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vendredi 14 avril 2017

Devant la prison de Villepinte, le grand ras-le-bol des surveillants

Une soixante d’agents pénitentiaires ont bloqué jeudi matin la maison d’arrêt pour protester contre leur condition de travail dans l’un des établissements les plus surpeuplés de France.

A Villepinte, jeudi.

Des palettes brûlent à l’entrée de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis), à quelques mètres des pelouses sur lesquelles broutent des moutons noirs.


Derrière les murs, s’entassent 1 080 détenus dans un établissement qui compte 587 places. C’est, entre autres, pour dénoncer cette surpopulation carcérale record que trois organisations syndicales ont appelé jeudi matin au rassemblement devant la prison francilienne. Une soixante de surveillants venus de toute la région ont répondu présents.

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«Avec l’été et la chaleur qui arrivent, les tensions vont monter d’un cran dans la prison», redoute Philippe Kuhn, délégué régional du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS), et ancien de Villepinte, où il a passé douze ans.

Plusieurs surveillants décrivent la peur de la porte, la crainte d’ouvrir une cellule qui accueille un voire deux détenus surnuméraires.

Des lits ont été ajoutés dans les cellules, mais parfois des détenus dorment sur un matelas à même le sol : il y en aurait une quarantaine, selon Blaise Gangbazo, de CFTC-Justice.

Sur le diagnostic, organisations syndicales et direction sont plutôt raccord. Fin mars, la directrice, Léa Poplin avait prévenu les tribunaux de Bobigny et Paris que son établissement ne pourrait plus accueillir un seul détenu en plus. Ce «stop-écrou» a produit des effets, mais trop limités, estiment les surveillants qui manifestent.

«Un détenu m’a attrapé à la gorge, un autre m’a craché dessus»

Eux voient d’abord dans cette extrême densité carcérale une menace à leur sécurité : «Une agression physique se produit toutes les 48 heures à Villepinte», assure Philippe Kuhn, qui raconte qu’un surveillant s’est fait mordre le doigt jusqu'«au sang» il y a trois semaines.

Julien, qui défile avec une chasuble bleue FO Pénitentiaire, a connu deux épisodes du genre depuis son arrivée l’année dernière : «Un détenu m’a attrapé une fois à la gorge, un autre m’a craché dessus», témoigne le jeune surveillant de Villepinte (29 ans) qui refuse de donner son nom pour «des raisons de sécurité».

Comme ses collègues, il voudrait des renforts. Le représentant du SPS a fait ses calculs : il manque vingt gardiens à Villepinte pour les 587 places normalement prévues. «Alors, pour 1 100 détenus…» souffle Kuhn.

Pour réduire la surpopulation, le SPS voudrait envoyer les détenus dans d’autres prisons, y compris hors d’Ile-de-France, en assouplissant par exemple le maintien dans la région pour liens familiaux.

Une fois les palettes consumées et après le passage d’un candidat à la présidentielle, Nicolas Dupont-Aignan, un convoi syndical s’est dirigé vers le tribunal de Bobigny.

«Ce sont les magistrats qui incarcèrent. Pourquoi ils n’appliquent pas plus la contrainte pénale ?» s’agace Samuel Dehondt, délégué régional FO, devant la rangée de CRS qui barre l’entrée du tribunal. Une vingtaine de surveillants a suivi. «On est les grands oubliés de l’Etat», lance au mégaphone l’un d’eux, entouré de journalistes.

Libération

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