Lundi 25 janvier 2016, trois unités dédiées à la prise en charge de détenus radicalisés ont ouvert leurs portes en France. Le point dans la prison du Havre (Seine-Maritime).
Depuis les vagues d’attentats qui ont endeuillé la France, en 2015, le gouvernement entend lutter contre la radicalisation dans les prisons, notamment en créant des unités dédiées à la prise en charge des prisonniers de retour d’Irak ou de Syrie. Trois de ces unités spécialisées ont ouvert leurs portes, lundi 25 janvier 2016.
À la prison du Havre (Seine-Maritime), l’inquiétude est bien réelle, mais la parole s’exprime peu. « La radicalisation dans les prisons, c’est un sujet sensible. Mais vrai », concède à Normandie-actu, Eléonore Shreiner, déléguée UFAP-UNSA Justice. Une déléguée en attente de réponses fortes du gouvernement en matière d’emploi et d’encadrement.
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“Le Havre serait le troisième établissement pénitentiaire, de la Direction interrégionale de Lille, qui aurait été ciblé pour accueillir des détenus radicalisés », informe la syndicaliste.”
Un ancien détenu raconte
L’accueil de figures fortes du djihadisme, au Havre ? Dans un entretien au Nouvel Observateur, publié le 10 janvier 2016, un ancien détenu condamné à six ans de prison ferme, incarcéré en 2011, au Havre, raconte avoir été approché
“J’enchaînais 1000 tractions par jour, je faisais plein de musculation. Ils cherchent des gens déterminés (…) On s’est entraînés ensemble. Puis ils ont commencé à me parler de leur truc, d’Islam, de djihad. Moi je leur ai vite dit que ce n’était pas mon truc. »
Pendant six ans, il ne s’est pas converti à l’Islam même s’il avoue y avoir fortement pensé. « La religion, ça structure. Mais j’avais déjà eu des soucis avec l’administration pénitentiaire. Je me suis dit que si j’étais fiché converti, voire islamiste, j’étais mal (…) J’en ai vu plein, cependant, des petits blonds se convertir en un mois. Ils avaient peur, ils voulaient se faire protéger. Les barbus les mettaient bien, leur permettaient de cantiner. »”
Au cours de ses années d’incarcération, l’ancien détenu se souvient avoir croisé le chemin de Smaïn Aït Ali Belkacem, l’un des responsables de la vague d’attentats commis en France en 1995 et notamment celui du RER B, à Saint-Michel, à Paris, prendre ses quartiers au Havre, après une tentative d’évasion ratée.
« Nous sommes démunis »
Les syndicats disent dénoncer une radicalisation croissante dans les établissements pénitentiaires, depuis une dizaine d’années.
“Mais nous sommes relativement démunis dans la prise en charge de cette population. Nous ne disposons d’aucun outil informatique qui nous relie au ministère de l’Intérieur pour nous prévenir, déjà, si un prévenu est fiché « S » ou pas. Nous ne pouvons pas les isoler, d’emblée, à leur arrivée. Et les agents n’ont accès à aucune formation pour la prise en charge des personnes radicalisées. On procède à tâtons. »
La tâche semble délicate. « Nous appelons à ne pas faire d’amalgames et nous invitons le personnel dès qu’il a un doute, à faire remonter l’information auprès de l’officier du renseignement pénitentiaire. » Un officier, qui, au Havre, n’est en poste qu’à mi-temps. « Avec les mesures gouvernementales, il sera à plein temps en mars 2016 », relève néanmoins Eléonore Shreiner. Les agents pénitentiaires qui dénoncent déjà depuis plusieurs mois, un sous-effectif chronique, regrette la faiblesse de la dotation
“Ce ne sera jamais assez suffisant pour régler le problème. Nos responsables syndicaux ne cessent d’interpeller nos autorités. Mais nous n’obtenons que de trop rares réponses », s’inquiète la déléguée syndicale.”
« Nous subissons le monde extérieur »
Le brouillage des téléphones portables constituerait-il un outil efficace pour empêcher le prosélytisme à l’intérieur des prisons ? Eléonore Shreiner, pour des raisons de confort, refuse d’aborder, en détail, le sujet.
« Certains de nos quartiers en seraient équipés mais nous n’avons aucun retour sur la pertinence de ce dispositif. Un constat est fait : qu’importent les moyens de sécurité mis en place, la prison subit le monde extérieur qui s’arrange toujours pour équiper nos détenus. » Édouard Philippe, le député-maire du Havre, dans une longue critique du gouvernement sur la gestion des détenus radicalisés, s’est déclaré en faveur de la généralisation de ce dispositif. La Garde des Sceaux, après plusieurs années d’expérimentation à la prison de Fresnes, jugerait cet outil, relativement ruineux, peu efficace et peut-être même dangereux pour la santé.
Normandie Actu
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