Une nouvelle loi autorise la presse à visiter "à l'improviste" un établissement pénitentiaire. Plongée dans l'univers carcéral
Aux Baumettes, le mythe d'une prison "club Med" se cogne aussi sec aux portes de la réalité. Et se referme brutalement sur deux chiffres implacables : 155 %, le taux d'occupation carcérale recensé en ce début d'été, soit 1 800 détenus pour une capacité de 1 200 places.
Un autre ? 3, le nombre de lits superposés pour autant de prisonniers entassés dans certaines cellules de 9 m²... "On vit les uns sur les autres. C'est la merde...", grince un jeune adulte de La Cayolle (9e), le quartier voisin. "Chez les femmes, il arrive qu'on mette des matelas à même le sol", glisse Christelle Rotach.
La chef d'établissement reçoit sans langue de bois dans son bureau, avant une longue visite de la maison d'arrêt. La traduction concrète d'un amendement, voté en décembre 2014, qui autorise désormais les journalistes à accompagner plus ou moins à l'improviste des parlementaires en prison.
Pour cette première marseillaise, c'est le socialiste Patrick Mennucci qui "invite" : "Cette loi est un outil de contrôle démocratique très important", se rengorge l'élu, à l'initiative du texte (aux côtés Jean-Jacques Urivas et de Dominique Raimbourg). Air grave et mots pesés, Christelle Rotach poursuit son tour d'horizon : "Avec une telle surpopulation, place-t-elle, je ne peux pas dire que les conditions sont correctes, non. Et cela cause, entre autres, de trop longues attentes aux parloirs, une gêne dans le suivi médical et des dégradations."
Au quartier réservé aux nouveaux arrivants, une sorte de sas d'acclimatation, l'atmosphère semble comme suspendue, en demi-teinte. On dénombre 57 pièces alignées, avec, au fond de l'interminable couloir, deux logos de l'OM peints sur les murs. Image décalée. Un homme longiligne, cheveux plaqués en arrière, demande une faveur au gardien... "Cousin vas-y ! Laisse-moi passer... Non ? Vous vous en battez les c... en fait !" "Oui, oui", secoue la tête le maton.
Client suivant. Un autre interpelle l'ancien candidat aux municipales : "Les politiques, vous ne venez nous voir qu'au moment des élections !", lance-t-il. "C'est exactement ce qu'on entend dans les tournées de CIQ !", s'esclaffe Mennucci, qui ne peut s'empêcher une petite vacherie : "La dernière fois que je suis venu ici, je suis tombé sur un type de la section de Guérini ! Je lui ai dit : mais qu'est-ce que tu fais là?"
On tape à une porte. La cellule s'entrouvre doucement. Trois hommes sont allongés, à moitié dénudés. "À 11 heures, ils dorment encore...", râle la directrice. Dans leur droit, ils refusent les visiteurs. Face à l'escalier, un refrain de Daniel Balavoine a été inscrit sur un tableau blanc : "J'aimerais bien être un oiseau, je suis mal dans la peau". Mika ouvre sa cage poliment mais l'est assurément, en déroute. Sur son placard, il a entassé un stock impressionnant de flacons de produits ménagers : Cif, Ajax, Saint-Marc... "Faut que ça soit propre", ronchonne cet ancien pensionnaire du Centre pour mineurs de la Valentine, 18 ans à peine, qui vient de replonger... "Je sais pas pourquoi... C'est le quartier qui veut ça..., élude-t-il, blasé. Mais ici, c'est pas la Valentine. C'est bien plus dur. La nuit, j'ai des morceaux de plafond qui me tombent dessus."
Chez les voisins, dans une cellule refaite, l'atmosphère est plus détendue. "Vous voulez un café, un Coca ? Faites comme chez vous", sourit le plus jeune, rasé de près. La télé est allumée. À l'image, un documentaire sur le monde sous-marin. Fièrement, ce gérant d'un snack à la Ciotat pointe l'écran du doigt : "C'est Arte ! Elle est bien cette chaîne. On se cultive." Puis les souvenirs remontent. La gorge se noue. "Ça va... On s'entraide. Mais attention, hein, je dis pas que je ne préférerais pas être dehors à bosser. Ça fait 5 mois que je suis là. Un mec a insulté mes morts. Mon père venait de décéder. J'ai craqué." Depuis, le trentenaire a écopé d'une rallonge pour avoir utilisé un portable. Interdit. "Pourquoi vous n'avez pas téléphoné d'une cabine ?", s'enquiert la chef d'établissement. "Je voulais rassurer ma mère. Elle a 70 ans. Elle était en vacances en Tunisie." D'autant que l'un des deux téléphones mis à disposition par l'administration a été brisé.
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Un autre ? 3, le nombre de lits superposés pour autant de prisonniers entassés dans certaines cellules de 9 m²... "On vit les uns sur les autres. C'est la merde...", grince un jeune adulte de La Cayolle (9e), le quartier voisin. "Chez les femmes, il arrive qu'on mette des matelas à même le sol", glisse Christelle Rotach.
La chef d'établissement reçoit sans langue de bois dans son bureau, avant une longue visite de la maison d'arrêt. La traduction concrète d'un amendement, voté en décembre 2014, qui autorise désormais les journalistes à accompagner plus ou moins à l'improviste des parlementaires en prison.
Pour cette première marseillaise, c'est le socialiste Patrick Mennucci qui "invite" : "Cette loi est un outil de contrôle démocratique très important", se rengorge l'élu, à l'initiative du texte (aux côtés Jean-Jacques Urivas et de Dominique Raimbourg). Air grave et mots pesés, Christelle Rotach poursuit son tour d'horizon : "Avec une telle surpopulation, place-t-elle, je ne peux pas dire que les conditions sont correctes, non. Et cela cause, entre autres, de trop longues attentes aux parloirs, une gêne dans le suivi médical et des dégradations."
L'an dernier, 195 faits d'insultes, d'outrages et de coups
Certes, depuis le rapport accablant publié en 2012 par le contrôleur des prisons Jean-Marie Delarue, qui avait dénoncé des conditions d'incarcération "effroyables", "révoltantes" et "inhumaines", la première phase de la rénovation du bâtiment - qui s'achèvera en 2017 avec 570 places supplémentaires - a permis de donner au centre pénitentiaire un visage plus digne. Mais les problèmes restent nombreux, l'insalubrité prégnante et la violence quotidienne. "On a eu une baisse significative des bagarres, en jugulant mieux les lieux de conflits, relève Christelle Rotach, mais la gravité des violences augmente. Notamment envers le personnel. L'an dernier, 195 faits d'insultes, d'outrages et de coups ont mené à des poursuites pénales. Dont 9 qui ont nécessité une hospitalisation."Au quartier réservé aux nouveaux arrivants, une sorte de sas d'acclimatation, l'atmosphère semble comme suspendue, en demi-teinte. On dénombre 57 pièces alignées, avec, au fond de l'interminable couloir, deux logos de l'OM peints sur les murs. Image décalée. Un homme longiligne, cheveux plaqués en arrière, demande une faveur au gardien... "Cousin vas-y ! Laisse-moi passer... Non ? Vous vous en battez les c... en fait !" "Oui, oui", secoue la tête le maton.
Client suivant. Un autre interpelle l'ancien candidat aux municipales : "Les politiques, vous ne venez nous voir qu'au moment des élections !", lance-t-il. "C'est exactement ce qu'on entend dans les tournées de CIQ !", s'esclaffe Mennucci, qui ne peut s'empêcher une petite vacherie : "La dernière fois que je suis venu ici, je suis tombé sur un type de la section de Guérini ! Je lui ai dit : mais qu'est-ce que tu fais là?"
On tape à une porte. La cellule s'entrouvre doucement. Trois hommes sont allongés, à moitié dénudés. "À 11 heures, ils dorment encore...", râle la directrice. Dans leur droit, ils refusent les visiteurs. Face à l'escalier, un refrain de Daniel Balavoine a été inscrit sur un tableau blanc : "J'aimerais bien être un oiseau, je suis mal dans la peau". Mika ouvre sa cage poliment mais l'est assurément, en déroute. Sur son placard, il a entassé un stock impressionnant de flacons de produits ménagers : Cif, Ajax, Saint-Marc... "Faut que ça soit propre", ronchonne cet ancien pensionnaire du Centre pour mineurs de la Valentine, 18 ans à peine, qui vient de replonger... "Je sais pas pourquoi... C'est le quartier qui veut ça..., élude-t-il, blasé. Mais ici, c'est pas la Valentine. C'est bien plus dur. La nuit, j'ai des morceaux de plafond qui me tombent dessus."
Chez les voisins, dans une cellule refaite, l'atmosphère est plus détendue. "Vous voulez un café, un Coca ? Faites comme chez vous", sourit le plus jeune, rasé de près. La télé est allumée. À l'image, un documentaire sur le monde sous-marin. Fièrement, ce gérant d'un snack à la Ciotat pointe l'écran du doigt : "C'est Arte ! Elle est bien cette chaîne. On se cultive." Puis les souvenirs remontent. La gorge se noue. "Ça va... On s'entraide. Mais attention, hein, je dis pas que je ne préférerais pas être dehors à bosser. Ça fait 5 mois que je suis là. Un mec a insulté mes morts. Mon père venait de décéder. J'ai craqué." Depuis, le trentenaire a écopé d'une rallonge pour avoir utilisé un portable. Interdit. "Pourquoi vous n'avez pas téléphoné d'une cabine ?", s'enquiert la chef d'établissement. "Je voulais rassurer ma mère. Elle a 70 ans. Elle était en vacances en Tunisie." D'autant que l'un des deux téléphones mis à disposition par l'administration a été brisé.
Prison, business, racket
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