Pages

lundi 30 mai 2016

Vannes - Le trafic de drogue en prison a-t-il tué le détenu ?

Cinq prévenus ont comparu, jeudi, à Vannes pour la mort d'un jeune homme de 26 ans. En 2012, il faisait un malaise mortel dans sa cellule après avoir consommé de l'héroïne.

Le mardi 6 novembre 2012, entre 18 h et 19 h, Corentin, un jeune Vannetais de 26 ans, détenu à la maison d'arrêt de Vannes, décédait cellule 104.

L'autopsie révélait que le décès du jeune homme, condamné à trois ans de prison dont un ferme pour trafic de stupéfiants, était dû à un malaise cardiaque, aggravé par sa consommation d'héroïne.



Hier, cinq personnes comparaissaient devant le tribunal de Vannes, trois pour homicide involontaire, deux autres pour transport et détention de stupéfiants. Parmi eux, les deux codétenus de la victime, qui avaient alerté les surveillants.

Liens commerciaux :



De quelle manière la victime s'était-elle procuré la drogue ? Au départ de la chaîne, il y a Evelyne. Elle cachait dans son garage un stock important, constitué par Corentin : 809 g d'héroïne pure, 3,7 kg coupée, 11 kg de cannabis... et 2 590 € en espèces.

« Il ne voulait rien dire à sa famille »

C'est elle que Corentin supplie de lui apporter de la marchandise et de l'argent, « pour financer ses dettes en prison. J'ai fini par accéder à ses demandes. Je n'ai pas réfléchi ».

Elle confectionne deux boudins de 30 gr d'héroïne, 100 gr de coupe qu'elle reconnaît avoir remis à une jeune fille pour approvisionner celui qu'elle considérait « comme son frère ».

Son contact, c'est la soeur de Lahouari M, compagnon de cellule de Corentin qui remet les paquets au parloir. La jeune femme soutient ne pas avoir eu connaissance du contenu : « Je connais les risques ! » se défend-elle.

Quelques jours plus tôt, la victime venait d'être transférée dans la cellule de Lahouari et d'un autre détenu. Le soir du 2 novembre, les trois hommes consomment un tiers de l'héroïne, alors que Corentin est en sevrage. « Il nous a fait un malaise après », avoue Yannick A, puis un autre le lendemain. « Pourquoi n'avez-vous rien fait ? » interroge la mère de la victime. « Il ne voulait rien dire à sa famille. Il disait être coutumier de ces crises ».

A ses côtés, Lahouari, soupçonné par les avocats de la partie civile, d'avoir pris la victime « pour un pigeon qu'il voulait prendre sous son aile par intérêt ». Il savait que « ce fils à papa » avait de la marchandise à l'extérieur. Il organisait les transferts.

Aurait-il exercé des pressions en tant que « meneur » ? « Je ne suis pas Mesrine. Je bénéficiais de quelques facilités c'est tout » se défend Lahouari.

Le procureur veut savoir pourquoi il l'a laissé prendre de l'héroïne après ses deux malaises. « On est des toxicomanes ! » Pour que le commerce continue, il lui faut surtout « son larbin », analyse le magistrat.

Grande fragilité

Les parties civiles pointent « la défaillance » de l'administration pénitentiaire. La fiche de renseignement précisait la grande fragilité de Corentin, « un gentil capable de se faire racketter ». « On n'a pas été assez vigilants », admet l'un des surveillants.

« Mon fils a fait trois malaises. Pourquoi ne l'a-t-on pas secouru plus tôt ? » La mère savait « que son fils avait peur et que rien n'était fait pour le protéger. Vous allez me le rendre dans un cercueil », avait-elle déclaré lors de son incarcération.

« L'héroïne n'est pas la cause exclusive de la mort », convient le procureur. A ses yeux, Lahouari et Yannick sont coupables « d'avoir organisé le trafic et de l'avoir laissé consommer ».

Contre eux, il requiert six ans, dont trois ans ferme, un an ferme pour Evelyne, dix-huit mois avec sursis contre la soeur de Lahouari.

Les avocats réclament la relaxe des cinq prévenus pour « incapacité de l'État à mettre les toxicomanes à l'abri de leurs démons ». L'avocate de Lahouari, s'interroge. « Quelle pression ? Certes, mon client y a vu un avantage, mais ce sont trois toxicos qui se sont regroupés par intérêt ».

Ouest-france

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire