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mercredi 3 février 2016

La prison de Guéret pas haut de gamme mais « familiale »

Épinglée par l’observatoire international des prisons (OIP), la maison d’arrêt de Guéret est-elle vétuste ? Si les conditions d’hébergement ne sont pas optimums, de nettes améliorations sont intervenues ces dernières années.


Pour compenser l'exiguïté des cellules, la direction de l'établissement a largement développé le "travail pénal"

«On ne va pas demander à Valérie Damidot d’abattre un mur pour gagner de la place », soupire une surveillante.


L’emblématique animatrice des émissions de décoration ne serait probablement pas emballée par les nouvelles couleurs intérieures de la prison de Guéret : l’association vert émeraude pour les coursives et bleu ciel pour les huisseries n’est pas vraiment tendance. Cela dit, c’est gai. Et c’est surtout fait maison (d’arrêt). »

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Le peintre partage un dortoir avec trois autres détenus qui participent aux tâches d’entretien et bénéficient en retour de quelques privilèges. « On a mis six mois à repeindre toutes les cellules et les couloirs avec un autre détenu qui était du métier », explique le coloriste aux épais biceps généreusement tatoués. C’est lui aussi qui fait la popote pour toute la « taule ».

Un chantier de rénovation dans une prison, c’est un peu plus compliqué qu’à la maison : « Il faut bloquer des quartiers entiers, déplacer des détenus, c’est très long », explique Patrick Vervly, qui dirige la maison d’arrêt de Guéret depuis quatre ans.

Et d’énumérer les dernières réalisations : « Le gros morceau, ça a été l’électricité, qui a été refaite partout. Nous avons aussi changé toutes les fenêtres, en double vitrage ». La peinture est juste sèche. Patrick Vervly confirme le million de travaux consenti par l’administration pénitentiaire à Guéret et il trouve particulièrement légère et non étayée la dénonciation de la « vétusté » de son établissement relayée par l’Observatoire international des prisons (OIP).

Deux lits superposés dans
moins de huit mètres carrés

Quand on entre dans la maison d’arrêt de Guéret, qui figure parmi les plus petites de France, on est surtout frappé par l’exiguïté. Tout est étroit, confiné, étouffant. Les portes des cellules, malgré le bleu ciel, sont d’un modèle déposé depuis le Moyen-Âge. Le bâtiment a été construit sous Louis-Philippe.

La surpopulation, avec 42 détenus pour 29 « places » est à l’image des maisons d’arrêt françaises. Les cellules de Guéret accueillent deux lits (superposés) dans un peu moins de huit mètres carrés. Ce qui est très loin d‘une norme qui définit l’« espace vital » souhaitable à 9 ou 10 mètres carrés par détenu. Ces camping-cars immobiles ont leur WC, leur lavabo, leur télé, leur frigo et leur plaque chauffante. Pour la direction, « ce sont les détenus eux-mêmes qui demandent à ne pas être seuls en cellule ».

« Si on passait 21 heures par jour là-dedans, on deviendrait fous », lâche un jeune détenu rencontré à l’atelier pince à linges. Sous l’autorité d’un « contremaître » débonnaire arborant une coiffure rasta, le « travail pénal » semble se dérouler dans une atmosphère détendue, baignée de musique et de bavardages.

« C’est pas le Club Med’
mais ici, c’est assez familial »

L’assemblage manuel des pinces-à-linge, c’est le « business » de la maison d’arrêt de Guéret : un travail pas forcément folichon et faiblement rémunérateur (entre 70 et 200 euros par mois, les détenus sont payés à la pièce) ; mais les pinces à linge, qui occupent 90 % des détenus cinq jours par semaine, sont la soupape de décompression de l’établissement : « On est ensemble, ça nous permet de nous évader », lâche, sans rire, un monteur de pinces.

Les travailleurs peuvent prendre des douches chaque jour et si les bagarres ne sont pas inconnues, une jeune surveillante affirme qu’« il n’y a pas de climat de violence à Guéret ».

Le confinement, au lieu de faire monter la pression, serait bénéfique aux rapports humains, notamment entre détenus et surveillants.

La jeune fonctionnaire, qui a connu plusieurs autres établissements, insiste sur la qualité de l’environnement de travail : « Contrairement aux grands établissements, ou tout est très impersonnel, on connaît tous les détenus, leur caractère, leurs habitudes. Ce n’est pas le Club Med’et on garde les distances, mais ici, c’est assez… familial »

Un constat de vétusté un peu hâtif dressé par l' OIP 

Un communiqué de l’Observatoire international des prison (OIP Sud-Ouest) daté du 13 janvier a mis en doute la qualité de la rénovation de la maison de Guéret. L’OIP s’est appuyé sur une pétition « signée par la moitié des détenus » et sur un « tract du syndicat pénitentiaire des surveillants », pour dresser un constat global de « vétusté » de l’établissement. La mise en avant des travaux réalisés ces dernières années et notamment le « million d’investissements », que La Montagne avait relayée en octobre, est réduite dans ce communiqué à une « opération de com’».

Les surveillants dénoncent une manipulation
 
Cette analyse a été notamment relayée par le quotidien Libération. Les pétitionnaires, qui se disent « à bout de nerf », dénoncent un ripolinage de façade et évaluent à quatre (sur vingt-neuf), le nombre de cellules effectivement refaites. « Je vous ouvre celle que vous voulez et vous constaterez par vous même », nous a lancé le directeur. 

Le communiqué fait également état d’un rapport corroborant les constatations des détenus pétitionnaires établi en juillet 2014 par le contrôleur général des lieux de privation de liberté : « ce rapport n’a été publié qu’un an après son passage. Le plus gros des travaux a été réalisé entre temps », rétorque Patrick Vervly. A l’intérieur de l’établissement, des membres du personnel, ainsi qu’un détenu, nous ont affirmé que la pétition était « à l’initiative d’un nouvel arrivant très revendicatif. Il a entraîné les autres et a forcé le trait car il souhaitait être transféré. Il est arrivé à ses fins ».

Des rats dans la cour,
mais pas une invasion 

Jérôme Pausé, représentant syndical à Guéret, parle de « mensonges » de l’OIP : « Aucun surveillant n’a dénoncé la vetusté des locaux. Notre tract portait sur des points très précis en vue d’améliorer la sécurité. Cela n’a rien à voir. » La pétition pointait également des « WC qui fuient » : les installations sanitaires dans les cellules ne sont effectivement pas récentes : « un surveillant assure une maintenance pour la plomberie », explique Jérôme Pausé.

Ce que nul ne nie, à Guéret, ce sont les rats de la cour de promenade. Sans qu’il s’agisse d’un grouillement, comme l’explique Patrick Vervly : « Nous avons fait face a un problème d’évacuations des eaux usées. Qui est résolu. Nous avons fait réaliser un sondage du sous-sol. Le sol de la cour s’affaisse par endroit. On nous a signalé l’apparition de rats… »

Le prochain chantier est donc la réfection de la dalle et l’installation de panneaux de baskets, tandis que des fresques sont réalisés actuellement par les détenus sur les murs de la cour. Dans un coin de la cour, l’urinoir est hors d’usage. Il doit être, lui aussi réparé prochainement.

Le point de vue d'un avocat :
Guillaume Viennois, du barreau de Guéret

Maître Viennois a accepté de donner sa perception de la maison d’arrêt de Guéret avec l’assentiment du bâtonnier Rousseau : « C’est un vieil établissement, c’est clair. Pour mes pour confrères comme pour moi, mais aussi pour les détenus et leurs familles, la maison d’arrêt de Guéret a le mérite d’exister. Et cette proximité est peut-être la contrepartie du manque de confort. Nous rencontrons nos clients dans des conditions tout à fait décentes. Sa situation en centre-ville, à deux pas du tribunal, est très pratique pour tout le monde. Pour les prévenus incarcérés et les condamnés à de courte peine...

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