Khalid Cheick Mohammed, l’un des cerveaux des attentats du 11 septembre, est jugé à partir de ce lundi à Guantanamo. France Info a pu entrer dans cette prison ultra sécurisée.
Guantanamo vit peut-être ses dernières heures. Barack Obama a prévu de fermer la prison avant la fin de son mandat, une promesse très difficile à tenir car le Congrès américain s’y oppose. France Info a pu entrer dans cette prison qui enferme les hommes soupçonnés de terrorisme.
A Guantanamo, tout est contrôlé, surveillé, observé, notamment les journalistes. Dix sont autorisés à venir par mois. Je suis entourée de journalistes américains, on nous amène en minibus d’un endroit à un autre. "Dès que vous sortez du bus, vous voyez ce que vous pouvez photographier ou non : pas les portes, pas les miradors, pas les gens, et pas les sas de sécurité", nous préviennent à plusieurs reprises les militaires qui nous escortent.
Mer et miradors
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Premier stop pour prendre des photos d'un des camps où il n'y aujourd'hui plus de prisonniers. Je sors mon micro pour raconter ce que je vois. "Une vue sur la mer, des oiseaux qui chantent, le soleil qui se lève… Juste à côté d’immenses grillages, de barbelés et de miradors. C’est assez surréaliste".
A la vue du micro, un militaire chargé de la communication vient me demander si tout allait bien. Une surveillance avec le sourire car les militaires américains sont entraînés pour cultiver un côté "sympathique" avec la presse. On est en retard sur le planning mais ils acceptent d'attendre pour qu'on enregistre par exemple l’hymne américain diffusé tous les matins à 8h à travers un gigantesque haut-parleur placé sur une colline.
Censure des journaux
Les militaires nous conduisent ensuite à la "librairie" de Guantanamo. C'est l’endroit où 35.000 livres, DVD, jeux vidéo sont stockés. Ils proviennent de dons via la Croix-Rouge et les avocats. Les journaux d’Arabie saoudite et du Yemen sont distribués. Ils ont d'abord été relus et censurés, "approuvés" préfère dire l’armée.
"On cherche des contenus avec des messages positifs, avec de la moral, des valeurs, ou des sujets qui stimulent, comme la science, l’histoire, la politique. Nous enlevons ce qui montre la violence, la nudité, la sexualité, tout ce qui a rapport à l’armée ou aux idéologies extrémistes", explique le responsable de la librairie de Guantanamo. Il y a des livres en plusieurs langues… notamment en français : Victor Hugo, Jean-Paul Sartre, Fred Vargas, des Bd de Tintin, des Fatwas sur les piliers de l’Islam.
Grève de la faim
Après la "stimulation mentale" comme disent les militaires de Guantanamo on nous emmène au centre médical de la prison. Toujours accompagnés de très près. Toujours un uniforme derrière nous dans une chaleur écrasante, entourés de moustiques.
On rentre dans une pièce avec une chaise et des sangles. A droite, trois petites boites de conserves. C'est ici que les prisonniers qui font une grève de la faim sont nourris. Par une perfusion dans le nez. 5% des prisonniers ont cessé de manger selon l'administration de Guantanamo. Le responsable de l’unité médicale, le capitaine Richard Quattrone détaille comment les prisonniers sont nourris "à l’heure qu’ils souhaitent, sur cette chaine inclinées pour être plus confortable".
Dans une cellule
"Allez, suivez-moi" dit la responsable du camp 6 où nous arrivons. On rentre dans un bâtiment où l’on marche le long un étroit couloir en L. Puis, des grilles. On entre alors dans une pièce en triangle. Au milieu, trois tables et tout autour, des portes de cellules peintes en bordeaux sur deux étages. Avant, elle était occupée par des détenus. Aujourd’hui elle est mise en scène pour les photos et les vidéos des journalistes qui viennent à Guantanamo. "Au camp 6, les détenus vivent la plupart du temps dans cet espace commun. Ils mangent ensemble et s’assoient à table comme une famille. Ils prient ensemble. Ils peuvent y venir 22h par jour", détaille la responsable du camp.
Rangés sur le lit d’une cellule ouverte pour les photos : des couvertures, de quoi écrire, un casque, des livres, un tapis de prière, une flèche pour désigner La Mecque et une tenue beige.
L' orange, la couleur qui vient à l'esprit lorsqu’on pense à Guantanamo, a été abandonnée pour suivre la règle des prisons américaines : le orange désigne les prisonniers indisciplinés, les autres sont en beige ou en bleu.
Voir les détenus
Une porte s’ouvre derrière le grillage, tout est noir. "Vous pouvez parler mais doucement. Vous pouvez prendre des photos. Mais sans flash", explique notre escorte. A travers deux portes, on voit les détenus, assis dans le centre communal. Ils ne peuvent pas nous voir. Certains lisent sur un canapé placé au centre, d’autres mangent ou regardent la télé. La scène est gênante.
Sur 80 détenus, 65 vivent dans les camps 5 et 6. Les autres sont dans le camp 7. Ce sont les plus "dangereux", ceux qui sont accusés d’avoir participer aux attentats du 11 septembre. Nous n’aurons aucune information sur eux ou sur l’endroit où se situe leur camp.
La prison peut-elle fermer ?
Barack Obama quitte la Maison Blanche cette année et il avait promis de fermer Guantanamo. Et si la fermeture n’est pas imminente, il y a du mouvement. Les transferts de prisonniers vers d’autres pays s’accélèrent. 147 ont eu lieu sous la présidence Obama. L'amiral Peter Clark est chargé de les coordonner. Personnage très important dans la hiérarchie militaire, il est le 4e après Barack Obama. "Nous soutenons totalement la décision du président de fermer la prison de Guantanamo. Tant que le processus de transfert a lieu, les prisonniers ont de l’espoir… et l’atmosphère est donc calme. Mais, si les transferts s'arrêtent et qu’ils comprennent qu’ils seront là à jamais, il faut s’attendre à un changement de comportement et on doit être préparés".
Se préparer c’est notamment avoir plus de 1.000 militaires sur la base de Guantanamo, "prêts à intervenir", ou mettre ensemble "les prisonniers qui s’entendent le mieux" explique l'amiral. Face à lui, une femme connait mieux le dossier que quiconque. Carol Rosenberg est spécialiste de Guantanamo. Elle a dormi plus de 1.000 fois ici...
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