La surpopulation carcérale flirte avec ses niveaux records, avec plus de 14 000 détenus en surnombre et 1 400 matelas au sol.
Quels sont les chiffres de la surpopulation carcérale ?
Au 1er juin dernier, selon l’administration pénitentiaire, 68 542 personnes étaient détenues dans les prisons françaises. C’est 10 000 de plus qu’il y a dix ans. Le surnombre de détenus par rapport aux places (1) s’élève à 14 115 personnes, selon Pierre-Victor Tournier, directeur de recherches au CNRS en retraite.
Conséquence : sur 188 établissements, seuls 129 ont une densité inférieure ou égale à 100 %. À l’opposé du spectre, sept établissements dépassent les 200 %. Autre chiffre significatif : l’administration dénombre plus de 1 400 matelas au sol, soit 41 % de plus qu’il y a un an.
Liens commerciaux :
Sur cette période, le nombre de prévenus placés en détention en attente de leur procès a bondi de près de 11 %. Début mars, le Conseil de l’Europe a de nouveau pointé la France du doigt, 7e plus mauvais élève en matière de surpopulation.
Quelles sont les causes de cette surpopulation ?
« Depuis janvier 2015, la pénitentiaire ne publie plus les statistiques trimestrielles donnant les entrées, les sorties, la durée des peines… », s’agace Pierre-Victor Tournier. En cause, un problème informatique : « C’est scandaleux : on ne tolérerait jamais ça pour les chiffres du chômage… » estime le spécialiste.
Depuis 1975, en dehors de la période 1996-2001, la population carcérale n’a jamais cessé d’augmenter, pour de bonnes ou mauvaises raisons. Dans un rapport de 2013, le député et actuel président de la commission des lois, Dominique Raimbourg, cite des causes structurelles – « place centrale de la prison dans le Code pénal », « pression populaire et médiatique croissante » –, et conjoncturelles – « pénalisation des comportements », « mise à exécution plus rapide des peines ».
« Pour les prévenus, ce qui est net, c’est qu’on reçoit de plus en plus de demandes de détention, observe Benjamin Blanchet, juge des libertés et de la détention, membre de l’Union syndicale des magistrats. Or, en droit, la liberté est la règle, la prison l’exception. Dans les faits, les choses sont inversées : le juge doit se justifier auprès de l’opinion quand il libère. Pour elle, la prison est la seule solution à la récidive. Or c’est la vision la plus simpliste et la plus faussement rassurante. »
Quelles en sont les conséquences ?
« Promiscuité et tensions, accès difficile au travail et aux activités, insuffisance de l’accès aux soins, fragilisation des liens familiaux et détérioration des conditions de travail du personnel » : voici quelques conséquences listées par le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dans son rapport 2015.
« Les surveillants sont très inquiets de l’été qui vient car c’est à cette période que les détenus, souffrant de la chaleur et de la promiscuité, peuvent se montrer violents », renchérit Benjamin Blanchet. Dans son rapport, le CGLPL note aussi que « la surpopulation carcérale nourrit le prosélytisme et favorise l’emprise de personnes détenues radicalisées sur les plus fragiles ».
Plus largement, la surpopulation « entrave considérablement la réinsertion des délinquants et par là même, les possibilités de mieux protéger la société contre la criminalité », résumait le Conseil de l’Europe début mars, notant qu’il est aussi contraire aux droits de l’homme. Mi-juillet, le ministre de la justice doit présenter un rapport sur la surpopulation et l’encellulement individuel… Un droit garanti par la loi depuis 1875, mais toujours resté lettre morte.
(1) Le parc pénitentiaire compte 58 683 places opérationnelles mais 4 256 étaient inoccupées début juin en raison de l’inadéquation entre les besoins et les places disponibles.
La Croix
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire