Il y a dix ans, l’association Declic (Demain ensemble sur les chemins de la liberté, de l’insertion et de la citoyenneté) est née en Alsace avec une idée en apparence bien plus généreuse que réaliste : faire randonner des détenus dans les Vosges pour préparer leur réinsertion.
Dix ans plus tard, cette générosité est toujours une réalité. Declic est une idée qui marche…
Jeudi 14 août 2008, début de matinée. Une foule de journalistes patiente devant le centre de détention d’Oermingen, une des cinq prisons d’Alsace, située près de Sarre-Union. À 9 h 45, enfin, les portes s’ouvrent : les caméras filment, les stylos s’agitent, les appareils crépitent. La sortie d’un prisonnier célèbre ?
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Pas du tout : apparaissent neuf inconnus. Ce qui attire la presse ce jour-là, devant cette prison, c’est que ces détenus, des hommes âgés de 21 à 31 ans, sortent à pied, tranquillement, par la grande porte, sans menottes, sans surveillants, alors qu’ils ne sont pas encore libres. Les grilles franchies, ils sont accueillis par les membres de l’association Declic, acronyme d’une suite de mots qui sonne comme un manifeste : Demain, ensemble, sur les chemins de la liberté, de l’insertion et de la citoyenneté !
« Un a priori de confiance »
Cette association avait été créée un peu plus d’un an auparavant, au printemps 2007, par des personnes des secteurs de Strasbourg et Mulhouse. Elle fêtera ainsi ses dix ans ce samedi (voir ci-dessous).
Cette sortie de l’été 2008 fut la première du genre. Les prisonniers et les accompagnateurs ont alors pris un bus qui les a conduits à Verdun, d’où ils ont entamé une « longue marche » à travers les Vosges, durant 34 jours, et longue de 700 kilomètres, à raison de 20 ou 30 kilomètres quotidiens. Au terme de cette expédition, les détenus sont revenus à Oermingen, mais pour y être libérés.
Depuis, Declic n’a cessé d’emmener des détenus sur les sentiers vosgiens. Ces marches sont des sas vers la vie d’après. Un entre-deux mondes, pour réapprendre le goût du dehors, la loi du vivre ensemble. Pour arrêter de se voir en prisonniers et pour se considérer comme des hommes. « Dans ces randonnées, ils sont des marcheurs, pas des détenus » , précise Gilbert Duflot, qui accompagne des groupes depuis 2012. La marche, l’effort, la promiscuité favorisent la parole, l’échange, l’écoute.
La ré-humanisation. Declic crée du lien.
L’association alsacienne s’est inspirée d’un précurseur franc-comtois, Acic (Association chemins de l’insertion et de la citoyenneté), qui avait osé ces longues marches avec des détenus sur le chemin de Compostelle en 2003, 2005 et 2008. Acic est aujourd’hui en sommeil, mais Declic a trouvé son rythme de croisière.
« Notre projet est né d’une réflexion citoyenne de personnes engagées pour qui la prison ne peut être l’unique réponse aux problématiques de délinquance et pour qui il faut aussi pouvoir accompagner autrement » , rappelle l’actuelle présidente de Declic, Jeanine Peter, domiciliée à Réguisheim, à quelques kilomètres de la maison centrale d’Ensisheim. Mais une idée généreuse ne suffit pas : il faut encore l’imposer. « Nous avons dû démarcher la direction interrégionale de l’administration pénitentiaire, lui ‘‘vendre’’ notre projet en partant de nos convictions… »
On conçoit qu’une administration dont la mission est de garder des prisonniers exprime quelques doutes face à des associatifs qui proposent de les lâcher dans la nature. Dix ans après, si Declic marche encore, c’est que s’est instauré « un a priori de confiance. Désormais, on n’a plus à batailler avec l’administration. On a fait nos preuves. »
L’appel du large
Et pourtant… Dès cette première marche de l’été 2008, la réalité a douché l’idéalisme. Deux détenus n’ont pu s’empêcher de se laisser aller : une nuit, ils sont partis en maraude avant de rejoindre le groupe au petit matin… En 2010, d’autres ont volé le stock d’alcool d’un refuge. Et l’an dernier, dès l’ouverture des portes, « un jeune , raconte Jeanine Peter, s’est mis à courir sur le parking de l’Elsau. On pensait qu’il allait voir quelqu’un, mais il ne s’est pas arrêté… » Il s’est tout bonnement enfui et a été rattrapé quelques jours plus tard.
Malgré tout, donc, la confiance est restée. « Une action comme ça, c’est un partenariat à trois, entre l’association, la justice et la pénitentiaire. Les trois doivent être accordés. » Cet accord existe en Alsace et c’est assez rare pour être salué. Un Declic 42 s’est monté dans la Loire, mais cette association fonctionne uniquement en duo (un détenu et un accompagnateur).
Declic a survécu, mais Declic a évolué. Les marches au long cours ont été abandonnées après la quatrième édition, en 2012. C’était compliqué, parce qu’il fallait avoir le temps de préparer le projet post-détention de la dizaine de participants. Et aussi un peu injuste, parce que la demande et les besoins sont forts : pourquoi ne pas organiser plusieurs petites sorties dans l’année plutôt qu’une seule grande, afin que plus de marcheurs en profitent ?
Les marches à la journée (et parfois au week-end, et parfois à la semaine…) ont été instaurées depuis 2012. Aujourd’hui, il y en a une par mois, toujours dans le massif vosgien, pour les détenus d’Ensisheim, d’Oermingen et de Strasbourg-Elsau. Des marches ont aussi été mises en place en « milieu ouvert » (personnes non détenues, mais sous main de justice) à Mulhouse.
Au long cours, puis à la journée
Ce qui sous-tend cet investissement des membres et accompagnateurs de Declic, c’est la conviction...
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