Pages

vendredi 23 octobre 2015

Taubira "entend" la colère du personnel pénitentiaire qui ne veut "rien lâcher"

Conditions de travail, insécurité, indemnités trop peu élevées: après les policiers et les avocats, les personnels de l'administration pénitentiaire ont à leur tour exprimé leur ras-le-bol jeudi sous les fenêtres du ministère de la Justice, où ils ont été reçus en fin d'après-midi.
Manifestation le 22 octobre 2015 à Paris des personnels de l'administration pénitentiaire (c) Afp
 
A l'appel de quatre syndicats nationaux (UFAP, SNPFO-PS, SNJFO-PA et CGT Pénitentiaire), près de 2.000 personnes selon la police, 3.000 selon les organisateurs, venues de toute la France, ont défilé de la place du Châtelet jusqu'à la Chancellerie.
Là, place Vendôme, les manifestants ont scandé "Taubira, démission", avant d'entonner La Marseillaise.

Vers 17H30, sept représentants de l'intersyndicale ont été reçus pendant près d'une heure par la garde des Sceaux. Elle leur a déclaré qu'elle "entendait" leurs revendications, mais "n'a pas répondu à nos exigences", selon Jean-François Forget, secrétaire général de l'UFAP-UNSa Justice.

"Ce qu'il ressort de cette rencontre, c'est que nous allons être reçus vendredi 29 à l'Elysée. En attendant, on ne lâche rien et on maintient la pression", a poursuivi le syndicaliste. Et "si nous n'obtenons pas d'avancées concrètes, nous appellerons à bloquer des établissements, puisque ce pays ne comprend que ça".

Les surveillants pénitentiaires, ainsi que les personnels techniques et administratifs, dénoncent un manque de moyens humains et matériels et une dégradation de leurs conditions de travail.
"Ce que nous demandons en priorité, ce sont des emplois supplémentaires", a expliqué Christopher Dorangeville, secrétaire national de la CGT Pénitentiaire.

"Fier d'être mal payé"

Si, début octobre, le ministère de la Justice a lancé un vaste plan de recrutement pour embaucher en 2016 quelque 1.500 surveillants et 200 conseillers d'insertion et de probation, les syndicats ne s'en satisfont pas. Certains avaient même détourné l'affiche de cette campagne, intitulée "Fier de servir la justice", en reprenant la même photo, mais avec le slogan "Fier d'être mal payé, fier d'être discrédité".
"Ce plan de recrutement vise à couvrir les besoins des nouveaux établissements, mais il manque déjà presque 1.300 personnes sur ceux qui existent déjà", selon Jean-François Forget. "Sans compter que nous avons 25% de démissions dans les 30 mois qui suivent le recrutement et que les départs à la retraite ne sont pas remplacés", dit-il.

De même pour le budget alloué à l'administration pénitentiaire, "insuffisant" selon les syndicats. "Le gouvernement se targue de l'augmenter de 1% en 2016, mais pour nous cela équivaut à une stagnation", explique Christopher Dorangeville.

Les manifestants réclamaient aussi une revalorisation de leurs indemnités ainsi qu'une "négociation sur les questions de sécurité et d'hygiène", en raison d'un nombre croissant d'agressions. Selon les syndicats, sur les 12 derniers mois, les personnels ont fait face à 4.500 agressions, 18 prises d'otages et 14 suicides.

"Je suis entré dans la pénitentiaire il y a 25 ans, et j'ai vu les choses se dégrader d'année en année", témoigne Jacques Juste, un délégué FO du centre pénitentiaire de Riom (Puy-de-Dôme).

"On essaye seulement d'alerter sur ce qui se passe dans les prisons, mais on nous regarde la plupart du temps avec condescendance" regrette-t-il, soulignant que tous étaient là ce jeudi sur un jour de repos ou de congé, leur statut interdisant le droit de grève au personnel pénitentiaire.

Concernant le taux de suicide, il est "supérieur à la moyenne de la population", déplore Christopher Dorangeville, qui s'appuie sur une étude publiée par l'Institut de veille sanitaire en juillet, faisant apparaître "un excès de suicides statistiquement significatif chez les hommes (+21 %)".

Cette manifestation intervenait dans une période compliquée pour Christiane Taubira, déjà aux prises avec les avocats, en grève contre un projet de réforme de l'aide juridictionnelle, et les policiers ulcérés contre les "dysfonctionnements" de la justice.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire