Près de deux mois après les grèves qui ont paralysé les prisons françaises, l'administration envisage de sanctionner les gardiens stagiaires. Les syndicats s'offusquent.
Les organisations syndicales y voient une "double sanction", l'administration pénitentiaire une entorse au respect du "code de déontologie".
91 surveillants pénitentiaires encore stagiaires vont être sanctionnés pour avoir participé au mouvement de grève massif qui a agité les prisons de l'hexagone, en janvier, a appris L'Express de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP), qui souhaite repousser la date de leur titularisation.
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Car comme les CRS ou les militaires, les surveillants pénitentiaires sont dépourvus de droit de grève et s'exposent, en cas de non respect de cette règle, à des sanctions pouvant aller jusqu'à la révocation.
"Avec la grève, ils ont déjà perdu des jours de salaire"
Si aucun délai de report de titularisation n'est avancé pour l'heure par la DAP, qui dit vouloir examiner les dossiers au "cas par cas", selon Jérôme Massip du syndicat SPS Pénitentiaire, la période de retard pourrait aller jusqu'à six mois pour les stagiaires grévistes les plus assidus au mouvement.
Selon le syndicaliste, "une centaine de stagiaires sont concernés [actuellement] par cette mesure au plan national, mais des dossiers continuent à arriver."
Auprès de L'Express, le syndicaliste assure s'être entretenu avec des gardiens "effarés" par la situation. "C'est un signal très fort envoyé à nos jeunes collègues, qui doivent normalement être titularisés après 12 mois effectifs de travail, relève le délégué de SPS pénitentiaire. Là, on se retrouve dans un cadre de sanction disciplinaire, alors que ces stagiaires ne sont jamais passés devant un conseil de discipline".
Il évoque une "double sanction" pour ses collègues, déjà loin de gagner des "salaires mirobolants". "Déjà, beaucoup de ces stagiaires démissionnent dès leurs premières semaines en prison, lorsqu'ils découvrent la vie de surveillant après huit mois de théorie enseignée à l'école... Et avec la grève, ils ont déjà perdu des jours de salaire, une dizaine pour certains, alors si en plus on repousse leur titularisation...", s'indigne-t-il.
Des stagiaires entre deux feux
"Les sanctions qui pourraient être prononcées ne seront pas plus graves que celles à destination des titulaires", répond la direction de l'administration pénitentiaire. Pour justifier sa décision de repousser la titularisation de ces 91 stagiaires, l'administration, qui s'appuie sur le "respect du code de déontologie" des surveillants, assure que "certains éléments nécessaires à la validation de ce stage ne sont pas maîtrisés, d'où une prolongation de la période de stage".
Période qui reste rémunérée. Elle soupçonne par ailleurs les surveillants titulaires d'avoir exercé une "pression" sur les stagiaires, pour qu'ils rejoignent leur mouvement.
Contacté par l'AFP, l'un d'entre eux confirme: "Pour nous c'était vraiment délicat. D'un côté on avait les menaces de sanctions, de l'autre la pression des collègues titulaires", dit-il. Le jeune homme évoque aussi les "sifflets" auxquels faisaient face les jeunes gardiens qui décidaient de prendre leur service lors de la grève.
L'administration pénitentiaire assure que la situation est "inédite". Jusqu'au mouvement de grève du mois de janvier, "les organisations syndicales préservaient systématiquement les stagiaires en cas de mouvement social en les laissant pénétrer dans l'établissement, car ils savaient que ces derniers s'exposaient directement à une révocation pure et simple", argue la DAP.
Le soutien d'Olivier Falorni
Une nouvelle réunion de la commission chargée de prononcer les titularisations des surveillants est prévue mi-avril, en présence des organisations syndicales.
Selon Jérôme Massip, certains de ses collègues déjà titulaires ont également été sanctionnés depuis la grève. "Certains ont écopé de suspensions avec sursis, prononcées par l'administration pénitentiaire, d'autres d'exclusions fermes", accuse le syndicaliste, en citant le cas d'un surveillant appartenant à une organisation syndicale, suspendu pendant 10 jours dans une prison de Perpignan.
Lors d'une question écrite adressée à la garde des Sceaux Nicole Belloubet mercredi, le député des Charentes-Maritimes Olivier Falorni s'est également emparé du sujet. "Alors que ce mouvement trouve ses racines dans le sentiment d'abandon des surveillants pénitentiaires et d'insécurité eu égard à leurs conditions d'exercice, ces derniers se voient pénalisés par leur administration", s'est-il indigné.
L'Express
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