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lundi 6 juin 2016

Transferts de détenus. Des ratés en Bretagne !

Les détenus sont désormais transférés dans les tribunaux par des agents pénitentiaires et non plus par des gendarmes ou des policiers. Un scénario mené depuis un mois en Bretagne et qui connaît quelques ratés en raison des moyens dérisoires mis en place.

Pour le syndicat pénitentiaire, l'Ufap-Unsa, il faudrait multiplier les effectifs par trois pour assurer le transfert des détenus.

Voilà cinq ans que l'extraction des détenus est progressivement confiée aux agents pénitentiaires.



En Bretagne, l'expérience a débuté le 2 mai. Pour gérer prioritairement ces transfèrements, trois pôles de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ) ont été créés en Bretagne : à Rennes, Nantes et Lorient.

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Amorcée il y a un mois, l'initiative enregistre des couacs. C'est ainsi que, le 17 mai, le juge des libertés et de la détention de Quimper a refusé de prolonger la détention provisoire d'un détenu mis en examen pour trafic de stupéfiants. L'homme a donc été libéré.

Une décision qui fait suite à la position de l'administration pénitentiaire, laquelle avait estimé que, faute de moyens, elle ne pouvait présenter le détenu en temps et en heure.

Neuf jours plus tard, c'est le tribunal de Nantes qui a attendu vainement de juger deux détenus, car ces derniers n'ont pu être extraits de leur cellule, pour les mêmes motifs que le cas quimpérois.

Magistrats et syndicats de personnels pénitentiaires craignent que bon nombre de situations similaires se reproduisent.

Le problème de la visioconférence

Pour faire face à ces problèmes d'extraction, il est néanmoins possible que le détenu reste en maison d'arrêt. Les auditions ou les comparutions sont alors menées par le biais d'une visioconférence.

Mais ce procédé se heurte aux problèmes techniques et à l'accord préalable de toutes les parties. « Cela pose la question de l'accès au juge, un droit fondamental », avait aussi rappelé le procureur de Quimper, Thierry Lescouarc'h, dans nos colonnes, le 10 mai dernier.

Il y a trois semaines, le tribunal de Brest devait ainsi se servir de la visioconférence pour juger, en comparution immédiate, un homme poursuivi pour des violences commises sur sa femme. Faute d'escorte, le prévenu, incarcéré, avait en effet été contraint de rester à la maison d'arrêt de Brest. Et c'est donc face à une caméra qu'il devait se défendre.

Mais le président du tribunal brestois, Xavier Jublin, avait refusé que l'audience se déroule de cette manière. « Je veux que vous soyez avec nous pour répondre de vos actes », avait alors expliqué le président en s'adressant au prévenu. Xavier Jublin avait ensuite ajouté : « Je ne suis pas sûr qu'il (le prévenu) m'entende. Je ne suis même pas sûr qu'il puisse voir le procureur requérir contre lui et encore moins comprendre ce qu'il dit ». L'affaire avait donc été renvoyée.

« Catastrophique »

« Le bilan de ce premier mois de transferts des détenus par des agents pénitentiaires est catastrophique, commente Daniel Joliet, secrétaire régional adjoint du principal syndicat pénitentiaire, l'Ufap-Unsa.

Dans les trois PREJ, le personnel (37 personnes) est en sous-effectif. Il ne peut assurer que 50 % de ses missions. L'autre moitié des extractions est faite, par la force des choses, par des policiers ou gendarmes. Le personnel, qui accomplit des journées à n'en plus finir, effectue 60 heures par semaine. Il faudrait multiplier les effectifs par trois ».

« Acrobaties permanentes »

À Saint-Brieuc, le procureur, Bertrand Leclerc, sort aussi de ses gonds : « Pour l'instant, on n'a pas à déplorer de sinistres (remise en liberté de détenus) à Saint-Brieuc mais c'est au prix d'acrobaties permanentes ». Le procureur évoque, notamment, les interventions du commissaire briochin, Laurent Dufour, souvent appelé pour pallier les carences de cette nouvelle organisation. « Le transfert des extractions aux agents pénitentiaires s'est fait avec un calcul insuffisant, tant en moyens humains que matériels, poursuit le procureur briochin. Comme souvent, la justice est obligée de se débrouiller elle-même. Nous avons le sentiment d'être otage d'un système mal calibré. Nous vivons une situation très périlleuse et c'est un véritable casse-tête pour nous ».

Le Télégramme

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