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jeudi 17 mai 2018

Fiché S en cavale : y a-t-il eu un défaut de surveillance?

Un détenu de la maison d'arrêt de Brest fiché S et suivi pour radicalisation s'est évadé mercredi lors de son transfert. 

Fiché S en cavale : y a-t-il eu un défaut de surveillance?

Les syndicats pénitentiaires dénoncent un problème de surveillance de ce type de détenus. L'un de ses complices s'est rendu.

"Est-ce que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour empêcher cette évasion?" L'attaque est venue du secrétaire général du Grand ouest de la CGT pénitentiaire, Samuel Gauthier. 

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Ce dernier s'interroge sur l'évasion d'un détenu de la maison d'arrêt de Brest, mercredi matin, lors de son transfert vers l'hôpital. L'homme, âgé de 21 ans, est fiché S en raison d'une "tendance à la radicalisation". Du côté des surveillants pénitentiaires, deux sujets font débat : pourquoi les agents chargés du transfert ne sont-ils pas armés? ; la maison d'arrêt de Brest a-t-elle les moyens d'encadrer ce genre de détenus?

Jeudi matin, l'homme âgé de 21 ans était toujours activement recherché. C'est une fois arrivé devant le CHU de Brest mercredi, où il devait être examiné aux urgences ophtalmiques, qu'il s'est enfuit. Selon le Syndicat national pénitentiaire Force ouvrière, le détenu s'est mis à courir dès sa sortie du véhicule pénitentiaire. Un agent est parvenu "à le plaquer une première fois au sol mais le détenu s'est relevé et a rejoint un véhicule de type Peugeot 306 où au moins deux hommes l'attendaient".

Le conducteur de la voiture s'est d'ailleurs rendu mercredi en fin de journée et il a été placé en garde à vue, a fait savoir jeudi le procureur de la République de Brest, Jean-Philippe Récappé. "Ça s'est passé extrêmement vite, dès l'arrivée sur place", a précisé à l'AFP l'administration pénitentiaire.

Il se serait radicalisé en prison

Le détenu en fuite "fait l'objet d'une fiche S parce qu'il a une tendance à la radicalisation et qu'il est suivi pour ça", a expliqué mercredi le procureur, précisant que le jeune homme n'avait jamais été condamné pour des faits de terrorisme ou d'apologie du terrorisme. Il était en détention provisoire depuis le 13 novembre dernier pour "vol par escalade dans un entrepôt" a précisé le parquet de Brest, et celle-ci devait se prolonger jusqu'en juillet.

Originaire de Landerneau, l'homme avait 23 mentions à son casier judiciaire pour des faits de vol, dégradation et outrage notamment, a précisé le procureur de la République. Des téléphones portables ont été découverts dans sa cellule, a rapporté une source proche de l'enquête. Selon celle-ci, il avait été signalé en raison de sa conversion à l'islam, la pratique rigoriste de sa foi et un changement physique. Il ne tenait pas de discours rigoriste, a-t-elle toutefois précisé.

Selon Thierry Labrot, du syndicat UFAP de Brest, il s'est radicalisé "à travers ses fréquentations qu'il avait en détention". Il s'était laissé pousser la barbe, portait la djellaba et faisait cinq prières par jour, a précisé le syndicaliste. Ce dernier dénonce le manque de formation du personnel pénitencier face à de tels individus. "L'établissement [de Brest, Ndlr] n'est pas fait pour recevoir ce profil de détenus", a-t-il ainsi assuré.

Des agents pénitentiaires non armés, un détenu non entravé

Samuel Gauthier, de la CGT pénitentiaire, regrette lui que les agents chargés de son transfert n'aient pas été armés, alors même que le détenu était jugé "dangereux". Une faille dans le dispositif, selon lui. "Les détenus savent que, dès lors qu'ils partent en extraction médicale, le niveau de sécurité n'est pas le même", a-t-il assuré. En cause : une réforme de 2010 transférant des forces de l'ordre vers l'administration pénitentiaire la charge des extractions de détenus. Ce sont désormais des agents pénitentiaires non armés qui assurent les transferts médicaux ou vers les palais de justice. "Est-ce que tous les moyens ont été mis en oeuvre pour empêcher cette évasion par rapport à tout ce qui se passe dans notre pays, notamment depuis les attentats du Bataclan? Je ne pense pas", a insisté le syndicaliste.

Interrogé sur franceinfo, Emmanuel Baudin, secrétaire général FO Pénitentiaire, a également évoqué des "dysfonctionnements", dénonçant notamment la disparition des "entraves" qui "empêchait" les détenus de courir "il y a encore quelques années". Il a également regretté l'absence d'armement, évoquant les seuls "sifflet et gilet pare-balles" des agents qui accompagnaient le détenu. Le syndicaliste appelle à la création d'une "vraie police pénitentiaire" et dénonce l'administration qui n'a, selon lui, "pas mis en place les moyens et n'a pas fait le nécessaire pour [que les agents] puissent faire toutes ces missions comme c'est prévu dans les textes". 

Une enquête a été ouverte pour évasion avec violence et un mandat de recherche a été diffusé. "Tout a été mis en oeuvre pour le retrouver", a assuré le procureur, évoquant des "moyens conséquents".

Une réforme mal menée 

Dans un communiqué, le ministère de la Justice précise que Nicole Belloubet a "demandé sans délai à l'administration pénitentiaire toutes les précisions nécessaires pour juger des circonstances de cette évasion". La place Vendôme estime par ailleurs que "l'escorte (…) qui accompagnait le prévenu, composée de trois personnes" correspond à un "niveau de sécurité important". "Cet événement montre néanmoins la nécessité de poursuivre et d'achever désormais rapidement les travaux engagés par le ministère de la Justice pour harmoniser les règles, les procédures et les moyens mis en œuvre pour l'ensemble des missions extérieures assurées par l'administration pénitentiaire", écrit encore le ministère, précisant que la direction de l'administration pénitentiaire travaille actuellement à un "dispositif permettant de mieux professionnaliser cette activité d'escorte de détenus sur la voie publique".

Car la réforme de 2010, mise en place afin que la police et la gendarmerie se consacrent à leurs autres missions, connaît de nombreux échecs sur le terrain...

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