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vendredi 23 octobre 2015

La «pénitentiaire» demande des comptes à Taubira

Les surveillants de prison ont défilé jeudi à Paris en dénonçant le manque de moyens et les agressions qui se multiplient.
Manifestation des surveillants pénitentiaires, jeudi, à Paris.
 
«Taubira, on ne veut pas l'entendre, on veut qu'elle nous écoute». Philippe Campana, le secrétaire national de Force ouvrière pénitentiaire, résume l'esprit de la manifestation des gardiens de prison venus jeudi de toute la France pour crier leur désarroi.

À l'issue d'une rencontre avec leurs représentants, Christiane Taubira a annoncé la création de sept groupes de travail sur les rémunérations et les conditions de travail. Les syndicalistes seront reçus par le chef de l'État le 29 octobre.

Plusieurs centaines de surveillants (1500 de source syndicale) - ceux qui étaient en repos - ont défilé jusqu'à la place Vendôme. «Nous sommes délaissés et si rarement suivis par notre hiérarchie», déplore Lucile (CGT), surveillante au quartier femmes de Fleury-Mérogis, la plus grande maison d'arrêt d'Europe.

De nombreux manifestants sont là en famille, comme Myriam et Yohann, et leurs deux enfants. Cet ancien militaire à la silhouette élancée, en poste au centre pénitentiaire de Varennes-le-Grand, fait 80 kilomètres deux fois par jour, pour se rendre à son travail. «C'est difficile, mais au moins les détenus ne connaissent pas ma famille», sourit-il, tandis que sa femme déplore «les pressions morales et physiques qui rejaillissent sur la vie familiale». Tous dénoncent les conditions de travail devenues insupportables faute d'effectifs. «Il y a eu 14 suicides l'année dernière. Nous sommes au-delà de la moyenne nationale. Il y a urgence», s'insurge Jean-François Forget, secrétaire national de l'Ufap-Unsa, le principal syndicat de surveillants.

Insécurité croissante

Il manquerait 3000 surveillants. La direction de l'administration pénitentiaire peine à recruter tant le métier est peu attractif. Les sortants d'école touchent 1 300 euros, quand un jeune policier va commencer à 1 800 euros. Il n'est pas rare qu'en région parisienne, des surveillants dorment dans leur voiture faute de pouvoir s'offrir un logement modeste.

Selon les syndicats, les surveillants effectueraient en moyenne la bagatelle de 70 heures supplémentaires par semaine! Une enveloppe globale supplémentaire de 60 millions d'euros pour l'État. Un poids si lourd que la direction de l'administration pénitentiaire a demandé aux directeurs de les réduire. Avec, pour conséquence, moins de gardiens sur les coursives, des détenus exaspérés et une insécurité croissante qui se traduit par des agressions de plus en plus violentes.
«Taubira, tu as fait de nous un room service»
Message sur une pancarte
À la maison centrale d'Arles, qui accueille 130 détenus aux profils lourds (terrorisme, grand banditisme, peines de prison à perpétuité), «on travaille en mode dégradé, rappelle Éric, premier surveillant (CGT), soit un gardien pour deux ailes de 45 détenus.

En décembre dernier l'un d'entre eux a agressé lourdement un surveillant et il y a un mois il a pris en otage le directeur. Malgré ses antécédents, on ne l'a jamais mis à l'isolement. Le protocole aurait exigé quatre gardiens à chacune de ses sorties de cellule. En détention ordinaire, un seul est nécessaire».

À la prison de Perpignan (la plus surpeuplée de la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon, NDLR) «nous avons eu deux tentatives d'égorgement en moins d'un an, une surveillante a été griffée et mordue, une autre a perdu un bout de cuir chevelu», note Johann Reig et Camara Sory, surveillant et premier surveillant. Si les deux premiers agresseurs ont pris neuf mois fermes, ces représentants de l'Ufap-Unsa dénoncent «des commissions disciplinaires aux sanctions insuffisantes».

Avenue Victoria, deux manifestants brandissaient jeudi une pancarte: «Taubira, tu as fait de nous un room service.» Tous dénoncent une complaisance vis-à-vis de la population carcérale qui s'aggrave depuis la loi pénitentiaire de 2009 ayant banni les fouilles systématiques: «A chaque permission de sortie, les détenus reviennent les poches pleines de drogue et de téléphones.

Les mêmes redemanderont et obtiendront une nouvelle permission quinze jours plus tard», dénoncent Thibaut Capelle et Alouache Sofiane, représentant, de FO Pénitentiaire à Fleury-Mérogis, qui a subi dernièrement plusieurs évasions lors de formations pour détenus à l'extérieur.
www.lefigaro.fr

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