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vendredi 28 août 2015

La Norvège envoie des détenus aux Pays-Bas

À partir du 1er  septembre, près de 250 prisonniers norvégiens seront acheminés vers un établissement pénitentiaire néerlandais pour y purger leur peine.
Cellule de la prison hollandaise de Norgehaven. A partir du 1er septembre, 242 prisonniers norvég...
 
L’État norvégien, qui paiera la note, a conçu cette solution pour pallier le manque de places dans ses prisons. L’initiative est mal accueillie par des détenus des deux pays.

La prison de Norgerhaven, dans le nord des Pays-Bas, est fin prête. Ces derniers mois, l’établissement en briques a été rafraîchi pour accueillir de nouveaux « pensionnaires ». Dotées de portes de couleur fuchsia, les cellules, d’allure proprette, répondent aux besoins et aux normes scandinaves, assure Karl Hillesland, le Norvégien qui dirige désormais le site.
 
En septembre, la prison, située dans la commune de Veenhuizen, sera en effet réservée à des détenus venus du royaume scandinave. Les premiers d’entre eux, une vingtaine, arriveront par un vol charter le 1er  septembre. Au total, 242 hommes, tous condamnés à des peines de dix ans de détention au minimum, seront ainsi transférés.
 
Le 2 septembre, le ministre norvégien de la justice, Anders Anundsen, se rendra sur les lieux pour inaugurer l’établissement dans sa nouvelle mouture. Nommé au gouvernement fin 2013, c’est lui qui a porté ce projet controversé.

En 2014, plus de 1 000 cellules manquantes en Norvège

À l’origine, il a posé un constat a priori étonnant pour un pays aussi nanti que la Norvège, puissance pétrolière et gazière : il n’y a pas assez de places disponibles dans les prisons du pays pour que les détenus puissent purger leur peine sitôt le verdict connu. En 2014, 1 300 condamnés à des peines fermes étaient en attente d’une cellule. « Une situation difficile laissée en héritage par le précédent gouvernement » de gauche, estime le ministre, membre du Parti du progrès (droite populiste).
 
Dans le cadre du budget 2015, près de 14 millions d’euros ont été débloqués pour commencer à combler le retard et moderniser certains établissements pénitentiaires. En attendant, le gouvernement norvégien a conclu, en mars, un accord avec les autorités néerlandaises portant sur la location de la prison de Norgerhaven.
 
Il en coûtera 28 millions d’euros par an, indique-t-on au ministère de la justice. Soit un montant par détenu correspondant à celui d’une place dans un établissement norvégien nouvellement construit. D’une durée de trois ans, l’accord pourra être reconduit pour deux ans supplémentaires.

Des détenus néerlandais en colère et peu de volontaires norvégiens

Les détails juridiques et pratiques ont été réglés. Norgerhaven fonctionnera comme une annexe d’une prison proche d’Oslo et dépendra de la loi norvégienne. Son directeur sera norvégien, le personnel néerlandais.
 
 
L’initiative n’a pas plu à tous. Aux Pays-Bas, les personnes jusque-là détenues à Norgerhaven ont évacué contre leur volonté cet établissement confortable, où elles pouvaient cultiver des légumes, élever des poules ou cuisiner leurs propres repas. Dix-huit d’entre eux ont porté plainte contre le ministère néerlandais de la justice. En vain. Depuis 2010, le pays loue déjà une autre prison, à Tilburg (sud), occupée par 500 Belges.
En Norvège, les volontaires ne se bousculent pas pour partir aux Pays-Bas. Selon le dernier décompte connu, ils ne sont qu’une soixantaine. Les autres seront désignés contre leur gré. Mais uniquement parmi ceux en bonne santé et ne bénéficiant pas de visites régulières d’enfants mineurs, ni d’un programme éducatif.

« Les détenus vivront très mal ces transferts forcés »

Le ministère de la justice a beau rappeler qu’un détenu ne choisit pas toujours sa prison, les critiques ont repris de plus belle depuis que l’un d’eux, fin juin, a tenté de se suicider après avoir reçu un courrier l’informant de son départ vers Norgerhaven.
 
Selon Frode Sulland, membre de l’Association des avocats, « c’est la confirmation de ce que beaucoup craignaient : les détenus vivront très mal ces transferts forcés ». Leurs proches également. De plus, selon l’association d’aide juridique Juss-Buss, le pays doit, d’après sa Constitution, « garantir à ses citoyens un accès illimité au territoire ».
 
 
La solution néerlandaise « ne favorisera pas la réinsertion », ajoute Asle Aase, du syndicat du personnel pénitentiaire NFF. L’expérience de Norger­haven prévoit un retour en Norvège des détenus deux mois au plus tard avant leur remise en liberté.
 
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Les prisons dans l’espace européen
 
Selon le dernier rapport du Conseil de l’Eu­rope sur les prisons, pu­blié en février, la crise a eu des conséquences sur la vie en pri­son, les dé­penses des États ayant di­mi­nué ces der­nières an­nées. Les États eu­ro­péens consa­crent 96,7 € en moyenne par pri­son­nier et par jour, in­dique le Conseil de l’Eu­rope dans ce rap­port, SPACE 2015.
 
Les États qui mo­bi­lisent le plus de moyens fi­nan­ciers pour leurs po­pu­la­tions in­car­cé­rées sont, la Suède (317 € par dé­tenu et par jour en 2012), la Nor­vège (283 €), les Pays-Bas (273 €) et le Da­ne­mark (186 €). En France, la prise en charge des dé­te­nus est proche de la moyenne, à 96,77 €/jour, de­vant l’Es­pagne (66 €), mais der­rière l’Ita­lie (128 €) et l’Al­le­magne (116 €).
 
Le surpeuplement est un problème aigu pour dix États membres du Conseil de l’Europe : Italie (148 détenus pour 100 places), Hongrie (145), Chypre (138), Belgique (134), Macédoine (124), Portugal (117), France (117), Roumanie (116), Croatie (111), Albanie (110).

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