On estime qu’entre les détenus en lien avec les filières djihadistes (240) et les détenus de droit commun, un millier de personnes ont un profil radical dans les prisons françaises.
L'administration pénitentiaire vient d'ouvrir trois "Unités dédiées" de lutte contre la radicalisation, deux autres ouvriront en mars.
Une promesse faite par Manuel Valls, il y a un an, après les attentats de Charlie Hebdo. Et c'est une première : Corinne Audouin a pu visiter une de ces unités, à la maison d'arrêt d'Osny, dans le Val d'Oise.
Dans un des trois bâtiments en étoile de la maison d’arrêt, qui abrite 870 hommes, on entre dans l’Unité réservée aux détenus radicalisés, sur les pas du directeur de l’établissement, Renaud Seveyras.
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C'est une unité classique de détention, avec une coursive, et des cellules de part et d'autre. Ils sont en cellules individuelles, mais ce n'est pas un régime d'isolement. L'idée, c'est de regrouper des détenus fortement radicalisés pour qu'il y ait une étanchéité, afin d'éviter le prosélytisme envers les autres détenus... Et en même temps, de tout faire pour favoriser ici un travail de prise en charge, d'observation de la part des surveillants, avec un contenu pédagogique, en lien avec l'éducation nationale, explique le directeur Renaud Seveyras
Nous n’avons pas le droit de rencontrer les 5 détenus qui sont arrivés pour l'instant. Seul signe de vie, la musique arabe qui filtre à travers une porte. A terme, ils seront une vingtaine ici, avec un programme serré de cours, de rencontres, de groupes de parole… Il n'est pas question de "déradicalisation", mais d’engagement citoyen, explique Renaud Seveyras.
Notre objectif n'est pas d'agir sur une foi, mais sur une déviance violente. Est-ce que ça marche? On ne peut pas ne rien faire. Eu égard à la violence des attaques dont a été victime la France, eu égard à la présence en détention de personnes qui partagent ces théories violentes... On se devait d'agir. On est sur de l'humain, et il faudra du temps, notamment pour évaluer et réajuster si besoin nos programmes, pour Renaud Seveyras
Les détenus passeront 6 mois dans cette unité, avant de laisser la place à d’autres.
Comment sont choisi les détenus hébergés dans ces unités de prise en charge?
Avant d’arriver, éventuellement, à Osny (ou dans une des deux autres Unités de prise en charge), les détenus incarcérés pour des faits en lien avec les filières djihadistes passeront 2 à 8 semaines dans une Unité d’évaluation, comme celle de Fresnes. La psychologue Carine Lemarchand a été recrutée pour évaluer ces détenus.
Ce qui est frappant sur le terrain, c'est la diversité des parcours. Il n'y a pas de profil type, ça va du jeune en quête d'identité qui se radicalise pour combler un vide existentiel, jusqu'à la personne insérée et stable, sensible aux massacres en Syrie, et qui veut se rendre utile, explique Carine Lemarchand
L'évaluation pluri-disciplinaire permet notamment de mesurer le degré de sincérité des détenus.
Il est facile pour un détenu de garder une attitude travaillée et manipulatoire pendant une heure d'entretien... C'est plus difficile dans le quotidien de la détention, et les surveillants peuvent nous donner ces éléments-là. Nous psychologues, on a aussi des outils d'analyse du discours et du non-verbal pour nous aiguiller, selon la psychologue
A Fresnes, la psychologue travaille en binôme avec un éducateur spécialisé. Hamadi Camara a 10 ans de travail de prévention de rue derrière lui.
Pour la plupart, c'est des jeunes qui ont basculé dans le terrorisme parce qu'ils ont trouvé que ça à faire. Comme il y a 10 ans, ceux qui regardaient Scarface, et qui rêvaient d'être Tony Montana... Le jeune, il se dit 'je suis quelqu'un, j'ai ma place dans ce groupe, je vais avoir une arme, on va me prendre en photo, s'intéresser à moi'... Moi, j'arrive à travailler avec eux : je suis noir, avec un nom africain, et j'ai réussi à trouver un travail, ma place dans la société... Alors pourquoi pas eux? Ces jeunes-là, on n'a pas pris le temps de les écouter, selon Hamadi Camara...
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