En garde à vue au commissariat depuis mercredi pour avoir diffusé sur internet une vidéo évoquant l'apologie du terrorisme via un téléphone portable, deux détenus de la maison d'arrêt d'Albi ont regagné leurs cellules hier.
Comment des téléphones peuvent-ils se retrouver en prison ? Tour d'horizon du problème avec des représentants de syndicats de surveillants pénitentiaires.
L'alerte a été donnée par des policiers parisiens enquêtant sur des filières jihadistes au commissariat d'Albi, d'où l'extraction des deux détenus de la prison albigeoise mercredi. La vidéo des deux délinquants postée sur Périscope a été repérée par les hommes œuvrant sur la plateforme Pharos, dédiée à la lutte contre la cybercriminalité.
À titre indicatif, cet outil recense des signalements majoritairement liés à des faits d'escroqueries, mais aussi à de la pédopornographie et à des actes d'apologie du terrorisme ou d'incitation à la haine raciale.
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Les deux détenus, âgés de 21 ans, ont été auditionnés depuis par les policiers de la brigade de sûreté urbaine (BSU). Leur performance sur le web ressemblerait plus à une galéjade qu'autre chose, même si le profil de l'un des deux détenus a été pris au sérieux par les enquêteurs, notamment au vu de son comportement en garde à vue. Reste à comprendre comment des téléphones portables peuvent se retrouver aussi aisément dans l'enceinte d'une maison d'arrêt à Albi comme partout en France.
139 détenus pour 142 lits et 38 surveillants à Albi
«À Albi, explique Stéphane Hénard, secrétaire régional UFAP-UNSA Justice, des filets évitent la projection de colis d'un côté de l'établissement. Mais comme on a affaire à des gens qui réfléchissent un minimum, ils profitent des failles du système en enjambant un ruisseau qui jouxte la prison et en envoyant leurs colis côté cour de promenade. Comme souvent l'administration ne fait jamais le boulot complètement.»
Pour le syndicaliste de l'administration pénitentiaire, le mal est profond. «Dans cet établissement accueillant 139 détenus pour 142 lits et encadrés à ce jour par 38surveillants, on compte entre le 1er janvier dernier et le 31 mai, environ 59 téléphones portables interceptés lors de fouilles ou dans la cour de promenade. Comme dans les autres maisons d'arrêt de la région, telles que sont Seysses, Tarbes, Mende, Foix, Montauban, Béziers et Nîmes, il pleut tous les jours des colis chargés de drogue, de portables, d'aliments et parfois d'armes dans les cours de maison d'arrêt. Et l'absence d'un effectif suffisant dans tous ces établissements ne permet pas d'empêcher que les détenus les fassent remonter dans leurs cellules par un jeu bien connu de yo-yo.»
Quant à la mode des vidéos postées sur Périscope ou d'autres réseaux sociaux, là encore, Stéphane Hénard n'est pas étonné. «Les détenus se font «livrer» des téléphones dernier cri qui permettent cette mode.
Il faut dire que la fouille des détenus revenant du parloir n'est plus systématique, la faute à l'article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 dont on demande l'abrogation. En gros, on peut s'attendre à trouver un portable caché dans chaque cellule. Avec les téléphones récupérés, on pourrait ouvrir un magasin.»
Éric Pujol est secrétaire local adjoint de Force ouvrière (FO) à la prison albigeoise. «Ces deux détenus en garde à vue pour une vidéo d'apologie du terrorisme ne constituent malheureusement pas une première. Le phénomène de radicalisation en prison prend de l'ampleur depuis plusieurs années. Les personnes fichées «radicales» prennent une proportion de plus en plus importante. Notre revendication vise à abroger l'article 57 et à procéder à la classification des établissements pénitentiaires en fonction des profils et de la dangerosité, des quantums de peines, pour empêcher de voir des détenus radicalisés continuer de se mêler comme aujourd'hui au reste de la population carcérale dans le but d'y faire du prosélytisme.»
5 à 7 ans d'emprisonnement
Les deux détenus extraits ce mercredi de la prison d'Albi pour être entendus par les policiers suite à une demande de leurs collègues parisiens pour une vidéo évoquant Daech, et placés en garde à vue pour ces faits, ont regagné leurs cellules hier. L'un a été mis hors de cause. L'état de santé du second était incompatible avec une garde à vue.
«Ces vidéos postées sur internet ont tendance à se généraliser, a souligné Patrick Batigne, secrétaire départemental Alliance Police nationale CFE-CGC 81. Il ne faut pas laisser faire. Il faut se montrer intraitables et infliger les peines maximales à ces individus pour les dissuader de se recommencer.»
Le fait d'inciter directement à des actes de terrorisme ou de faire publiquement l'apologie de ces actes est puni de 5 ans de prison et de 75 000 € d'amende. Les peines sont portées à 7 ans et 100 000 € d'amende lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne.
La Dépêche
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