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lundi 31 août 2015

La Norvège exporte ses prisonniers aux Pays-Bas

Pour éviter la surpopulation, Oslo envoie 242 détenus dans une prison néerlandaise. Les départs sont prévus mardi. Une idée du parti populiste.

Une cellule de la prison de Norgerhaven, aux Pays-Bas, en mars.
 
Les premiers prisonniers embarqueront ce mardi, à l’aéroport d’Oslo, à bord d’un avion de la Scandinavian Airlines, destination Amsterdam. Pour des raisons de sécurité, leur nombre n’a pas été dévoilé. Mais au total, ce sont 242 détenus norvégiens, qui vont être transférés, au cours des prochaines semaines, à la prison de haute sécurité de Norgerhaven, au nord des Pays-Bas, pour y purger une partie de leur peine. Si certains se sont déjà portés volontaires, la majorité n’aura pas le choix.

Car les prisons norvégiennes sont pleines. Autour de 1 100 condamnés attendent actuellement qu’une cellule se libère, alors qu’aux Pays-Bas, les établissements pénitentiaires restent dépeuplés. D’où l’idée de les prêter à ceux qui en ont le plus besoin. Depuis 2010, la prison de Tilburg, au sud du pays, héberge déjà 500 détenus belges. La Norvège est le deuxième pays à signer un accord avec les autorités néerlandaises. D’une durée préliminaire de trois ans, il pourrait être prolongé, pour un coût annuel de 25,5 millions d’euros.

Un impact prétendument minime

A Norgerhaven, le personnel néerlandais sera encadré par une équipe norvégienne. Marianne Vollan, directrice de l’Administration pénitentiaire du royaume scandinave, assure que l’impact sur la vie quotidienne des détenus sera minime : «Ceux qui sont incarcérés dans le nord se trouvent déjà à des centaines de kilomètres de leur famille. Aux Pays-Bas, ils auront les mêmes droits qu’en Norvège. Ils pourront travailler, suivre des cours, communiquer avec leurs familles via Skype.»

De toute façon, assure le secrétaire d’Etat à La Justice, Vidar Brein-Karlsen, membre du parti populiste Fremskrittspartiet (FRP), la situation était devenue intenable : «Non seulement les peines ne sont pas purgées dès la condamnation, mais la police ne peut pas faire son travail, faute d’espace en prison pour placer des suspects en détention provisoire.» Une situation qui risque encore de s’aggraver, «alors qu’une dizaine d’établissements pénitentiaires, construits dans les années 60, ont besoin d’être rénovés», précise le secrétaire d’Etat.

L’alternative serait «d’accepter la surpopulation carcérale, comme l’ont fait d’autres pays» (à commencer par la France), constate la directrice de l’Administration pénitentiaire. Mais, dit-elle, ce serait contradictoire avec l’objectif de réhabilitation qui gouverne le système carcéral norvégien. «Les détenus qui partent aux Pays-Bas rentreront d’ailleurs quelques mois avant leur remise en liberté, pour préparer leur sortie», précise Marianne Vollan.

Les familles de détenus s’y opposent

Soumis au vote du Parlement début juin, l’accord présenté par le gouvernement composé des conservateurs et des populistes n’a reçu le soutien que des députés chrétiens-démocrates. La gauche dénonce une solution de courte durée, qui va coûter cher aux contribuables, tandis que vingt-cinq des vingt-sept organismes consultés ont exprimé leur désapprobation – y compris les services de renseignements norvégiens (PST), inquiets des risques de radicalisation dans la prison de Norgerhaven, qui échappera à leur contrôle.

L’Association des familles de détenus dénonce une mesure qui va à l’encontre du principe de proximité, selon lequel les condamnés doivent purger leur peine de prison aussi près de chez eux que possible : «C’est très important pour réussir la réhabilitation et maintenir le contact avec la famille», explique Hanne Hamsund, la présidente de l’association, qui a fait le calcul : les familles devront débourser en moyenne 550 euros par personne pour se rendre à Norgerhaven.

Peu de candidats

Frode Sulland, président de l’ordre des avocats pénalistes, s’insurge pour sa part contre «l’exportation» des détenus. Plusieurs de ses clients sont concernés : «Ils sont très en colère», assure-t-il. Les avocats pénalistes se sont d’ailleurs mis en grève, ce lundi, pour la première fois de leur histoire, pour protester contre la politique du gouvernement. Le problème le plus pressant, dit-il, concerne l’aide juridique : «Dès qu’ils quitteront le sol norvégien, les détenus ne pourront plus y avoir accès pour contester leur transfert.»

Les candidats au départ sont d’ailleurs peu nombreux, même si l’Administration pénitentiaire leur a promis une journée de permission supplémentaire à leur retour, pour chaque mois passé aux Pays-Bas. Dans les prisons, l’ambiance est tendue, affirme Knut Are Svenkerud, président du Syndicat des surveillants pénitentiaires : «Nous avons eu deux tentatives de suicide et plusieurs agressions contre des gardiens, car les détenus savent que s’ils présentent des risques, ils ne seront pas transférés.»
www.liberation.fr

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