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lundi 8 août 2016

Radicalisation en prison : la prise de conscience tardive des autorités

Mea culpa inhabituel : Adeline Hazan, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, n’a pas hésité à reconnaître, certes avec nuance, ce lundi 8 août sur France Inter, la part de responsabilité des autorités dans l'échec de la lutte contre le terrorisme pour ce qui est du volet "radicalisation en prison.


" Elle semble cependant omettre un point clef : l'influence islamiste en prison n'a pas surgi subitement. La toile a été patiemment tissée depuis des décennies.



Les aveux d’échecs en matière de lutte contre le terrorisme, aussi timides soient-ils, sont assez rares pour être soulignés.

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Interrogée sur la question et plus précisément sur le volet "radicalisation en prison", dans la matinale de France Inter ce lundi 8 août, Adeline Hazan, la contrôleure générale des lieux de privation de liberté n’a pas hésité à reconnaître la part de responsabilité des autorités dans la situation actuelle.

Une prise de parole qui intervient alors que le Premier ministre, Manuel Valls et le Garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, visitent ce lundi la maison d’arrêt de Nîmes - l’une des prisons les plus surpeuplées de France (395 détenus pour seulement 192 places).

"Je pense que l’administration pénitentiaire, la Chancellerie (…) se trouvent confrontées à un problème" dont "elles n’avaient" pas "jusque-là, il faut bien le dire, mesuré l’ampleur", a-t-elle en effet déclaré, en prenant toutefois soin de préciser que le problème de radicalisation est "sans précédent."

C'est là que l'analyse est un peu courte. Contrairement à ce qu’affirme Adeline Hazan, il y a bien des précédents enregistrés en France, ne serait-ce qu'à travers la série d'attentats qui a touché l'Hexagone entre juillet et octobre 1995, parmi lesquels l'attentat à la bombe de la station Saint-Michel du RER parisien, qui a fait huit morts et près de 120 blessés.

Or l'un de ses auteurs, Smaïn Ait Belkacem, figure emblématique du djihad "français", a patiemment tissé sa toile en prison depuis son incarcération en 1995.

La toile islamiste tissée en prison depuis des décennies

Soupçonné à l'époque d’être en mission commandée pour le Groupe islamique armé algérien, le GIA, Smaïn Ait Belkacem réussi à se faire oublier jusqu'à ce que son nom apparaisse lié à celui d’Amedy Coulibaly, auteur des attentats de Montrouge et de l’Hyper Cacher en janvier 2015.

Coulibaly a de fait tenté de faire évader Belkacem en 2010, soit cinq ans avant de passer à son tour à l’acte avec Chérif Kouachi, futur tueur de Charlie Hebdo... dont le nom figurait également dans cette affaire d'évasion manquée. Rappellons que Chérif Kouachi et Amedy Coulibaly se seraient eux-mêmes connus en prison.

C’est ce réseau souterrain, entre autres, alimenté avec persévérance derrière les barreaux par les islamistes depuis des décennies, comme le confiait en janvier 2015 à Marianne un ancien aumônier musulman en prison, sous couvert d’anonymat, que les autorités n’ont pas mesuré. Auquel sont venues s’ajouter ensuite les nouvelles recrues d’Al Qaïda puis de Daech.

Quelles sont par conséquent, face à ce constat, les solutions pour lutter aujourd’hui contre les réseaux et la radicalisation en prison ?

Pour la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, l’isolement des détenus radicalisés en vigueur depuis début 2016 dans cinq unités réparties sur quatre établissements pénitentiaires n’est pas la bonne option.

"Je pense que les programmes de déradicalisation sont intéressants, et qu’il faut les évaluer, mais regrouper les détenus radicalisés présente plus de danger que de solutions", estime-t-elle, soulignant que l'isolement de ces détenus n'est jamais totalement étanche.

Elle préconise plutôt de les "dispatcher" au milieu des autres détenus et de les "surveiller". A l’heure actuelle néanmoins, à défaut d’évaluation, il semble encore tôt pour tirer des conclusions dans un sens ou dans l'autre.

Marianne

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