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jeudi 17 mars 2016

Vendin-le-Vieil: la prison haute sécurité est-elle vraiment à l’abri des failles?

Sur réquisitions du parquet, des opérations de contrôle ont été menées dernièrement sur les familles des détenus avant les parloirs. Plusieurs fois, du cannabis a été retrouvé.

La prison de Vendin-le-Vieil dispose d’un scanner pour fouiller les détenus mais il n’est pas obligatoire.  phOTO séverine courbeVDNPQR

L’occasion de s’interroger sur la sécurité de cette prison qui accueille des détenus condamnés à de lourdes peines. Prison considérée comme l’une des deux plus sécurisées en France, avec Condé-sur-Sarthe.

Elle avait caché seize grammes de résine de cannabis dans son soutien-gorge. Cette visiteuse de prison de 25ans n’a pas pu arriver jusqu’au parloir de la prison haute sécurité de Vendin-le-Vieil. Le chien de détection mobilisé n’est pas passé à côté lors de l’opération de contrôle mise en place par le parquet au début du mois de février.

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Mais ce genre d’actions policières n’a pas lieu tous les week-ends. Cela voudrait-il dire que des produits illicites peuvent atterrir si facilement dans les mains de détenus considérés comme dangereux ? « Le problème c’est que le cannabis ne sonne pas quand les familles passent sous les portiques de sécurité », s’inquiète Nicolas Bihan, délégué interrégional du syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS). « Seuls les objets métalliques sont signalés. Un couteau en céramique pourrait passer… Certains téléphones portables aussi. Mais nous ne pouvons pas fouiller les familles. »

Le contrôle doit donc se situer plutôt du côté des détenus lorsqu’ils retournent en cellule mais, là encore, les syndicats dénoncent des failles. « Un scanner est installé car c’est une prison ultra-sécurisée et avec ça, rien ne passe. Seulement, le prisonnier peut le refuser. » Dans ces cas-là, une fouille au corps peut être réalisée mais elles sont aléatoires (lire ci-dessous l’article de loi). « Et si c’est bien caché, on ne peut rien trouver. Bizarrement, les détenus qui dénonçaient les fouilles au corps sont aujourd’hui les premiers à les réclamer pour éviter le scanner. »

Nicolas Bihan, lui, souhaiterait que les fouilles avec brigades cynophiles avant les parloirs soient multipliées : « Au moins ça serait dissuasif… »

Pour la direction, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, on imagine bien que face à des familles entières et donc des enfants, ce dispositif peut parfois être difficile à porter, surtout s’il est récurrent.

« Idéalement, il faudrait un scanner à chaque entrée », scande le syndicaliste. « Mais on nous répond qu’il n’y a pas de budget… » Face au garde des Sceaux en début de semaine, le SPS a de nouveau réclamé des moyens humains supplémentaires pour faire face. « Nous sommes complètement oubliés car nous ne rapportons rien. On parle d’état d’urgence partout mais pas dans les prisons, c’est quand même bizarre, non ? »

Un space cake en unité de vie familiale ?

L’unité de vie familiale est en fait un appartement de type T2 ou T3 permettant au détenu de se retrouver avec sa famille pendant six à soixante-douze heures.

Il y a quelques semaines, une visiteuse, amie d’enfance d’un détenu qui venait le voir pour la première fois en prison, a appelé le service de garde alors qu’elle se trouvait en Unité de vie familiale avec lui (lire ci-dessous). Après l’ingestion d’un gâteau préparé par le détenu, elle a fait un malaise et se sentait défaillir.

Une enquête a été ouverte pour déterminer l’origine du malaise : présence de cannabis ou de médicaments ? Ou cause inhérente à la personne ?

Le parquet attend le retour des analyses et l’enquête en cours se prolongera, le cas échéant, par l’interrogatoire du détenu, en fonction des résultats. Cependant, des sources proches de l’enquête indiquent qu’il y aurait bien eu de la drogue dans le gâteau.

Comment a-t-elle pu arriver là ? Le détenu est-il passé au travers des contrôles ?

Une chose est sûre, les visiteurs ne sont pas autorisés à apporter des produits alimentaires dans l’UVF. La personne détenue doit avoir préalablement acheté les produits nécessaires à la confection des repas grâce à une « cantine » spécifique.

Les règles habituelles de contrôle sont appliquées pour les visiteurs et les détenus avant et après la visite.

Au moment de la visite, les surveillants peuvent venir, de façon aléatoire, vérifier que tout se déroule bien et que le détenu est toujours présent. Le gardien doit prévenir de son arrivée grâce à l’interphone présent dans l’appartement pour préserver l’intimité des familles.

Une visiteuse témoigne : « C’est la première fois que je vois autant de contrôles »

Les opérations de police sont effectuées dans une pièce à l’écart, avant les parloirs.

« Nous n’avons pas de numéro d’écrou et pourtant, parfois, on l’oublie un petit peu… » Marion (*) visite son mari en prison depuis dix ans. Il a été transféré à Vendin-le-Vieil il y a environ un an et demi. Elle nous raconte comment se déroule une visite au parloir.

« Nous avons droit de nous y rendre une fois par semaine, le samedi ou le dimanche. Pour une deuxième visite hebdomadaire, le détenu doit faire une demande spécifique. »

À l’entrée de la prison, les familles sont accompagnées jusqu’à un abri où elles déposent leurs affaires personnelles : téléphones portables, sac, tabac, objets métalliques… « On nous donne des badges que l’on recharge avec de la monnaie avant de partir si on veut utiliser les distributeurs de friandises. »

Un gardien vient ensuite chercher les visiteurs : « On doit passer sous un portique comme dans les aéroports, enlever nos chaussures ou ceintures si ça sonne… » Enfin, tout le monde se retrouve dans une petite salle avant d’accéder aux détenus. « C’est dans cette pièce, invisible depuis le portique, que les opérations de contrôle de police sont mises en place. »

À l’inverse de ce que pensent les syndicats, ces opérations sont un peu trop régulières au goût de Marion. « Depuis dix ans, c’est la première fois que je vois autant de contrôles avec chiens détecteurs et on ne se sent pas forcément bien. »

La jeune femme s’étonne aussi des changements de règles depuis l’ouverture de la prison. « Avant on nous autorisait certaines choses comme les bijoux, les parfums…, en UVF et aujourd’hui non. Les mesures renforcées sont excessives même si on sait bien que nous ne sommes pas au Club Med. »
(*) Le prénom a été modifié

La sécurité du personnel soignant en question

Les deux chambres dédiées aux détenus sont continuellement surveillées.

À l’hôpital aussi, des questions de sécurité se posent quand il s’agit d’accueillir des détenus de Vendin-le-Vieil au centre hospitalier de Lens.
               
Effectivement, même s’il existe une infirmerie et un espace santé au sein de l’établissement pénitentiaire, des transferts à l’hôpital sont parfois obligatoires, selon l’importance des blessures des personnes détenues.

Au CHL, deux chambres leur sont normalement dédiées depuis l’ouverture de la prison centrale. Mais l’une a été hors d’usage quelque temps suite à des dégradations.

Si aucune place n’est disponible, les hommes sont normalement transférés à Arras ou Lille mais un détenu, lourdement condamné, s’est pourtant retrouvé parmi les autres patients aux urgences de Lens il y a quelques semaines. Le personnel soignant n’est pourtant pas formé pour gérer une situation qui dégénérerait.

Il en est de même pour les médecins et infirmiers qui transportent le détenu vers l’hôpital. S’il est accompagné de surveillants pénitentiaires et menotté dans l’ambulance, le détenu peut tenter de s’évader avec l’aide de complices. « Et en cas de guet-apens, nous ne sommes pas protégés. Nous ne sommes pas formés à l’évacuation d’un détenu considéré comme dangereux », s’inquiète le personnel soignant.

« On sait qu’il faut les soigner comme les autres personnes et c’est ce que nous faisons mais on ne peut pas faire abstraction, il y a forcément une appréhension et pour nous, aucun gilet pare-balles… »

La direction de l’hôpital, de son côté, n’a pas souhaité répondre à nos questions arguant que cela dépendait de l’administration pénitentiaire, elle aussi muette. « On continue de croiser les doigts pour qu’il n’arrive rien de grave… », espèrent alors les soignants.

La Voix du Nord

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