations de la CGLPL aux pouvoirs publics.
1 - Généraliser le jardinage
La pratique du jardinage dans les prisons existe dans plusieurs établissements pénitentiaires. En détention, elle favorise «une appropriation de la cour». «L’existence de ces espaces, l’absence de dégradation et de détritus, la présence d’arbres et de plantes et la libre circulation des personnes détenues viennent contredire les espaces contraints et bétonnés d’architecture plus contemporaine et plus sécuritaire», relevait un rapport de visite réalisé en 2014. Adeline Hazan recommande de généraliser la pratique du jardinage dans les toutes les prisons.
2 - Mieux traiter les requêtes des détenus
Demande de transfert de chambre, achat de nourriture ou de matériel, autorisation de parloir… Les demandes en prison sont quotidiennes, parfois urgentes et les réponses souvent trop longues. «Chaque demande doit apporter une réponse», insiste-t-on dans l’entourage de la contrôleure générale. Ainsi, l’institution préconise que des accusés de réception soient «systématiquement émis et remis aux demandeurs dès lors que les requêtes (écrites ou orales) ont été tracées». Attention toutefois à ne pas tomber dans une «bureaucratisation» de la prison, prévient-on. «L’oralité doit demeurer possible et être privilégiée pour traiter des requêtes simples ou immédiates ou revêtant un caractère d’urgence et nécessitant une réponse directe des personnes», écrit la CGLPL.
3 - Officialiser les «gourbis»
En prison, le «gourbi» est un endroit installé au sein du bâtiment ou en cours de promenade aussi important pour le détenu que sa cellule. Les gourbis, des lieux au sein des établissements, sont autogérés et fonctionnent par une forme de cooptation par les détenus admis à s’y rendre. Ils se font et se défont en fonction des affinités. «C’est un système très communautaire. On s’arrange entre nous», expliquait Tony Cossu, une figure du banditisme, à Frédéric Ploquin, journaliste à Marianne et spécialiste du «Milieu», dans La prison des caïds (Plon, 2011). Si ces espaces aménagés par les détenus eux-mêmes sont une façon pour eux de s’approprier leur prison, «l’absence de reconnaissance officielle se traduit par un très mauvais état de ces locaux, pour lesquels des travaux de réfection ou d’entretien ne sont jamais envisagés», souligne le rapport. La CGLPL préconise leur «officialisation» pour mieux «réguler leur fonctionnement».
4 - Un accès à l’information pour les mineurs
Dans les centres éducatifs fermés, l’accès à Internet est limité. Certains l’autorisent pour rechercher par exemple un stage ou préparer une sortie culturelle. D’autres permettent aux mineurs d’acheter ou de consulter des journaux à la bibliothèque. Il faudrait, selon la CGLPL, étendre ce type d’initiative à tous les établissements accueillant des mineurs. «Il devrait être associé à des interventions éducatives de nature à éveiller l’esprit critique face aux médias et, plus généralement, à favoriser l’accès au droit et à la citoyenneté.»
5 - Des préservatifs en libre accès
Pour remédier aux risques de transmission de maladies sexuellement transmissibles ou de grossesses non désirées, il est recommandé que les détenus aient librement accès à des préservatifs au sein des unités sanitaires, des unités de vie familiale mais aussi aux parloirs familiaux. Certains établissements le pratiquent déjà mais ils sont encore trop rares.
6 - Des interprètes et des téléphones dans les CRA
Cela semble aller de soi, et pourtant… La CGLPL recommande que les individus retenus au sein des centres de rétention administrative (CRA) puissent avoir recours à un interprète lorsqu’ils ne maîtrisent pas la langue française. De manière générale, les contrôleurs se sont rendu compte que c’étaient d’autres retenus qui s’employaient à traduire pour leurs co-retenus. Par ailleurs, les étrangers en situation irrégulière retenus administrativement dans ces centres devraient pouvoir accéder à Internet. Le CGLPL recommande aussi l’installation de cabines téléphoniques «garantissant la confidentialité des conversations».
7 - Pouvoir laver son linge sale
Dans bon nombre de prisons, les détenus ne peuvent toujours pas assurer eux-mêmes le nettoyage de leurs vêtements. Ils restent plusieurs semaines dans les mêmes habits. La CGLPL recommande de mettre à disposition systématiquement un lave-linge, un sèche-linge et un équipement de repassage. Ou à défaut, un système de dépôt du linge sale en filet avec la possibilité de récupérer le linge propre à un guichet.
8 - Développer l’autonomie des détenus
«La privation de liberté consiste en la seule privation du droit d’aller et venir et ne doit pas enlever à la personne toute capacité d’initiative. La captivité, temporaire, induit trop souvent une infantilisation et une déresponsabilisation des personnes», affirme le rapport. La CGLPL recommande d’évaluer le degré d’autonomie des détenus à leur entrée dans l’établissement pénitentiaire. Cette évaluation permettrait d’adapter les contraintes inhérentes à leur détention (surveillance, liberté de circulation, accès aux objets) à leur profil (risque de passage à l’acte violent, vulnérabilité)…
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