Elle a été condamnée pour avoir fait rentrer, en 2012 et 2013, dans la prison de Borgo, moyennant une contrepartie financière, divers objets, dont des téléphones portables et des produits stupéfiants, et les avoir remis à des détenus
La voix chevrotante, la prévenue s'explique devant le tribunal correctionnel de Bastia devant lequel elle comparaissait pour "remise illicite d'objet à un détenu par un surveillant pénitentiaire" (ce qui constitue une circonstance aggravante) et "corruption passive par une personne exerçant une fonction publique".
Aujourd'hui suspendue, la surveillante, 38 ans, était à l'époque des faits, commis entre janvier 2012 et octobre 2013, agent de l'administration pénitentiaire à la prison de Borgo, plus précisément moniteur de sport. Elle est accusée d'avoir fait rentrer dans l'établissement, afin de les remettre à des détenus, divers objets, des gels douche, des tondeuses à cheveux, mais aussi des téléphones portables, de l'alcool, des produits stupéfiants. Et ce, moyennant une contrepartie financière qui s'élèverait au total entre 4 000 et 5 000 euros.
Deux détenus de Borgo, récidivistes en la matière, étaient poursuivis pour le recel d'un téléphone portable. "C'est une épicerie, on y vend le gel douche 10 euros l'unité et le téléphone portable 100 euros", ironise le président du tribunal, Patrick Sendral.
Dans une déposition ponctuée par des sanglots, la surveillante qui se présente comme une femme "hypersensible" explique que lorsque "les familles ont été interdites, fin 2012, de fournir des gels douche, par le biais des parloirs, aux détenus, l'un d'eux, que j'avais pris en affection m'a demandé de lui en trouver un. Je n'ai pas vu le mal, je voulais juste rendre service. Puis d'autres m'ont demandé la même chose". "Mais alors qu'il était vendu 4 euros à la cantine, vous, vous le vendiez 10 euros", s'interroge le président. "Je n'ai pas demandé d'argent au départ. Mais lorsque la demande est devenue croissante, j'ai commencé à tarifer pour que cela s'arrête."
La surveillante récupérait les objets à l'extérieur de la prison auprès d'une personne lors d'un rendez-vous fixé par un détenu. Les marchandises se sont diversifiées . Elle dit avoir été contrainte de faire entrer dans Borgo des feuilles de cannabis qu'elle avait découvertes chez elle en ouvrant le sac qu'on lui avait donné et dont elle voulait se débarrasser. Mais ajoute avoir refusé d'amener des couteaux dans l'établissement pénitentiaire.
"Je suis naïve, je suis tombé dans une spirale dont je ne suis pas arrivé à sortir. Je regrette ce que j'ai fait. Quand les gendarmes sont venus me chercher, c'était une délivrance", souligne celle qui précise que l'argent qu'elle recevait pour le prix du passage, lui servait à faire ses courses. "Je n'avais pas un train de vie luxueux. Ma vie, c'est le sport, la course à pied, les trails. J'ai tout perdu : mon travail, mes amis", déclare, effondré, la jeune femme qui avait alors un salaire de 1 600 euros et touche aujourd'hui le RSA.
"L'histoire d'une dérive"
"C'est l'histoire d'une dérive individuelle", a souligné, dans ses réquisitions, Yves Paillard, vice-procureur de la République de Bastia, "Même si elle était monitrice de sport, la prévenue était avant tout surveillante et elle a trahi l'éthique de sa profession et le pacte de confiance noué avec l'administration."
"Sa naïveté n'est pas une excuse car elle avait suivi une formation et avait sa propre conscience." Et d'ajouter, en évoquant notamment des prisonniers absents du box, que "certains détenus auxquels elle avait affaire, et dont elle ne connaissait certes pas les profils, avaient fait l'objet de lourdes condamnations". Au-delà, le magistrat observe que "la frontière est poreuse entre certains surveillants, mais heureusement ce n'est pas le cas de tous, et des détenus" et estime que cette affaire soulève aussi la question à Borgo de "la gestion des entrées et sorties de familles de prisonniers et du personnel". Il a requis 3 ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt contre la surveillante ainsi qu'une amende de 5 000 euros, et au titre de peine complémentaire, l'interdiction définitive d'exercer un emploi public.
Il a demandé 18 mois de prison avec mandat de dépôt contre les détenus.
La défense plaide la clémence
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