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mercredi 27 avril 2016

La France a-t-elle le droit de rétablir les fouilles à nu collectives en prison ?

Le gouvernement veut permettre aux directeurs de prison de fouiller les détenus de manière collective et aléatoire. Une mesure avancée pour lutter contre les trafics d'armes et les violences faites aux surveillants. Mais est-ce que tout ceci est bien conforme au droit européen ?

Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice.

Depuis une loi datant de 2009, les fouilles intégrales, collectives et aléatoires sont interdites dans les prisons françaises.

A l'époque, le député Jean-Jacques Urvoas plaidait même pour l'abolition totale des fouilles corporelles en prison. Mais ça, c'était avant. Car le 5 avril dernier, sur une proposition de celui qui est désormais ministre de la Justice, un amendement au projet de loi sur la lutte contre le terrorisme et le crime organisé a été voté au Sénat.

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 Et il pourrait bien tout remettre en question : il prévoit d'autoriser les "fouilles dans des lieux et pour une période de temps indéterminés, indépendamment de la personnalité des personnes détenues", s’"il existe des raisons sérieuses de soupçonner l’introduction au sein de l’établissement pénitentiaire d’objets ou de substances interdits ou constituant une menace pour la sécurité des personnes ou des biens."

En clair, il s'agit de permettre, dans certaines circonstances, des fouilles collectives et aléatoires, au nom de la lutte contre le trafic d'armes ou l'interdiction d'objets interdits en prison. Le ministre de la Justice a ainsi fait valoir sur France Info mardi matin que 1400 armes avaient été saisies et 4.000 surveillants agressés l'an dernier dans les prisons françaises.

Ce rétablissement de la généralisation des fouilles à nu ravirait bien sûr les matons. Joint par metronews, Christopher Dorangeville, de la CGT pénitentiaire, se réjouit d'un amendement qui "part dans le bon sens et apporte de la clarté à l'impératif de sécurité". Pour lui, il n'existe aucune alternative aussi efficace. Les portiques, par exemple, coûtent trop cher et sont trop long à l'utilisation (en moyenne trois minutes par détenu).

De nouvelles condamnations de la CEDH ?

Mais les défenseurs des droits de l'Homme, eux fulminent. Marie Crétenot, responsable du plaidoyer à l'Observatoire international des prisons (OIP), nous affirme ainsi que "la fouille systématique et non-individualisée à l'issue des parloirs", en plus de constituer un véritable "retour en arrière", "est une mesure illégale".

Lorsqu'elle pratiquait les fouilles intégrales généralisées, la France a en effet été condamnée à plusieurs par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH), au nom de l'article 3 de sa convention : "Nul ne peut être soumis à [des] traitements inhumains ou dégradants".

Pour autant, Jean-Jacques Urvoas a affirmé sur France Info que le nouvel amendement respecterait les prérogatives de la CEDH.


Marie Crétenot n'y croit pas. Selon elle, de nouvelles condamnations de la France sont à attendre dès que quelqu'un va saisir la CEDH, même si ces procédures au cas par risquent de prendre du temps avant d'aboutir. Selon Bernard Bolze, fondateur de l'OIP, tout ceci n'est qu'une affaire idéologique et sécuritaire : "En sur-peuplant les prisons, on a accepté de placer le personnel pénitentiaire dans des conditions de travail difficiles, ce qui amène aujourd'hui à justifier des décisions attentatoires aux détenus".

Pour l'heure, Jean-Jacques Urvoas insiste sur le fait que la mesure n'en est qu'au stade de la proposition, et que "ce n'est pas encore une décision". Le texte doit encore être examiné en commission mixte paritaire le 11 mai.

Metronews

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