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mercredi 25 janvier 2017

Visite ministérielle : Trois petits tours et puis s’en vont

La venue d’une délégation ministérielle est, généralement, porteuse d’espoirs, d’engagements, d’annonces, de déclarations, voire de garanties.

Visite ministérielle : Trois petits tours et puis s’en vont

Le départ de la même mission est, parfois, source de déceptions, de frustrations, de désillusions, pour ne pas dire de désenchantements. Pour preuve, les réactions de la Chambre consulaire interprofessionnelle de Saint-Martin, ainsi que celles des conseillers prud’homaux…


Mais certains élus semblent avoir une vision différente sur cette visite du ministre de la Justice. Entretiens séparés, sur la venue du ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, avec le député Daniel Gibbs et le sénateur Guillaume Arnell.

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Les deux élus s’accordent pour dire que recevoir un ministre à Saint-Martin est toujours un moment important. Ancien président de la Commission des Lois, à laquelle appartient le député Gibbs, le ministre Jean-Jacques Urvoas était déjà venu sur l’île lors de la mission sur l’évaluation de l’article 74. Un ministre qui connaît donc le territoire et ses problématiques.

« Ce que j’apprécie chez Jean-Jacques Urvoas, c’est qu’il n’est pas venu faire des promesses qu’il ne saurait tenir », estime le sénateur Arnell, « il a voulu écouter l’ensemble des partenaires pour mieux s’imprégner de la problématique de la justice, soucieux de rendre une justice de qualité aux justiciables saint-martinois ». Rangez la brosse à reluire…

Répression, jugement, sanction


Pour le député Daniel Gibbs, l’important, « c’était d’avoir une chambre détachée (…) Parce que la justice doit être égalitaire pour tout le monde sur tout le territoire français ». Mais qui dit chambre détachée « dit aussi que dans le système judiciaire, il faut tous les compartiments nécessaires pour un bon fonctionnement ».

Compartiments qui comprennent, « la prévention, en passant ensuite par la répression, par le jugement et ensuite par la sanction. C’est pour cela que la séance sur le centre pénitentiaire était importante ».

Le ministre de la Justice avait expliqué, en conférence de presse, qu’avec « l’application de l’article 937 du code de procédure pénale, cela va nous permettre l’incarcération, dans des locaux à Saint-Martin, pendant une durée maximale de trois jours.

Ce qui permettra à la fois, un meilleur exercice pour la défense, et aussi pour les victimes ce sera plus facile de se constituer de la même façon. Et puis, pour les forces de sécurité, pour l’administration pénitentiaire, ça permettra d’avoir un dispositif qui sera juridiquement stabilisé ».

Il n’y a pas de respect de l’autorité

Un article 937 qui ne satisfait qu’à moitié Daniel Gibbs, « c’est une solution temporaire, mais c’est un début d’avancée et par la suite il faudra aller vers quelque chose de plus conséquent. Parce que les chiffres à Saint-Martin démontrent qu’il y a un besoin de respect de l’autorité, et s’il n’y a pas de sanction, il n’y a pas de respect de l’autorité ».

Même son de cloche du côté du sénateur Arnell, « il faut impérativement que l’action judiciaire, la réponse judiciaire aux incivilités en matière correctionnelle puisse être visible sur le territoire. Parce que le fait qu’on puisse appréhender un individu sur le territoire et qu’il puisse être jugé et incarcéré à Basse-Terre, nuit à la bonne visibilité de l’action de la justice ».

Respect de l’autorité, sanction, le député Gibbs en est convaincu et « tout le monde le sait. Sauf qu’il y en a qui jouent les hypocrites, je parle localement. Certains politiciens jouent avec le populisme exacerbé. Mais la réalité c’est qu’un système, pour qu’il fonctionne, doit avoir tous les tenants et les aboutissants. C’est-à-dire l’élément préventif, qui est un gros élément, pour parer à ces situations de délinquance, ensuite le répressif quand ça ne fonctionne pas, le jugement et la prison, ce qui est normal… ».

Il faut trouver une solution, quelle quel soit…

« Le ministre a dit, on a posé les bases de la discussion. Il a parlé finance quand on a parlé prison, et il faut trouver la meilleure alternative », mais « l’article 937, ce n’est qu’un palliatif », estime le député Gibbs.

Ce dernier témoigne sa confiance envers le ministre de la Justice, « à chaque fois que j’ai travaillé avec Urvoas, ce qu’il a dit, il l’a fait. Quand il ne peut pas, il ne peut pas… Là, il n’a pas dit, ce n’est pas possible, il a dit, il faut trouver une solution, quelle quel soit, mais il faut en trouver une ».

« Je crois que nous avons été entendu », estime Guillaume Arnell, « parce que pour une fois, unanimement, tout le monde s’accordait à dire, on ne sait pas lequel, quel type, mais il faut un établissement pénitentiaire ici (…)

On milite pour que ce soit un établissement pour les courtes ou les très courtes peines, parce que, pour les grandes peines, il faut impérativement un univers sécurisé ».

Le sénateur assure que le ministre de la Justice a dit, « on commence par mettre les courtes peines, après on met toutes les peines. Donc ça signifie qu’il faut bien travailler en amont le dossier que nous souhaitons, bien le ficeler, pour qu’il n’y ait pas de dérive et de tentation à mettre un peu n’importe quoi dedans ».

Pour Guillaume Arnell, le ministre est reparti, « il me semble, convaincu de la nécessité d’avoir toute la continuité de la chaîne de justice. Et la finalité de la chaîne c’est effectivement l’univers carcéral. Alors, une petite structure, une structure moyenne, une structure mixte… Il faudra faire des évaluations, des analyses sur la base de ce qui a été dit ».

Des choses envisageables ou inenvisageables

A écouter les deux représentants de Saint-Martin, les journalistes n’ont pas dû bien comprendre les paroles du ministre Jean-Jacques Urvoas lors de la conférence de presse …

Retour sur les propos du ministre. « La question pénitentiaire, à Saint-Martin, se pose à l’évidence. Il y a deux ans quand j’étais venu faire un rapport sur l’évolution institutionnelle du territoire, cette question avait déjà été posée. Il m’appartenait, ayant cette responsabilité depuis maintenant cinq mois, de me rendre compte sur ce qui était faisable ou pas faisable. Et la première des choses, c’est de diagnostiquer quel est le besoin (…)

Est-ce qu’il y a de la place à Saint-Martin pour construire un établissement pour les courtes peines, ceux qui seraient condamnés à moins de deux ans ? Ce n’est pas le diagnostic qui a été posé cet après-midi en présence des magistrats du tribunal, de la chambre détachée, de la cour d’appel et des responsables pénitentiaires ». Pas l’ombre d’une promesse…

Ensuite, « est-ce qu’il faut construire un établissement de petite taille qui permettrait de préparer la sortie ? C’est-à-dire que les condamnés passeraient leurs peines en Guadeloupe ou en métropole, et reviendraient à Saint-Martin avant la fin de leur peine pour permettre une réinsertion en douceur. C’est une hypothèse qu’il faut travailler. Ce ne sont pas des choses qui sont inenvisageables ».

Pas très porteuse d’espoir cette dernière petite phrase, même si elle peut paraître positive pour certains… Ce sont des choses envisageables, est une phrase qui aurait été, sûrement, plus porteuse d’espérance. Mais encore pas l’ombre d’une promesse…

Une prison n’est pas dans les critères financiers

Le ministre Urvoas poursuit son questionnement, « est-ce qu’il faut un établissement qui soit clairement une maison d’arrêt ? Et alors on est absolument pas dans les critères financiers qui sont de l’ordre du probable ».

Exit la solution de la maison d’arrêt, d’autant que « créer un établissement autour de 80 personnes, c’est autour de 60 M€ d’investissement. Sans le terrain et sans les personnels qui travaillent dedans ».

Mais le député Daniel Gibbs marque un point auprès du ministre, car l’élu « a fait valoir le fait qu’il y avait aujourd’hui un grand nombre de saint-martinois qui étaient incarcérés et que cela représentait un coût pour la société et pour la collectivité. Il faut savoir si ceux qui sont dans les établissements des Antilles ; Guadeloupe ou Martinique, s’ils étaient ramenés à Saint-Martin, qu’elle masse financière ça représenterait.

Je vais demander à l’administration pénitentiaire d’affiner cette comparaison qui n’était pas apparue dans les documents qui m’avaient été donnés avant de venir, et puis nous pourrons ainsi savoir exactement de quoi nous avons besoin ».

L’administration étant ce qu’elle est, il paraît peu probable qu’un rapport soit réalisé avant les prochaines élections présidentielles. Mais toujours pas l’ombre d’une promesse dans la bouche du ministre…

Du foutage de gueule

Par contre, Daniel Gibbs est quelque peu irrité par les travaux qui vont avoir dans les maisons d’arrêts de Guadeloupe et particulièrement celle de Baie-Mahault.

« Pour Basse-Terre, il n’y a qu’une rénovation et une extension (…) Par contre, à Baie-Mahault, je ne savais pas qu’il y avait une extension… Alors là, c’est un peu du foutage de gueule. Parce que nous, on demande une prison, et là on met je ne sais combien de millions pour une extension (…) Nous on est en droit d’avoir notre prison et puis on nous dit qu’il n’y a pas de fonds… Sauf qu’on fait une extension à Baie-Mahault et ça ce n’était pas prévu. Au lieu d’une extension à Baie-Mahault, j’aurais préféré qu’il y ait un premier centre pour 30 détenus ».

Néanmoins, le député Gibbs réitère sa confiance envers le Garde des Sceaux. « Quand il était président de la Commission des Lois à laquelle je siège, il a toujours été à l’écoute et a contribué à aider Saint-Martin »...

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