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jeudi 16 mars 2017

Centre de détention de Papeari : "Une des prisons les plus modernes de France" (Jean-Jacques Urvoas)

Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, arrive ce jeudi soir au fenua. Il inaugurera lundi le centre de détention de Papeari, qui sera "l’une des prisons les plus modernes de France".

Centre de détention de Papeari : "Une des prisons les plus modernes de France" (Jean-Jacques Urvoas)

"Les conditions de vie offertes seront identiques à celles de métropole ", assure le garde des Sceaux.


L'objectif est de désengorger Nuutania, surnommée "la honte de la République" pour sa vétusté, sa surpopulation record et les conditions de détention qui y règnent. Jean-Jacques Urvoas commencera sa visite ce vendredi par le chantier du tribunal foncier

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Quelles sont les particularités du nouveau centre de détention à Papeari qui sera inauguré lundi ? En quoi est-ce un centre de détention moderne ?

"Votre question me permet de souligner la qualité architecturale de ce nouvel établissement. Ainsi, le centre de détention Tatutu est moderne dans sa conception, il dispose de toutes les qualités des établissements ouverts récemment en métropole : espaces aérés, lumière naturelle recherchée, douches en cellule, secteur d'insertion socio-éducatif particulièrement étoffé…

La modernité réside également dans le projet d'établissement porté par la direction conjointement avec le Service d’Insertion et de probation (SPIP) puisqu'il ouvrira directement avec un bâtiment dédié au « module de respect ». Ce module a vocation à donner plus de responsabilité aux détenus dans la gestion du quotidien afin d’améliorer leur projet de préparation à la sortie."

Quels aménagements ont été réalisés pour adapter la prison aux contraintes ultramarines (chaleur…) ?

"Le nom même de Papeari signifie qu’il y pleut beaucoup. C’est une donnée qui a naturellement été prise en compte : les bâtiments, bordés par des galeries, sont donc couverts par des toitures à larges auvents, qui les abritent aussi du soleil. Les alizés sont également utilisés pour ventiler les bâtiments d’hébergement. De même, le déploiement d’un espace ouvert continu au cœur de la détention permet la libre circulation de l’air et une bonne ventilation des espaces extérieurs et des bâtiments tout au long de l’année. Dans le même ordre d’idées, les portes des cellules ont été ajourées afin de laisser circuler l’air sans diminuer leur résistance. Enfin, les fenêtres des façades les plus exposées sont équipées de cadres pare-soleil qui limitent les apports solaires dans les locaux. Ils permettent aussi une meilleure isolation thermique des cellules. "

Pour favoriser la réinsertion des détenus dans la société, le directeur du service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) indiquait dans une interview à Tahiti Infos: "Nous devons faire en sorte que la prison ait sa place dans la cité". Quels seront les moyens dédiés à cette nouvelle prison pour favoriser l’insertion des détenus dans la société ? Quelle place la formation aura dans ce nouveau centre ?

"J’attache une importance toute particulière au travail d’insertion. C’est pourquoi, dès le mois de juillet dernier, j’ai conduit une réforme statutaire de la filière pour lui accorder la reconnaissance due au regard du service rendu à l’œuvre de Justice.

Dans le cas de Papeari, le service pénitentiaire d’insertion et de probation s'est attelé depuis plusieurs mois, en coordination étroite avec la direction du centre de détention (CD), à établir des programmes de prise en charge de qualité. Ceux-ci s’adresseront tant aux publics « longue peine » qu’à ceux purgeant des courtes peines. Nous allons notamment mettre en place des permanences pour l'accès aux droits (santé, logement, emplois..) et des modules de préparation à la sortie.

En ce qui concerne la formation professionnelle, seront proposées aux personnes détenues des activités d’apiculture, d’agriculture et de transformation des produits récoltés. Dans cet objectif, le centre présente en son sein des parcelles cultivables.

En outre, le directeur du SPIP travaille à la mise en œuvre de programmes de justice restaurative sur le territoire. Ainsi, dès octobre 2017, trois semaines de formation seront organisées pour faire se rencontrer personnes détenues et victimes.

Il faut souligner la diversité des actions conduites et le travail fourni par les équipes de l’administration pénitentiaire. Nous pouvons être fiers de ce qui se prépare."

Un certain nombre de prisonniers travaillent pour la mairie de Faa'a. Un partenariat similaire sera-t-il fait avec la commune de Papeari ?

"Les autorités locales ont marqué leur intérêt pour des projets de ce type, ce dont je me félicite. A ce titre, un projet de placement extérieur est en cours de finalisation : un groupe de détenus construira un gite puis défrichera et entretiendra les espaces verts. Pour ce faire, la structure support serait l’Association pour l'Éducation Cognitive et le Développement (AECD) rattachée à la mairie de Papeari et de Teva i Uta."

"Les conditions de vie offertes seront identiques à celles de métropole"

L'établissement va d'abord fonctionner « à blanc ». Puis, à partir de la mi-mai, un transfert de près de 200 détenus purgeant leur peine sera effectué. "Ensuite, les personnes condamnées à des peines d'emprisonnement ferme et non aménageables, jusqu’alors non exécutées faute de capacité suffisante d’accueil à Nuutania, soit environ 150 condamnés définitifs, depuis parfois de longs mois, dont les peines à exécuter sont supérieures à six mois d'emprisonnement seront susceptibles d'être incarcérés au centre de détention de Papeari", a indiqué le procureur général François Badie le 22 décembre lors de la cérémonie d'accueil des nouveaux agents du futur centre pénitentiaire. Cela pourrait amener assez rapidement le nouveau centre de détention Tatutu de Papeari à accueillir environ 300 détenus.

La prison de Nuutania a une surpopulation record. Quelles seront les conditions de vie des détenus dans le nouveau centre de détention. A quoi ressemble une cellule-type ?

"Je l’ai dit, le centre de détention Tatutu de Papeari est l’une des prisons les plus modernes de France. Aussi, les conditions de vie offertes seront identiques à celles de métropole une cellule ventilée, aérée, et équipée d’un espace douche et protégeant des regards les sanitaires.

Les progrès accomplis sont, de ce point de vue, absolument considérables."

Il y aura un détenu par cellule. Les Polynésiens ont un mode de vie plutôt communautaire. Ne craignez-vous pas que les détenus se sentent isolés ?

"Dans le rapport relatif à l’encellulement individuel qui a été remis au Parlement le 20 septembre dernier, j’indiquais que l’objectif d’un détenu par cellule ne pouvait concerner 100% des détenus. Nous estimons qu’il peut raisonnablement se situer autour de 80%, afin de tenir compte des souhaits des personnes incarcérées.

Dans cette configuration, celles qui ne souhaiteraient pas être seules pourront demander à partager leur cellule avec un co-détenu. Pour les autres, il est certain qu'un temps d'adaptation sera nécessaire. Deux séances d'information ont déjà été organisées sur le centre pénitentiaire de Faa’a par l'équipe de direction SPIP et de l’établissement de Papeari. Les familles sont également reçues par les personnels du SPIP pour répondre à toutes leurs questions sur ce nouvel établissement.

Toutefois, ce temps en cellule passé seul pourra être utilement compensé par les activités proposées, l’occupation des espaces collectifs… Ces temps collectifs choisis seront très importants et correspondront, je le crois, au mode de vie polynésien. "

Comment le personnel administratif de la prison va-t-il gérer la distance entre le centre de détention et Papeete (extractions, prise en charge médicale…) ?

"Les contraintes d'éloignement sont inhérentes à ce projet immobilier et l'organisation des services a été conçue autour de cette distance avec la juridiction et avec les services de Papeete. Je sais les inquiétudes qui peuvent exister à ce sujet ; mais je veux donner sa chance à l’organisation qui a été retenue. Concernant les extractions judiciaires, dans la mesure où Papeari accueillera des condamnés, elles devraient être très limitées. Par ailleurs, une convention avec l’hôpital est en cours de discussion afin d’assurer une présence médicale."

Il n’existe aucun établissement pénitentiaire pour mineurs, centre d’éducation fermé ou centre d’éducation renforcé en Polynésie française. L’établissement de Faa’a-Nuutania accueille des mineurs mais ne dispose pas de quartier qui leur soit dédié. Des aménagements sont-ils prévus pour répondre à ce problème ?

"Je note d’abord que les mineurs sont en nombre très réduit au sein de l’établissement de Faa'a : trois en moyenne depuis le début 2017. Et, s'ils sont placés sous la surveillance de l'administration pénitentiaire, leur prise en charge quotidienne relève néanmoins de la compétence de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Un projet conjoint sera donc établi avec celle-ci pour envisager de quelle manière améliorer la prise en charge de ce public, notamment avec les nouveaux espaces offerts qui permettent d’envisager la création d’un quartier pour mineurs.

Tout sera mis en œuvre pour que les mineurs incarcérés puissent l’être dans les meilleures conditions afin de favoriser leur réinsertion."

Le seul hôpital psychiatrique de Tahiti est surencombré et il n’existe pas de structures médicales de prise en charge intermédiaires. L’incarcération des personnes atteintes de tels troubles est donc problématique et leur sortie de l’établissement en fin de peine les expose à de forts risques de réitération faute de suivi possible. Des mesures seront-elles prises pour résoudre ce problème ?

"Ce sujet doit faire l’objet de concertation avec le ministère de la santé. Nous avons noué de bonnes relations de travail que nous allons mettre à profit sur ce point."

En septembre dernier, Tahiti Infos avait révélé qu’un détenu s’était radicalisé à Nuutania au contact d'un autre détenu polynésien lui-même converti à l'islam à la faveur d'un long séjour en détention en métropole. Quelles consignes donnez-vous au personnel du nouveau centre détention pour limiter les risques de radicalisation ?

"Il y a trois fiches « S » mais deux sont en évolution positive, la situation du détenu auquel vous faites allusion, est unique, à cette heure, pour la Polynésie française ; elle a fait l'objet d'une attention des services de l’administration pénitentiaire. Les personnels ont ainsi reçu un accompagnement pour assurer la gestion de cette situation. Ils ont ainsi été sensibilisés à la question du repérage et de l'accompagnement de ce type de publics par le binôme de soutien (éducateur et psychologue) qui est intervenu en visioconférence et peut être sollicité autant que de besoin. Les personnels de renseignement pénitentiaire sont aussi attentifs.

Je veux redire ma détermination dans le combat pour la sécurité pénitentiaire et la lutte contre la radicalisation violente, souligner les moyens qui ont été dégagés et les dispositifs humains extrêmement structurés qui ont été mis en œuvre."

" La fin des travaux du tribunal foncier, est prévue pour fin octobre"

Une délégation de trois parlementaires de la commission des lois du Sénat est venue début mars pour une mission d'information sur le "fonctionnement de la justice outre-mer". A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances 2017, Lana Tetuanui avait estimé qu'il "serait bon que les parlementaires métropolitains s'y rendent pour l'observer, car on hallucine parfois en constatant l'écart entre ce qui se passe à Paris et ce qui se passe sous nos cocotiers, au point de se demander si nous n'avons pas une justice à deux vitesses". Vous connaissez bien la Polynésie pour y être venu en tant que président de la Commission des lois. Que pensez-vous du fonctionnement de la justice en Polynésie française ? Des améliorations peuvent-elles être apportées ?

"La sénatrice a raison : il est difficile d’imaginer pouvoir utilement légiférer sur un territoire sans connaître ses besoins ni ses spécificités.

En Polynésie française, la difficulté principale tient évidemment à la taille du territoire et au nombre important d’îles qui imposent de tenir des audiences que l’on dit « foraines » c’est-à-dire qui se déplacent. Elles nécessitent le développement de moyens humains et matériels importants, c’est la garantie d’un accès à la justice de l'ensemble des habitants du Fenua.

Par ailleurs, le Pays montre des spécificités bien particulières au plan pénal. D’abord par la nature des infractions commises sur son territoire qui ne correspondent pas nécessairement aux infractions qu’on retrouve en métropole, en tout cas pas dans les mêmes proportions. Par exemple, la délinquance polynésienne se caractérise surtout par du trafic et de la consommation de stupéfiants, des violences intrafamiliales, des atteintes sexuelles sur mineurs, des cambriolages, outre une forte délinquance routière. Ensuite, en application du principe de “spécificité législative “ résultant du statut d’autonomie interne, une partie importante des textes répressifs de droit pénal spécial relève de la compétence du territoire, en matière douanière, de droit du travail, de droit de l’urbanisme, de droit de l’environnement etc., ce qui conduit à l’institution d’infractions qui sont propres au territoire.

C’est tout l’enjeu du Conseil de prévention de la délinquance de Polynésie française auquel j’assisterai vendredi, que de créer une meilleure conjugaison entre tous les services de l’Etat comme du Pays. Ce Conseil a été créé en janvier 2016 et est co-présidé par le haut-commissaire de la République, le président de la Polynésie française et le procureur général. Il a permis l’adoption en mars 2016 d’un plan d’action autour des grands axes de risques de délinquance identifiés (addictions, mineurs, violences intrafamiliales, et autres facteurs de trouble).

Enfin, je sais que le Tribunal de Première instance est le dernier à ne pas être raccordé à l’outil informatique qui organise la procédure pénale. De nombreux travaux sont en cours pour assurer son déploiement à l’horizon du premier semestre 2018 ou pour informatiser le casier judiciaire."

Dans le rapport que vous aviez réalisé, alors que vous étiez président de la commission des lois, vous indiquiez que « La durée de séjour de certains magistrats soulève également des interrogations que votre rapporteur trouve tout à fait fondées ». Partagez-vous toujours cet avis ? Que proposez-vous aujourd’hui en tant que ministre de la Justice pour faire face à cette situation ?

"Au 1er mars 2017, l’effectif total de magistrats est de 42 dont 13 à la Cour (8 au siège et 5 au parquet) et 29 au tribunal de première instance (23 au siège et 6 au parquet).

Quelques magistrats ont une durée d’ancienneté supérieure à dix ans dans leur poste actuel (trois) voire supérieure à 20 ans (deux, mais dont un proposé pour la métropole dans l’actuel projet de mouvement des magistrats) ; toutefois, certaines situations individuelles doivent entrer en compte et, surtout, cela ne concerne pas la très grande majorité des magistrats en poste, puisque 28 d’entre eux sont à Papeete depuis moins de cinq ans ; les deux vices présidents affectés aux sections détachées de Nuku-Hiva et Uturoa ont ainsi pris leurs fonctions en 2016.

S’agissant des quelques cas que vous visez, le principe de l’inamovibilité est constitutionnel. Il garantit l’indépendance du juge en le mettant à l’abri de toute pression. Au-delà de cette protection du juge, ce principe assure au justiciable l’accès à un tribunal impartial et indépendant.

Il doit nécessairement s’articuler avec les risques de conflit d’intérêt et déficit d’impartialité objective qui sont d’autant plus importants que le magistrat concerné exerce dans un archipel à population somme toute limitée, sur un périmètre géographique restreint, et pendant une durée importante.
La conciliation du principe et de ces risques a conduit le gouvernement de Lionel Jospin à élaborer des limites à certaines fonctions. Tout d’abord, les chefs de juridiction ne peuvent demeurer dans leur poste au-delà de 7 ans. A l’issue, s’ils n’ont pas obtenu de nouvelle affectation, ils rejoignent, selon les cas, soit la cour d’appel (président et procureurs) soit la Cour de cassation (premier président et procureur général). Ensuite, les magistrats occupant des fonctions spécialisées (juge d’instruction, juge des enfants, juge d’application des peines, juge d’instance, et à compter du 1er septembre prochain, Vice-président chargés des fonctions de Juge des libertés et de la détention) ne peuvent les assurer au-delà de dix ans. Au terme de ce délai, et s’ils n’ont pas rejoint une autre juridiction, ils reviennent au tribunal de grande instance en qualité de juges non spécialisés.

Afin de renforcer la prévention des conflits d’intérêts, j’ai fait adopter par le Parlement la loi organique du 8 août 2016 qui impose à tous les magistrats, dans les deux mois de leur prise de nouvelles fonctions, de rédiger une déclaration d’intérêt remise à leur autorité hiérarchique qui procède alors à un entretien déontologique. Cette loi donne la possibilité à l’autorité hiérarchique de saisir le collège de déontologie de toute question posée par la déclaration d’intérêt remise par le magistrat concerné.

La création du tribunal foncier est très attendue afin de traiter le stock important de dossiers en souffrance. La mise en place du tribunal foncier était annoncée pour premier semestre 2017. Pouvez-vous préciser le calendrier pour la mise en place de cette juridiction ?

"Avant même l’arrivée du tribunal foncier, j’ai mobilisé des moyens supplémentaires au tribunal de première instance pour lui permettre de résorber le stock qui était de 931 dossiers en octobre 2015 et qui a ainsi baissé à 821 dossiers en janvier dernier. Ces moyens ont été déployés en application d’un contrat signé le 9 janvier 2015 et qui a prévu l’arrivée de deux magistrats, qui sont en Polynésie depuis le 1er septembre et le 1er janvier dernier, de deux greffiers et de quatre agents. J’ai encore autorisé l’arrivée en septembre prochain d’un conseiller supplémentaire au niveau de la cour d’appel, qui sera affecté à ces dossiers.

La fin des travaux du tribunal foncier, est prévue pour fin octobre. Il s’agit d’une opération de 1 290 000 euros (153 millions de Fcfp, NDLR) ; je suis heureux d’en visiter le chantier vendredi. Pour que ce tribunal puisse être totalement opérationnel, deux mesures règlementaires sont encore nécessaires : l’une, sur les modalités de désignation des assesseurs, qui devrait être publiée cet été et l’autre, qui doit réformer la procédure civile applicable au tribunal, mais qui relève du droit du Pays.

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