Pages

mardi 3 mai 2016

Perpignan : un détenu attend son transfert à la prison de Béziers depuis 9 mois

Le sort d’un détenu a ému l’Observatoire international des prisons (OIP) qui possède des délégués dans le sud.


Placé en détention provisoire à la prison des Baumettes à Marseille en mai 2015, Kamel aurait dû être transféré à la maison d’arrêt du Gasquinoy de Béziers en août 2015, à la suite d’une décision du juge d’instruction en charge de son dossier. Ce transfert devait permettre de le rapprocher de Perpignan, où son affaire est instruite, ainsi que de sa famille, qui y réside.

« En vain, il a été bloqué à la suite d’un conflit sur la compétence entre l’administration pénitentiaire et la gendarmerie nationale. Une situation ubuesque, alors que Kamel a été conduit le 27 avril dernier à Perpignan pour y être entendu. Il doit de nouveau être transféré par escorte ce mardi. Mais, de nombreux transferts sont actuellement bloqués, alors même qu’ils ont été ordonnés par un juge d’instruction » dénonce Ahmid Khallouf, le coordinateur de l’OIP du sud-est.

« Une deshumanisation absolue »

Liens commerciaux :




Mercredi dernier, le 27 avril, Kamel est extrait du centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille, vers le tribunal de grande instance (TGI) de Perpignan, dans les Pyrénées-Orientales, où est instruite la procédure dans laquelle il est mis en examen. Sa famille, accompagnée de Me Pascal Roubaud, son avocat marseillais, en profite pour demander qu’il soit incarcéré à Béziers à la suite de son interrogatoire chez le juge perpignanais. Lequel requiert par écrit son transfèrement vers la maison d’arrêt de Béziers, distante de 90 km de Perpignan. Le juge avait déjà ordonné ce transfert depuis l’été 2015…En vain.

Mais, le soir même, Kamel est retourné dans sa cellule marseillaise. « On est face à la déshumanisation absolue du fonctionnement de l’administration pénitentiaire » déplore Me Roubaud, qui s’indigne que « des ordres de magistrats ne soient pas suivis d’exécution et parce qu’on n’arrive pas à identifier quelle est l’autorité est compétente pour les exécuter, c’est incroyable ».

Confusion entre services

Cette situation est née de la confusion qui règne entre l’administration pénitentiaire et les forces de l’ordre (services de police ou unités de gendarmerie) pour la désignation de l’autorité en charge du transfèrement judiciaire d’une personne prévenue (NDLR : en attente de jugement).

Le transfert de cette compétence des forces de l’ordre vers l’administration pénitentiaire était prévu par la loi pénitentiaire de 2009 mais contesté par les syndicats de l’administration pénitentiaire, qui dénonçaient une nouvelle augmentation de la charge de travail sans le renfort de personnels annoncé.
Une circulaire du 2 septembre 2011 organise l’échelonnement progressif de ce transfert selon un calendrier fixé par le ministère de la Justice. Ainsi, le Languedoc et le Roussillon, ainsi que les Bouches-du-Rhône doivent voir s’appliquer cette nouvelle règle respectivement en 2017 et 2019.

Cependant, le 7 mai 2015, une dépêche de la garde des Sceaux, adressée aux présidents et procureurs des tribunaux de grande instance et des cours d’appel, ainsi qu’aux directeurs interrégionaux des services pénitentiaires, précise qu’il « apparaît opportun que l’autorité judiciaire saisisse, pour compétence, l’administration pénitentiaire de toute situation exclusive des strictes nécessités de l’information judiciaire » et prend pour exemple le cas du rapprochement familial. Ce paragraphe, outre sa formulation vague, ne saurait clarifier ce qui doit s’appliquer à la situation de Kamel, dont l’ordre de transfert a été requis pour un rapprochement familial, mais également pour des nécessités procédurales, puisque le tribunal où est instruit l’affaire est celui de Perpignan.

 700 kilomètres pour un parloir

Ce litige de compétence maintient de nombreuses personnes détenues dans une situation d’éloignement portant atteinte à leur droit fondamental à une vie privée et familiale. Depuis son placement en détention provisoire au centre pénitentiaire des Baumettes en mai 2015, la famille de Kamel doit effectuer près de 700 km aller-retour pour lui rendre visite au parloir, où la visite n’excède pas une heure le plus souvent.

Enceinte au moment de l’incarcération de son compagnon, Aurélie, s’indigne du fait « qu’il n’ait pu voir sa fille nouvellement née le 3 octobre 2015 qu’une seule fois » et qu’il n’ait pu voir son autre fillette que trois fois. En cause, le coût et l’organisation que représente un tel trajet. « Un aller-retour entre Perpignan et Marseille nous coûte 145€, sans compter les repas, et on doit quitter la maison à 6h du matin pour n’y retourner qu’à 21h » explique la mère du prévenu qui réside à Perpignan.

Cette situation n’est pas exceptionnelle, selon l’OIP du sud-est. Selon une source pénitentiaire, entre les mois de janvier et août 2015, quelque 25 personnes détenues ont vu leur transfert judiciaire impacté par cette discorde administrative. Ainsi, Farid, incarcéré aux Baumettes, attend d’être transféré vers le centre pénitentiaire de Toulon depuis le 27 novembre 2015, date à laquelle le juge d’instruction a requis son transfèrement afin de le protéger des violences et menaces de mort, dont il a fait l’objet dans l’établissement marseillais.

Un magistrat perpignanais connaît une situation similaire avec un autre prévenu, « détenu au centre pénitentiaire de Perpignan qui attend son transfert pour rapprochement familial, alors qu’il en a donné l’ordre en 2015 », explique-t-il à l’Observatoire international des prisons.

 Kamel S. est à nouveau convoqué le 3 mai au TGI de Perpignan.

Ce mardi matin, Kamel a pris la route de Perpignan, depuis Marseille, où il va retrouver le cabinet du juge d’instruction et retrouver son avocat. Ils espèrent qu’au retour, l’escorte fera escale à la maison d’arrêt de Béziers…

http://infos-h24.fr

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire