Le garde des Sceaux a demandé à Jean-René Lecerf de rédiger un livre blanc sur la manière de mener à bien le projet de l’immobilier carcéral.
Le document, que nous avons pu consulter avant sa présentation ce mardi matin, décoiffe et innove. Le ministre a accepté de nous recevoir pour le commenter.
- Pourquoi un livre blanc ?
« Ce livre blanc me paraissait être la meilleure manière d’établir un diagnostic. Quand je regarde les lois de programmation militaires, je constate qu’elles ne fonctionnent que si on y associe un livre blanc. C’est une garantie : si le gouvernement s’échappe de ses objectifs initiaux, les commissions parlementaires sont là pour veiller.
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Jamais, dans ce ministère, on n’avait fait de livre blanc. Je tiens à souligner le travail de Jean-René Lecerf et de toute la commission – c’était un sacré défi, en moins de trois mois. Le résultat de leur travail est ce que je considère comme étude d’impact du volet pénitentiaire de la loi de programmation budgétaire de la justice. »
– Mais aurez-vous le temps d’aller au bout de votre ambition ?
« Évidemment, cela sous-entend que le travail ne s’arrête pas là. Je vais donc proposer une méthode pour élaborer une loi de programmation, avec pour objectif un vote fin 2017. Pour cela, il faudra qu’à l’automne, quand l’Assemblée nationale se saisira du projet de loi de finances, qu’en même temps le Sénat, lui, étude notre loi de programmation de la justice. »
– La démarche semble très volontariste.
« Si je regarde les programmes des différents candidats à la présidentielle, je vois que ceux qui sont en position de l’emporter proposent une vraie ambition. »
« C’est nécessaire. Mais je n’ai pas de raison de douter de la concrétisation, car si je regarde les programmes des différents candidats à la présidentielle, je vois que ceux qui sont en position de l’emporter proposent une vraie ambition. Y compris sur les masses budgétaires à engager. »
- Ce livre blanc ne traite pas seulement de l’immobilier pénitentiaire.
« Nous allons engager un vrai travail pour créer un service statistique ministériel »
« Jean-René Lecerf et les membres de la commission ont très justement élargi ce livre blanc à d’autres problématiques. L’immobilier carcéral n’est qu’une des facettes de la politique pénitentiaire.
Nous constatons d’abord que ce ministère est l’un des derniers à ne pas avoir de service de statistiques perfectionné. Nos chiffres sont donc soit tardifs, soit peu fiables. Pour le problème de la détention provisoire, par exemple, nous ne disposons pas de chiffres. J’ai récemment rencontré Roger Cukierman, l’ex-président du conseil représentatif des institutions juives de France, qui me demandait combien nous déplorons d’actes antisémites ou racistes punis ; nous n’avons pas été capables de lui répondre précisément…
Nous allons donc engager un vrai travail sur ce sujet pour créer un service statistique ministériel, de même que sur la communication entre les différentes composantes de cette administration. Nos outils sont arrivés au bout de leurs possibilités. À l’occasion de l’attentat de Nice, nous nous sommes aperçus que l’outil de traitement des informations ne peut être utilisé au-delà de cinq cents victimes. Il faut régler ces problèmes et installer un outil solide. »
– Et pour en venir à l’immobilier ?
« Une autre préconisation concerne l’architecture des nouvelles prisons. Je suis très intéressé par ce qu’on appelle les « modules respect », expérimentés notamment à Mont-de-Marsan. L’un des principes est que les détenus nettoient eux-mêmes les parties communes, par exemple. Le résultat est que les détenus sont plus soigneux, qu’il n’y a donc plus de rats, plus de « yoyos » aux fenêtres. Ils se sentent mieux dans leurs bâtiments et les surveillants sont plus sereins, aussi. Cela répond au principe qui veut que le détenu soit acteur de sa peine. C’est indispensable, si on veut que la prison soit un temps utile.
Car le but est qu’une fois la peine purgée, la personne reprenne sa vie quotidienne et ne revienne plus en détention. Pour cela, il faut lui donner des repères. Lui faire prendre d’autres chemins, comme celui de l’éducation, par exemple. »
– On revient dans ce livre blanc à l’ambition de l’encellulement individuel.
« L’encellulement individuel est mon principal combat, car la surpopulation est le mal qui ronge toute l’administration pénitentiaire »
« L’encellulement individuel est mon principal combat, car la surpopulation est le mal qui ronge toute l’administration pénitentiaire. C’est indispensable qu’il n’y ait qu’un détenu par cellule, si on veut une prison qui soit utile à cette société. La prison qui ne doit pas être qu’un temps, mais un lieu, où la personne détenue doit gagner la capacité de se réinsérer. »
– Tout cela n’est pas tout à fait dans l’air du temps…
« La France a la culture du cachot. Les Français sont horrifiés par l’état de nos prisons, mais en même temps, ils réclament toujours plus d’incarcération. Je pense qu’on peut être ferme tout en respectant la dignité des personnes détenues. Toute personne qui est entrée dans un lieu de détention en garde le souvenir sonore et olfactif. Cela marque. Eh bien quand on a ma responsabilité on a le devoir de changer cette réalité. »
– Le personnel pénitentiaire se manifeste beaucoup, ces temps-ci. Que trouve-t-il dans ce livre blanc ?
« C’est un métier que l’on fait rarement par vocation. Il faut donc le réhabiliter. Il faut changer le regard de la population sur l’administration pénitentiaire. C’est pour cela que j’ai proposé au président de la République que des surveillants défilent, pour la première fois, le 14 juillet dernier.
C’est un métier socialement indispensable. On ne peut pas s’en passer. Il faut donc faire en sorte de les protéger. Prenons l’exemple des détenus particulièrement surveillés, qui sont escortés à l’extérieur des prisons par le GIGN. Dès qu’ils sont rentrés, ils sont pris en charge par des surveillants sans formation particulière. Évidemment, ceux-ci ne se sentent pas en sécurité ! Nous allons donc proposer des formations et améliorer, plus globalement, la sécurité pénitentiaire. »
– Mais tout cela va coûter cher ?
« Il faut un milliard supplémentaire pour le budget de la justice dans les cinq ans à venir. »
« Il faut un milliard supplémentaire pour le budget de la justice dans les cinq ans à venir. C’est le but de la loi de programmation....
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