Le cabinet d’architectes bordelais a livré cet été l’unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) de Cadillac (Gironde) qui doit concilier confort et sécurité pour les patients et leurs soignants.
« Une unité psychiatrique dans une enceinte pénitentiaire », c’est ainsi que l’on peut résumer la nouvelle unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA) que le centre hospitalier spécialisé de la commune et la direction interrégionale des services pénitentiaires de Bordeaux viennent d’ouvrir cet été à Cadillac (Gironde).
Il s’agit de la huitième UHSA de France et elle peut accueillir 40 patients détenus et bénéficiant, pour un temps, de soins psychiatriques dans un cadre hospitalier.
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Installée sur le site de l’unité pour malades difficiles (UMD) de Cadillac (longs séjours), dont elle est isolée par un mur d’enceinte, la nouvelle unité hospitalière dispense des soins habituels d’un secteur psychiatrique hospitalier, pour un temps plus ou moins long.
«Avec trois niveaux de prise en charge, elle offre une large palette de soins spécialisés ou intensifs qui ne peuvent être délivrés dans l’établissement pénitentiaire. Elle repose sur l’expression, sur des activités occupationnelles ou artistiques» précise la direction des services pénitentiaires.
En complément de la prise en charge en hospitalisation de jour, présente également au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan et de Poitiers-Vivonne (à l’échelle régionale), l’USHA de Cadillac permet aussi l’accueil en hospitalisation complète.
Double contrainte
Particularité de l’USHA: toute sa conception doit tenir compte des doubles contraintes carcérales et psychiatriques, tout en conservant le niveau de confort et de sécurité maximal pour les patients et les soignants.
Joël Maurice, gérant de BDM Architectes détaille cette démarche et ce projet particulier et sensible: «La psychiatrie est un pan de notre activité pour laquelle nous avons de nombreuses références. Nous avons notamment réalisé deux unités pour malades difficiles (UMD) à Cadillac en Gironde et Plougernevel en Bretagne, qui est visité souvent d’ailleurs.
Dans les UMD, la question de la sureté est primordiale en raison de la dangerosité que peuvent présenter certains patients pour eux-mêmes et pour les tiers. Les patients accueillis dans les UHSA ne souffrent pas nécessairement de pathologies aussi lourdes que dans les UMD, mais il s’agit ici de détenus vis-à-vis desquels l’administration pénitentiaire veut également prévenir toute possibilité d’évasion.
Exigence
Il faut donc dès la conception apporter un grand soin à la sûreté des lieux, par rapport aux patients et aux soignants. Des détails qui semblent anodins: éviter tout type d’aspérité, de crochets de patère où se pendre, bannir les vitrages classiques, les revêtements stratifiés et tous types de matériaux cassants qui, entre les mains d’un patient déséquilibré, peuvent devenir des armes dangereuses.
Si l’on veut prendre ces patients en soin, il faut que les soignants soient à l’aise. Et que les patients soient accueillis dans un cadre sécurisant. Notre objectif est donc de réunir toutes les conditions de sûreté dans un cadre humanisé.
En pratique, humaniser la sécurité, cela consiste par exemple à remplacer les traditionnels barreaux par des vitrages blindés, avoir des systèmes de faux plafonds décoratifs mais indémontables et incassables.
La sécurité passe par des détails que l’on ne voit pas: choix des matériaux, ambiance, et surtout organisation de l’espace dans lequel il n’existe pas d’angle mort ou de recoin où un patient puisse s’isoler.
De même, il faut que partout, du salon à la salle de jeu, les patients soient toujours visibles par les infirmiers et que ceux-ci soient eux-mêmes en co-visibilité afin de pouvoir se prêter main-forte en cas de besoin. D’où des transparences, une organisation de l’espace qui propose un lieu de vie et de soins qui a l’air normal, mais en fait apporte ces conditions de sûreté.»
Défi architectural
La première contrainte dans la conception d’une UHSA tient à la double structure: une enveloppe extérieure et une enveloppe intérieure.
L’enveloppe extérieure est gérée par l’administration pénitentiaire. Dans cette première enceinte, on trouve postes de garde, greffe, parloir, entrée du personnel et des visiteurs.
Le niveau de sûreté est identique à celui d’une prison: murs hauts de 5 m, barbelés, antigrappins, chemin de ronde, vidéo-surveillance, gardiens.
Faire de l’architecture avec ces ingrédients représente un véritable défi. Sur le mur d’enceinte nous avons utilisé des bétons gravés pour avoir un motif végétal discret, mais sans dépasser 5 mm d’aspérité, afin d’éviter toute possibilité d’escalade. Nous avons également utilisé au mieux la lumière naturelle qui entre partout, y compris dans les circulations.
L’enveloppe intérieure, dans laquelle les patients sont accueillis après avoir franchi un deuxième sas de contrôle est l’unité de soin à proprement parler.
Celle-ci dépend exclusivement du CHS de Cadillac et les patients y sont pris en charge par le personnel spécialisé de ce dernier.
Nous nous sommes attachés à optimiser les conditions de sécurité et de confort de cette unité de soins psychiatriques. Avec la lumière naturelle, le choix des couleurs, le design, nous avons fait en sorte que les détenus-patients aient une certaine liberté de mouvement maximale, avec un accès à une cour de promenade, à l’espace de restauration, qu’ils puissent se poser, sans se sentir en permanence surveillés.
C’est la condition pour que les soins puissent être prodigués, soient efficaces et que ces patients puissent aller mieux. Après leur hospitalisation à l’UHSA, quand leurs pathologies ont pu être traitées ou suffisamment atténuées, ils les patients redeviennent des détenus et retournent en prison. En travaillant sur l’humanisation du lieu de soin, nous voulions donc leur apporter une parenthèse de repos et de calme, une respiration dans leur vie de détenu.»
Références
«Quand le programme des UHSA est sorti, il n’y avait pas de lieux adaptés en prison pour traiter dans de bonnes conditions les détenus souffrant de pathologies psychiatriques et l’hôpital public n’était pas en mesure de recevoir ces patients détenus dans des conditions de sécurité adaptées.
Nous avons répondu et gagné un premier concours sur Rennes, avec le cabinet Dunet qui a assuré la phase chantier. Puis gagné Cadillac avec l’entreprise Mas et le cabinet Ragueneau-Roux qui a géré la phase chantier.
Actuellement, nous intervenons également au CHS des Pyrénées à Pau où nous restructurons et agrandissons quatre unités d’hospitalisation et au CHS Esquirol à Limoges où nous réalisons une unité d’addictologie de 40 lits.»
Le Moniteur
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