Il était arrivé sans faire de bruit il y a tout juste un an. Arnaud Soleranski, 59 ans, a pris les commandes du centre pénitentiaire sud francilien (CPSF) à Réau le 10 mai 2015.
Radicalisation des détenus, incidents occasionnels ou actions de réinsertion… Pour la première fois, le directeur nous livre sa vision d’un établissement où sont passés des détenus qui ont parfois fait les gros titres des médias (lire ci-dessous).
Comment êtes-vous arrivés à la tête de la prison de Réau ?
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Je suis dans l’administration pénitentiaire depuis 1991 et, quand on m’a nommé à Réau, cela faisait six ans et demi que je dirigeais la maison d’arrêt de Bois-d’Arcy (Yvelines). Selon les règles de ma profession, il fallait que je change d’établissement.
Quelles différences notez-vous avec Bois-d’Arcy ?
Réau est un centre pénitentiaire qui accueille des personnes détenues condamnées à de longues peines. Bois-d’Arcy est une maison d’arrêt (NDLR : pour des prévenus en attente de jugement notamment). Les conditions de détention à Réau sont bien meilleures : pas de surpopulation carcérale (620 détenus pour 800 places contre 900 détenus pour 500 places à Bois-d’Arcy), détenu seul dans une cellule dotée d’une douche… Cela a un impact apaisant. Il y a moins de violence et de stress.
Que s’est-il passé depuis un an ?
Il m’a d’abord fallu plusieurs mois pour prendre mes marques dans cet établissement complexe. Puis j’ai réorganisé les compétences des équipes, imprimé mon style de management, appris à maîtriser le partenariat public privé car c’est un groupe privé qui a bâti le site et en assure le fonctionnement pour encore 25 ans…
Faites-vous face à une radicalisation de détenus, comme le soutient le rapport du contrôleur général des prisons en 2015 ? (Il indique que 60 % de ses détenus masculins de Réau ont une « pratique ostentatoire d’un islam rigoureux », décoration de cellules, agressivité envers les surveillants, prise de distance par rapport aux femmes…)
Non. Le rapport n’est pas tout à fait conforme à la réalité. Nous suivons certains détenus repérés au titre de l’islamisme radical mais ils ne font pas régner la terreur. Je suis pour la liberté de pratique de la religion en prison tant qu’elle n’empiète pas sur la liberté des autres et le fonctionnement de l’établissement.
À quels incidents particuliers avez-vous été confronté depuis votre arrivée ?
Chacun a à l’esprit la dramatique prise d’otage de l’un de nos surveillants par des détenus le 30 avril dernier. Et dans la seconde moitié de 2015, nous avons hélas été confrontés à la situation de plusieurs détenus qui ne sont pas revenus après une permission de sortir. Il y a même eu un cas où l’un de ces détenus a très grièvement blessé un policier avant d’être lui-même tué par les forces de l’ordre.
Quels dispositifs mettez-vous en place pour la réinsertion des détenus ?
Nous en mettons un grand nombre d’actions en place, en lien avec le service d’insertion (Spip). Ainsi, les détenus et la Maison Victor-Hugo de Paris ont monté dans nos murs l’exposition « Les Misérables ». Elle vient de se terminer et a reçu beaucoup de visiteurs (familles de condamnés, personnel…). Les détenus de notre boulangerie fabriquent 1 200 à 3 000 baguettes par jour, se formant ainsi aux métiers de la boulangerie et quelques-uns peuvent aussi passer un CAP pâtisserie. Nous avons lancé une formation vente de cosmétiques pour nos détenues femmes. Le tri sélectif sera bientôt mis en place au centre de détention des femmes.
Jacqueline Sauvage devrait bientôt quitter la prison de Réau
Parmi ses quelque 620 détenus, le centre pénitentiaire sud francilien de Réau accueille Jacqueline Sauvage, incarcérée pour le meurtre de son mari violent. (Document TF1.)
De nombreux détenus dont les noms ont fait les gros titres des médias sont passés par les cellules de Réau. Parmi eux Jacqueline Sauvage, qui devrait sortir du centre pénitentiaire de Réau dans les prochaines semaines. Cette sexagénaire est détenue dans l’établissement depuis le 8 février, où elle a passé six semaines au centre national d’évaluation chargé d’évaluer sa dangerosité.
En décembre 2015, elle avait été reconnue coupable du meurtre de son mari qui la battait et condamnée à 10 ans de prison. Mais le président de la République François Hollande lui a accordé une grâce partielle de sa peine fin janvier, ouvrant la possibilité à Jacqueline Sauvage d’obtenir une libération conditionnelle avant l’été alors qu’elle aurait dû être détenue jusqu’à début 2017.
Chiffres
- 620 détenus pour 800 places dans le centre pénitentiaire sud francilien (CPSF) de Réau inauguré le 13 septembre 2011.
- 65 femmes détenues sur les 90 places qui leur sont réservées.
- 300 surveillants officiellement, 250 en poste concrètement (congés, maladie…).
- 50 places dans le centre national d’évaluation (CNE) qui sert à établir le profil psychologique, médical et la dangerosité d’un détenu arrivant.
- 22 détenus actuellement dans le quartier maison centrale (QMC), qui compte 28 places destinées aux détenus les plus dangereux.
Le Parisien
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