Les prisons françaises sont sous tension. Agression à Osny, mutinerie à Vivonne, les syndicats réclament plus de personnel.
Sébastien, 35 ans (le prénom a été changé), raconte à RMC.fr son quotidien de surveillant pénitentiaire.
"J'ai passé 4 ans sur la coursive en tant qu'agent de détention. Dans un bâtiment, on est deux pour 100 à 150 détenus. Mon établissement comme la plupart est en surpopulation, nous avons deux fois plus de détenus que de places. C'est un monde de fou.
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Il y a toujours beaucoup de mouvements: le matin, il faut envoyer les détenus à la douche. Sur une aile pour 40 détenus, il y a 4 douches. Il faut sans cesse monter, descendre, ouvrir et fermer les portes. S'il y a un parloir, un rendez-vous médical, il faut monter, repartir, revenir, c'est du matin au soir.
Entretemps, il y a les doléances des détenus qui réclament une cigarette, une bouteille d'eau… Ils ne comprennent pas qu'on n'a pas que ça à faire. Certains ont un problème avec leur cantine [la possibilité d'acheter des produits de la vie courante, ndlr], d'autres ne s'entendent pas avec leur codétenu. Et tout ça ne se fait pas en un claquement de doigt. Par exemple pour une demande de changement de cellule, il faut voir le profil, voir la raison de sa condamnation…
"J'ai été agressé deux fois"
Avec les détenus on essaie de refuser un maximum de choses dès le départ mais on peut aussi trouver des arrangements s'il reste une place à la douche par exemple. On peut lâcher un peu de lest, parfois.
J'ai été agressé deux fois. Les deux fois, j'ai eu de la chance que le détenu n'ait pas d'arme, ça a été de la bousculade. Ce qui est incroyable c'est que c'est systématique, on a la boule au ventre quand on arrive le matin. On se dit 'mais qu'est-ce qui va encore nous arriver?' On sait que l'on va être pris à parti. Il faut être toujours vigilant. Faire attention quand on leur tourne le dos.
"On ne peut pas faire ça toute notre vie"
En début de carrière, un surveillant gagne 1.400 euros nets à peu près. Et après 20 ans de carrière il touche 2.200 euros. Moi dans ma région d'origine, il n'y a plus beaucoup de travail. J'ai fait beaucoup d'intérim, mais après on ne peut pas faire ça toute notre vie. Je ne me suis jamais dit que j'allais être surveillant de prison.
Les autorités voudraient que les détenus soient plus surveillés, qu'il y ait plus de fouilles mais il faudrait qu'ils viennent voir: les surveillants de détention n'ont pas le temps de le faire. Par exemple je ne vois pas comment on pourrait voir un détenu en train de se radicaliser. On n'a pas le temps! Quand je finis sur une aile je ré-attaque une autre… Parfois on n'a même pas le temps de créer un peu de lien.
Il y a certains détenus qui relèvent davantage de la psychiatrie. Il y a le problème de la drogue aussi. Quand je vois l'état mental de certains…
Il faut prendre sur soi. Les jeunes qui rentrent à 20 ans ça doit les chambouler, je n'aurais pas pu. Dans chaque promotion il y en a qui démissionnent, qui ne tiennent pas le coup. J'ai déjà eu envie de démissionner mais il faut bien payer le loyer. Ça devient une routine de se faire insulter, on en rigole du coup.
Les premières années, on est exécrables avec son entourage. Quand on prend des insultes toute la journée, à la maison la moindre chose qui ne va pas ça énerve. Il faudrait changer de poste régulièrement. Moi j'ai changé au bout de 4 ans, mais la dernière année, je ne prenais même plus la peine de parler aux détenus."
RMC
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