Immersion au sein de l'unité de "déradicalisation" de la prison d'Osny pour mieux comprendre les conditions de détention des détenus liées aux filières jihadistes.
On estime aujourd'hui à un millier le nombre de détenus au profil radical inquiétant. Certains reviennent de Syrie, d'autres ont été des recruteurs ou de simples logisticiens.
Au total, 240 personnes sont incarcérées pour des faits liés aux filières jihadistes, et le chiffre ne fait qu'enfler. Que faire de ces détenus ? Comment éviter qu'ils fassent du prosélytisme en prison ? Comment éviter surtout que l'un d'eux prépare un nouvel attentat, à sa sortie ?
L'administration pénitentiaire française y réfléchit depuis plus d'un an et ouvert trois quartiers à ces détenus. Dans l'un d'entre eux, à la prison d'Osny (Val d'Oise), l'unité se cache dans l'un des trois bâtiments en étoile. Des murs un peu défraîchis, couleurs pastels, des cellules avec un seul lit en fer... Dans la cour, la douche, la salle de sport, tout a été pensé pour que ces détenus un peu spéciaux restent entre eux et ne croisent pas les autres.
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Tout le monde a pleuré quand Latifa Ibn Zlaten a parlé
De la musique s'échappe d'une cellule. 5 détenus sont déjà arrivés. Nous n'avons pas le droit de les rencontrer, ils seront bientôt une vingtaine. Personne n'est ici par choix. tout le programme est obligatoire : des cours d'abord avec l'Education nationale, de la géopolitique, des groupes de paroles, des ateliers d'écriture, mais aussi des rencontres, pour les bousculer dans leurs certitudes, avec des repentis du jihad ou des victimes du terrorisme.
Tout le monde se souvient ici par exemple du jour où Latifa Ibn Zlaten a franchi la porte de la prison. C'était il y a quelques mois, pendant la phase expérimentale du projet. Mohamed Merah a tué son fils. Et rien qu'avec ses mots, elle a laissé tous les détenus en pleurs.
"Ce qu'on fait avant tout, c'est leur permettre de s'expliquer, de réfléchir"
Renaud Saveyras, directeur de la prison
Le directeur de la prison Renaud Seveyras nous emmène dans la salle de culte. Les détenus de l'unité auront un créneau spécial pour aller prier. "Il faut bien comprendre que notre objectif n'est pas d'agir sur une fois, mais sur une déviance violente, eu égard à la violence des attaques dont a été victime la France et eu égard à la présence en détention de personnes qui partagent ces théories violentes, on se devait d'agir. Ce qu'on fait avant tout, c'est leur permettre de s'expliquer, de réfléchir." Le programme va durer 6 mois. Puis les détenus laisseront leur place à d'autres.
Comment sont-ils choisis ?
Avant la phase "prise en charge", il y aura une phase "évaluation". dans la prison de Fresnes ou de Fleury-Mérogis. À terme, tous les détenus ciblés comme radicaux et potentiellement dangereux vont devoir y passer plusieurs semaines. Le temps qu'on les cerne un peu mieux.
Et c'est sans doute l'étape la plus périlleuse de ce programme. Car les partisans du jihad peuvent pratiquer ce qu'on appelle "la taqiya", la dissimulation, explique l'une des psychologues. "Dire ce qu'il faut dire pour sortir en quelque sorte, explique-t-elle. Ceux qui sont encore imprégnés par les arguments de Daesh ont appris à dissimuler, à mentir, à utiliser la ruse et on est vigilants par rapport à ça."
Des psychologues, des surveillants pénitentiaires et des éducateurs vont donc croiser leurs regards sur tel ou tel détenu. Ensuite, en fonction des résultats, les détenus seront envoyés, soit dans une prison classique, soit dans une unité de déradicalisation.
Des résultats encore inconnus
Ce programme est un pari. Et c'est pour ça que ceux qui l'ont imaginé n'aiment pas le mot de déradicalisation. Pour une éducatrice, "le processus va prendre du temps, cela ne va pas marcher d'un coup de baguette magique, on n'est pas des magiciens."
Mais Géraldine Blin, directrice du service d'insertion et de probation du Val d'Oise, y croit. "Nécessairement on parle d'expérimentation, car on n'est pas le seul pays à ne pas avoir trouvé la recette miracle, explique-t-elle. L'intérêt c'est qu'on les aura sous la main. Alors que lorsqu'il sont disséminés en détention c'est beaucoup plus difficile d'avoir cette observation."
Pour le moment, rien n'existe encore pour lutter contre la radicalisation dans les prisons pour mineurs ou les prisons pour femmes. Mais l'administration pénitentiaire réfléchit déjà à créer dans les mois à venir des programmes sur mesure.
RTL
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