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mardi 3 mai 2016

Prison : les confessions d'un "imam autoproclamé"

Un recruteur de djihadistes, qui s'est confié au site Streetpress, révèle les méthodes utilisées en prison pour radicaliser les détenus.

Photo d'une prison (photo d'illustration)

Comment font les recruteurs de djihadistes pour radicaliser les détenus en prison ? Quelles sont les clés pour être un bon recruteur ? Le site Streetpress a enquêté sur les rouages de la radicalisation en prison, en interviewant Christopher (son nom a été changé, ndlr), un ancien recruteur. Un témoignage éclairant sur les limites du système carcéral et les difficultés à endiguer le phénomène.

De détenu lambda à imam autoproclamé

L'histoire de Christopher est éloquente. Tombé pour instigation de vol à main armée à seulement 18 ans, Christopher se fait rapidement entraîner par un « imam autoproclamé » dans un processus de radicalisation. Se rapprocher d'un groupe sert avant tout à se protéger en prison : les Corses, les Basques, les musulmans…

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Les groupes sont nombreux. Seul, la vie du détenu est trop dure. Une fois le groupe formé, les recruteurs misent sur les sentiments de culpabilité et de pardon des détenus : souvent jeunes, un peu perdus, ils savent qu'ils sont en prison pour avoir commis une faute et cherchent des réponses aux nombreuses questions qu'ils se posent.

Et puis, il y a l'argent : « Ces imams sont liés à des filières extérieures, qui lui font passer de l'argent par mandat postal, sous le nez de la prison », explique un ancien détenu. Tous leurs besoins sont pris en charge.

Un système bien rodé qui a mené Christopher, après quelques années, à devenir imam à la place de l'imam. Un « poste qui ne convient pas à tout le monde ». Selon lui, pour devenir un bon imam autoproclamé, il faut trois qualités : « connaître les textes sacrés, parler l'arabe littéraire et avoir du charisme. Si t'as pas ça, tu peux remballer ton baratin », lance-t-il.

Une fois les détenus isolés de leurs familles et endoctrinés via un discours bien rodé et des phrases du Coran sorties de leur contexte, ils sont recrutés pour devenir de véritables soldats.

La lutte impossible des autorités

S'il existe des unités dédiées pour éviter la montée de l'islam radical en prison depuis janvier 2016 et qu'un vaste projet de lutte contre la radicalisation dans les centres pénitentiaires a été lancé par le gouvernement, il est toujours très difficile pour les surveillants de lutter au jour le jour contre ce genre de comportements : « l'État met en place des stages pour les surveillants. Mais ils leur parlent de radicalisation avant de leur parler d'islam », explique un aumônier à Streetpress qui déplore « l'espace vacant » laissé par les aumôniers peu présents, souvent en charge de plusieurs prisons.

Pour Christopher, la déradicalisation a été progressive, et un terrible incendie dans lequel il a failli trouver la mort a accéléré le processus. Mais en France, le nombre de détenus radicalisés reste encore difficile à évaluer. Selon un rapport de la contrôleur des prisons publié en 2015, sur 67 000 détenus, 18 000 pratiquent le ramadan. Combien parmi eux sont radicalisés ? Aucun chiffre précis n'a jamais été publié dans l'Hexagone sur le nombre exact de détenus considérés comme radicalisés.

Le Point

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