Quelques aumôniers officient dans les prisons de la région. Des prisons qui cherchent à identifier les prosélytes et les détenus radicalisés.
Deux aumôniers musulmans dans l’Oise, un autre dans la Somme. Chaque semaine, ces bénévoles prêchent la bonne parole. Avec un objectif : donner les clés de compréhension de l’islam à des (néo)convertis, dont le niveau scolaire les rend vulnérables à tous les discours.
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« Je leur dis que l’islam est une religion de paix et d’amour, leur dis ce qu’est le djihad quand on me le demande », explique Zerzour Okbi, aumônier depuis huit ans à la prison d’Amiens.Vendredi prochain, huit jours après les attentats de Paris et comme en janvier dernier après la tuerie de Charlie Hebdo, « ce ne sera pas une journée comme une autre », mais le message essentiel restera le même : « Je leur dirai que les terroristes n’ont rien à voir avec l’islam ».
Zerzour Okbi « reçoit surtout des débutants », et compte bien les empêcher de tomber dans le fondamentalisme. Car si « des cas de radicalisation, je n’en ai jamais vu », explique le prêtre Georges de Broglie, qui intervient à Liancourt, « le phénomène existe » au sein de la prison isarienne affirme Jérémy Jeanniot, délégué syndical FO au sein du centre pénitentiaire.
La prison fonctionne
par groupes
On ne parle pas là d’un phénomène de masse. « Mais certains détenus ont déjà été identifiés et alors envoyés dans d’autres établissements, ou simplement changés d’étage, poursuit-il. J’ai vu des détenus étendre des tapis de prière dans la cour de promenade. Ceux-là étaient transférés la semaine suivante. Mais je n’ai jamais été approché. La prison fonctionne par groupes, les musulmans restent entre eux, moi j’étais avec les gens du voyage », explique un ancien détenu, incarcéré entre 2011 et 2014 dans les murs de la prison isarienne. Les détenus en voie de radicalisation sont « discrets. Car ils se savent surveillés », poursuit Jérémy Jeanniot. « Et ce ne sont pas ceux qui se rendent aux entretiens avec les aumôniers ». Parfois, la frontière est mince avec le simple prosélytisme.« Identifier les radicalisés, c’est un très gros travail de surveillance, des fréquentations, des conversations. Avec des effectifs qui ne bougent pas », regrette Jérémy Jeanniot. 189 surveillants à Liancourt, pour 620 détenus. La prison isarienne met actuellement en place une cellule chargée de croiser les fiches de renseignements établies au sein du centre pénitentiaire, pour mieux identifier les détenus en voie de radicalisation et les transférer dans l’un des 26 établissements identifiés en France comme ayant vocation à accueillir des détenus radicalisés. C’est le plan de lutte contre la radicalisation en prison lancé en février. Dans la grande région, la prison de Lille-Annoeullin a ouvert un quartier dédié aux détenus concernés par le terrorisme islamiste.
La direction interrégionale des services pénitentiaires de Lille n’a pas répondu à nos sollicitations.
Des associations comme remparts à Beauvais
Dans le quartier Saint-Jean, à Beauvais, hors de question de laisser la radicalisation s’emparer des jeunes. Par des actions de terrain, les associations veulent ouvrir l’islam à la vie du quartier, en organisant des ruptures de jeûne géante, ou encore en évoquant des sujets tabous, comme le sexe, pour casser les préjugés. « On entend des choses mais Beauvais est épargné par les idéologies radicales », évoque Jamal Ouharou, très impliqué dans son quartier et qui a contribué à la création d’Un ciel pour tous, association prônant le dialogue interreligieux. Ce dernier est parfois questionné sur des vidéos de récupération, circulant sur internet ou les réseaux sociaux. « Google nous fait beaucoup de mal. On essaie d’apporter les meilleures réponses. Rien ne doit justifier la violence », ajoute cet acteur associatif. Mais nul ne peut être derrière l’ordinateur de chaque jeune. La méthode de Jamal Ouharou : « Parler beaucoup, repérer les bons exemples et les transmettre, montrer qu’on est là même si les difficultés sociales sont présentes, avoir des créneaux foot, aller à la rencontre des jeunes, même dans les cages. »
Comme celle de Jamal Ouharou, beaucoup d’autres associations, menées par des habitants actifs du quartier, veillent au vivre-ensemble depuis près de dix ans et le phénomène des violences urbaines. « L’imam de Beauvais, également enseignant chercheur à l’institut LaSalle, veut aussi donner l’exemple. Il est à la disposition de tous ceux qui ont besoin de lui, laisse volontiers son numéro de portable, ajoute le vice-président d’Un ciel pour tous. J’espère vraiment que personne viendra entacher ce tableau ».
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