C’était il y a deux ans, le 13 avril 2013. Le célèbre braqueur Redoine Faïd, pourtant détenu particulièrement surveillé, s’évadait de la prison de Sequedin avec arme et explosifs, prenant en otages quatre surveillants. L’un d’entre eux a accepté de témoigner pour la première fois.
La jambe de Maurice* tremble nerveusement dans le fauteuil bleu du local de son syndicat, la CFTC-Justice. Sa voix est assurée. Deux ans après, l’homme de 51 ans, dont 22 de surveillance pénitentiaire, a trouvé la force de raconter. C’était un samedi, vers 8 h. Maurice est en poste aux parloirs. « Ça faisait une semaine tout pile que j’étais revenu à Sequedin. » Le surveillant a « fait l’ouverture », en 2005, de la maison d’arrêt, y travaille six ans, passe par Béthune, avant d’y retourner. « Quand tu arrives à Sequedin, tu vas aux parloirs obligatoirement. »
« Je me disais, ils font une simulation, un exercice »
« Je m’occupais de sortir 22 détenus, se remémore-t-il. Je les amène en salle d’attente, fais le tour et ferme derrière eux. » En prison, une porte qui s’ouvre est toujours précédée d’une autre qui se ferme. « La collègue ouvre la porte, et là, Redoine Faïd la met en joue. Il la plaque au sol, tire en l’air. Moi, j’étais là, plaqué contre le mur. Je me disais Ils font une simulation, un exercice. C’est quand il a fait sauter la première porte que j’ai réalisé. La détonation, ce n’était pas du semblant ! » Depuis, à cause de la déflagration, un autre surveillant et lui ont dû s’équiper d’un appareil auditif.
« Des bruits circulaient en détention, comme quoi il y avait une arme, et une masse métallique, pouvant ressembler à une munition, avait été retrouvée dans la poche d’un détenu. Notre délégué avait même évoqué le projet d’une prise d’otages… », indique Michaël Rambaut, secrétaire général CFTC-Justice. Mais Maurice ne peut pas dire qu’il s’y attendait.
« En chaussettes »
Arrivés au dernier sas avant la sortie, Redoine Faïd « fait sauter les barreaux de la porte », l’un se déforme suffisamment pour que le braqueur passe. Mais les surveillants n’y parviennent pas. « Il a fait déshabiller deux agents pour passer, je me suis retrouvé en chaussettes. » Ça ne passe toujours pas, jusqu’à ce que l’évadé « donne un gros coup de pied » dans la porte qui finit par s’ouvrir. Ensuite, « on a dû courir à l’extérieur, le long du glacis ». Jusqu’à l’A25. « Redoine Faïd nous a dit de nous allonger dans le fossé. Là, il n’avait plus besoin de nous, j’ai pensé qu’il pouvait tirer. » Depuis le début, à peine vingt minutes se sont écoulées, « interminables ». L’évadé finit par embarquer dans une voiture, « avec un sac plein d’armes, en prenant avec lui un collègue ». Il le relâchera un peu plus loin.
Maurice se retrouve ensuite, sonné, à l’hôpital, puis devant le service régional de la police judiciaire (SRPJ), toujours en chaussettes. La ministre Christiane Taubira le rencontre : « Elle ne nous a même pas demandé si ça allait. »
Aujourd’hui, Maurice se remet, tout doucement...
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